Les Instituts d'études politiques sont touchés depuis dix jours par une vague de dénonciations de violences sexuelles subies par des étudiantes et ex-étudiantes depuis des années. Trois ans et demi après #MeToo, c'est grâce au hashtag #SciencesPorcs que les victimes témoignent sur les réseaux sociaux. 

Le 13 février, un ancien étudiant de Sciences Po Toulouse, accusé de viol par une étudiant, a été mis en examen. Les faits remonteraient à 2018, lors d'une soirée d'intégration.

Viols pendant la soirée d'intégration 

Quelques jours après l'apparition de #SciencesPorcs, un ancien étudiant de l'IEP de Toulouse a été mis en examen pour viol, annonçait l'AFP, repris par Le Figaro. D'après le procureur de la République de Toulouse, Dominique Alzéari, il "a été placé sous contrôle judiciaire assorti de diverses obligations destinées notamment à préserver le bon déroulement des investigations qui doivent se poursuivre désormais dans le cadre de l’information". 

Entendu par les enquêteurs le 11 février, il a contesté les faits. Selon L'Obs, le directeur de l'établissement, Olivier Brossard, avait été informé des faits fin 2020 par la victime. "Nous l'avons incitée à nous donner le nom de l'agresseur et un témoignage écrit", a-t-il déclaré.

Tu m'as demandé si ça allait, j'ai dit non et t'as fini. Tu m'as violée.

Vidéo du jour

Dans une lettre ouverte, relayée par l'ancienne étudiante de Sciences Po Toulouse et militante féministe Anna Toumazoff, sur les réseaux sociaux, l'étudiante à l'origine de la plainte, Juliette, âgée de 20 ans, revient en détail sur la soirée où elle a été violée par un étudiant de deuxième année. "Tu m'as violée. Je dormais et t'as continué. Tu m'as violée. Tu m'as demandé si ça allait, j'ai dit non et t'as fini. Tu m'as violée. Tu t'es endormi et tu m'as laissé sangloter dans le coin du lit. Tu m'as violée, violée et encore violée", écrit-t-elle dans une "lettre ouverte à celleux qui le voudront, pour ne plus jamais que cela arrive". 

L'omerta autour des violences sexuelles dans les IEP

Plus loin, l'étudiante, mineure au moment des faits, dénonce l'intégration de début d'année, un passage obligé pour tous les étudiants des IEP. D'abord lors d'une journée d'intégration, puis plus longuement au cours d'un week-end, le bizutage est monnaie courante à Sciences Po.

"L'intégration, le tribunal, on en fait touts.tes partie. On l'accepte tous.tes plus ou moins consciemment et même si on est en désaccord il continue d'exister", explique l'étudiante. "Les IEP regorgent de violeurs, d'agresseurs, d'harceleurs. Leur présence est confortée et favorisée par les événements de nos écoles."

Les IEP regorgent de violeurs, d'agresseurs, d'harceleurs.

Dans une interview accordée à L'Obs, Juliette explique que la personne l'ayant violée était "un membre influent du bizutage". "J'étais incapable de parler", poursuit-elle. "Après le premier viol, ça s'est très vite su qu'il y avait eu un rapport sexuel entre l'étudiant et moi. Je n'osais pas dire que je n'avais pas été consentante. Très rapidement, on m'a insultée de salope, voire même de dire que j'ai été la salope de l'IEP. (...) Lors du week-end d'intégration, il y a le tribunal des salopes, où tous les gens qui avaient couché avec des deuxième année devaient dire au mégaphone le nom des gens avec qui ils avaient couché. C'est extrêmement humiliant".

Au-delà de son témoignage et du viol qu'elle a subi, l'étudiante toulousaine dénonce auprès de L'Obs un modèle présent dans tous les établissements : "Je suis persuadée que ce modèle de domination entre deuxième année et première année, entre hommes et femmes (...) favorise les violences physiques, mais aussi sexistes et sexuelles, et permet à des étudiants de dépasser les bornes, de violer et d'agresser impunément". 

Mobilisation étudiante contre la culture du viol

Le 12 février, des dizaines d'étudiants des IEP de Strasbourg et de Grenoble se sont rassemblés devant leurs établissements pour dénoncer la culture du viol omniprésente dans ces prestigieuses grandes écoles.

"On veut aussi envoyer un signal fort à l'administration de Sciences Po Strasbourg et à toutes celles des Sciences Po de France, sûrement plus problématiques que la nôtre. Nous ne laisserons rien passer et on se battra jusqu'au bout pour que les victimes soient entendues", a témoigné une étudiante strasbourgeoise auprès de France 3 Alsace. 

À Grenoble, une enquête a été ouverte à la suite de signalements reçus par la direction de l'IEP. Le directeur de Sciences Po Strasbourg a annoncé aux Dernières Nouvelles d'Alsace, le 10 février, avoir saisi la justice pour des faits présumés de viols ayant eu lieu en début d'année.