Il y a t'il une Olivia Pope (Scandal) pour sauver Victoria's Secret ? Ce week-end, la marque de lingerie a été secouée par un vent de critiques après la publication sur le site du Vogue US d'une interview d'Ed Razek, chef Marketing de L Brand, le groupe à qui appartient Victoria's Secret, et Monica Mitro qui dirige les relations publiques de la griffe. 

Pourquoi la polémique ?

L'article du Vogue US se demandait : Victoria's Secret, a-t-elle besoin d'un lifting ? Une question légitime suite aux polémiques qui précèdent constamment le défilé et mettent en avant son manque d'inclusivité du défilé. Pourquoi ne voit-on toujours pas de mannequins "plus-size" ni de mannequins trans chez Victoria's Secret ?

Loin de nous l'idée de tomber dans le "politiquement correcte". Si cette question est légitime, c'est aussi parce que,
 depuis plusieurs saisons déjà, l'industrie de la mode a entâmé une série de changements et de nombreuses mannequins qu'ils soient plus-size, comme Ashley Graham et Paloma Elesser, ou Trans, comme Hari Nef, ont prouvé qu'elles étaient talentueuses ET bankable.

L'industrie de la lingerie n'est d'ailleurs pas en reste, preuve s'il en faut avec Savage x Fenty, la marque de Rihanna ou encore Universal Standard qui mettent en avant les femmes dans leurs diversités et proposent une lingerie body-positive et inclusive en terme de couleurs de peaux et de genre. Alors pourquoi ne voit-on pas ces modèles au sein du défilé d'une marque qui se vante pourtant d'être à l'avant-garde ? 

Lorsque la journaliste demande si faire défiler des mannequins plus-size et trans est une réflexion en cours au sein de la marque, Ed Razek lui réponds : "Si vous nous demandez si nous avons envisagé d’intégrer un modèle transgenre* dans l’émission ou si nous avons envisagé de mettre un modèle "plus-size" dans le défilé, la réponse est oui". 

Et ajoute un peu plus loin :
 "Ils disent : 'pourquoi ne faites vous pas ceci ? Ne devriez-vous pas avoir de transsexuels ?' Non, je ne pense pas que nous devrions le faire. Et pourquoi ? Parce que le défilé est un fantasme. C’est un défilé spéciale de 42 minutes. C’est ce que c’est. C'est le seul du genre au monde, et n'importe quelle autre marque de mode au monde y réfléchirait à deux fois". 

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Les réactions

Bien évidemment, les commentaires n'ont pas tardé à faire rage. Phillip Picardi, ancien rédacteur-en-chef du magazine Teen Vogue officiant aujourd'hui à la tête du magazine LGBTQ Out n'a pas hésité à mener l'offensive à travers de nombreux messages sur les réseaux sociaux. 

Il a d'ailleurs appelé les mannequins du défilé - d'Adriana Lima à Jasmine Tookes- à s'insurger au nom de leurs collègues Trans.

Devant l'ampleur de la polémique, Victoria's Secret a transmis des excuses sur les réseaux sociaux. Le message signé Ed Razek disait : "Mes remarques concernant l'inclusion de modèles transgenres dans le défilé de mode Victoria's Secret semblaient insensibles. Je m'en excuse. Pour être clair, nous pourrions absolument prendre un modèle transgenre dans le défilé. Des modèles transgenres sont venus aux castings ... Et comme beaucoup d'autres, ils n'ont pas été sélectionnés ... Mais il ne s'agissait jamais de genre. J'admire et respecte leur parcours pour embrasser qui ils sont vraiment ".

Lily Alridge, mais aussi Karlie Kloss ont posté un message de soutien en Story de leur compte Instagram qui stipulait ; "Les personnes Trans et celles qui ne se conforment pas au concept de genre ne sont pas un débat". 

Kendall Jenner a quant à elle posté une image sur laquelle on pouvait lire : "Célébrez les femmes Trans".

La place du rêve chez Victoria's Secret

L'un des synonymes de la mode est souvent "l'industrie du rêve". C'est sans doute, hormis le cinéma, l'industrie qui projette le plus de fantasmes. Faire rêver la lectrice le temps d'un magazine, faire rêver les acteurs de l'industrie le temps d'un défilé... Du rêve, encore du rêve. Mais dans un monde qui se politise, la question du rêve est remise en question.

Quel est ce rêve, ce fantasme, que veut vendre Victoria's Secret qui s'effondrerait par la simple présence de mannequins "plus-size" ou Trans ? Et qui fait ce rêve ? Est-ce un rêve à destination des hommes pour alimenter une vision surréaliste de ce que signifie être une femme ? Ou est-ce un rêve irréaliste et/ou complexant à destination des femmes ?

Dans Between the world and me (Une colère noire, en français), le journaliste et essayiste Ta-Nehisi Coates écrit : "Le Rêve s'épanouit dans la généralisation, dans la limitation du nombre de questions possibles, dans la priorité donnée aux réponses immédiates. Le rêve est l’ennemi de tout art, de toute pensée courageuse et de toute écriture honnête".

Si lui traite du rêve américain et de la manière dont il tient les personnes racisées à distance, cette citation s'applique assez bien au cas de Victoria's Secret. Si Le Rêve que vend la marque est aussi excluant, alors peut-être qu'il est tant de rêver d'autre chose.

* selon l'Association des Journalistes Lesbiennes, Gays, Bi.e.s et Trans, il est préférable d'utiliser le terme "trans" à celui de "transexuel" "qui permet d’inclure la multiplicité des parcours et des identités"
cf. Kit à l'usage des rédactions pour parler avec respect des personnages LGBTQ