Phénomène : la mode dessine

Par Lily Mahler
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Les collections du printemps prêtent leur support à une jeune garde engagée de peintres, d'illustrateurs et de plasticiens.

Couturiers et plasticiens partagent le même but : « Témoigner et participer à la transformation d'une époque », dans la lignée d'Yves Saint Laurent. La règle se vérifie cinquante ans après la robe Mondrian, alors qu'une poignée de créateurs et de maisons fait équipe avec des talents émergents ou reconnus de la peinture, du dessin… ou avec des artistes hors catégorie. Parmi eux, Benjamin Shine, premier plasticien à peindre avec du tulle, qui brossait l'été passé, pour la ligne Artisanale de Maison Margiela, un portrait en trois dimensions flottant sur de longs pardessus aux airs de blouses médicales.

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Portrait de tulle par Benjamin Shine pour la ligne Artisanale de Maison Margiela, printemps-été 2017. Crédit photo : Matteo Volta / Imaxtree

Rithika Merchant, aussi, Indienne de 32 ans diplômée de la Parsons, dont les motifs organiques auront marqué le premier défilé de Natacha Ramsay-Levi chez Chloé. Dans un genre plus mondain, le 14 février dernier à New York, Michael Kors conviait David Downton à aquareller des « archétypes de grande dame » sur des pièces de sa collection automne-hiver 2018-2019. Nés d'une rencontre (Natacha Ramsay-Levi a découvert le travail de Rithika Merchant sur le Net), ces appels du pied de la mode à l'art s'extirpent parfois de la sphère du concept pour graviter dans celle du message. Belle aubaine pour les mastodontes du luxe, dont les questionnements sociétaux sont fatalement émoussés par les lois du marché.

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Les motifs de Rithika Merchant pour le défilé Chloé, printemps-été 2018. Crédit photo : Alessandro Lucioni / Imaxtree

Vidéo du jour

Ainsi, pour légitimer le message de son T-shirt « Why have there been no great women artists ? » Maria Grazia Chiuri chez Dior choisit comme muse et collaboratrice la mannequin et artiste Sasha Pivovarova, réputée pour ses croquis expressionnistes et ses convictions féministes. Miuccia Prada aussi bataille par les formes et les couleurs, avec sa collection printemps-été 2018 cosignée par huit illustratrices de bande dessinée. Leur mission ? « Suggérer, de façon très pratique, des femmes militantes. » Rockabilly, parfois garçonne, la silhouette maison est une mise en abyme du combat qui se trame dans chaque imprimé bulle de BD et par quelques clins d'œil à Tarpé Mills, feue créatrice de Miss Fury, première super-héroïne féminine dessinée par une femme.

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Huit illustratrices de bande dessinée en hommage à Tarpé Mills pour le défilé Prada printemps-été 2018. Crédit photo : Daniele Oberrauch / Imaxtree

Quelques mois plus tôt déjà, la créatrice de la Fondazione Prada donnait carte blanche à James Jean, peintre et illustrateur de la série de comics Fables, pour revisiter son fameux sac Etiquette. L'exemple d'une mode tremplin, mécène, qui, à défaut de vraiment faire de l'art, le cautionne. En cela, elle est déjà esthète.

Article initialement publié dans Marie Claire n°789 daté de Mai 2018

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