Esthétiquement, la fleur d’iris est une démonstration de délicatesse et d’élégance. Son port altier et ses jolies feuilles colorées ravissent forcément les yeux. Mais pour le nez, sa véritable valeur est ailleurs… Elle se cache en réalité sous terre, dans ses racines autrement appelées les "rhizomes".
"La fleur n’a pas d’odeur particulière, nous apprend Marine Ipert, parfumeure pour la maison de composition japonaise Takasago. Ce qui va intéresser les parfumeurs, ce sont les composants qui se trouvent dans les rhizomes, principalement l'irone dont l’odeur est proche de celle de la violette".
En parfumerie, c’est la variété Pallida, originaire de Toscane en Italie, qui est la plus utilisée car considérée comme la plus noble. Mais d’autres variétés peuvent aussi être cultivées au Maroc, dans les Balkans ou encore en Chine.
L’iris, un travail de patience gage de qualité
"L’iris est l’un des produits les plus majestueux et onéreux de la palette du parfumeur", affirme Marine Ipert. Et pour cause, cette matière ne dévoile ses charmes olfactifs qu'après un traitement particulièrement long et complexe.
"Il y a d’abord la plantation, puis une première échéance d’environ trois ans avant la récolte des rhizomes, le temps que ces derniers grossissent et maturent, explique notre spécialiste. Ces rhizomes contiennent les précurseurs d’irone, la principale molécule odorante de la racine d'iris qui va se développer au fur et à mesure du processus d'extraction".
Car à la récolte, les rhizomes sont encore dépourvus d’odeur. Il faut les faire sécher patiemment - entre 2 à 3 ans ! - pour que les précurseurs d’irone se transforment en molécules d’irone au contact de l’air, et qu’ils offrent enfin matière à créer au parfumeur. "Ce qui signifie qu’entre le moment où les rhizomes sont plantés et où ils sont prêts à être traités, il s’écoule environ cinq à six ans", souligne Marine Ipert.
Un processus très lent, et un rendement extrêmement faible, qui explique le prix astronomique de l’iris en parfumerie. "Ce n’est pas une fleur comme le jasmin ou la rose qui, une fois cueillie, doit être immédiatement traitée car les fleurs s’abîment, développe notre experte. Là, il s’agit d’une racine qui doit sécher pendant des années pour pouvoir être exploitée. Le stockage coûte cher et cela a un impact sur le prix de la matière".
Concrètement, son coût peut tourner entre 50 000 et 100 000 euros le kilo. En comparaison, le prix d’un kilo d’essence de vétiver (qui provient aussi de racines) se situe entre 300 et 500 euros. "Mais ce n’est pas le même process, pas le même timing, et pas le même rendement", justifie la professionnelle.
Une note poudrée et boisée
Une fois que les rhizomes sont prêts à être traités, place à l’extraction. Ils sont généralement réduits en copeaux ou en poudre. La distillation à la vapeur d'eau permet d’obtenir un beurre d’iris (ou concrète), "qui va donner le côté assez gras de la note", commente notre experte.
Il est possible d’utiliser directement ce beurre ou de le traiter par solvants volatiles, "ce qui va permettre de concentrer la partie odorante et d’obtenir de l’absolu d’iris", précise Marine Ipert. L’extraction peut aussi se faire par alcool, avec à la clé un resinoide qui possède des tonalités un peu plus boisées et chocolatées.
Ces produits possèdent des identités olfactives légèrement différentes. Il est possible de les combiner au sein d’une même création "mais le produit est si cher qu’on l’utilise rarement à foison et qu’on ne joue pas forcément avec", admet Marine Ipert. Et d’ajouter : "l’iris est une matière que l’on utilise en trace, mais qui va tout de même faire son effet et avoir un bon impact".
Située entre un cœur et un fond, la note d’iris apporte une rondeur, un effet poudré, boisé et long lasting qui permet de donner un peu plus de profondeur aux notes florales.
Les grands parfums à base d’iris
Bien qu’extrêmement précieuse, la note d’iris s’invite dans certains grands parfums à succès. "On la retrouve notamment dans 'La Vie est Belle' de Lancôme, l’un des plus grands best-seller de notre 21e siècle, cite Marie Ipert. C’est l’idée d’une iris gourmande, associée à de la vanille, de la fève tonka, de la praline et du patchouli".
Autre fragrance où l’iris est parfaitement mise à l’honneur : "Infusion d’Iris de Prada". "C’est une iris traitée de façon florale, très poudrée et particulièrement lumineuse", décrit notre experte. Chez Chanel, le parfum "N°19" fait également la part belle à l’iris. "C’est un chypre vert avec une écriture assez vintage puisqu’il est sorti en 1970, explique Marie Ipert. Mais il existe une version plus moderne, plus ronde et plus facile à porter aujourd’hui : le N°19 poudré sorti en 2011".
Du côté des hommes, "l’un des plus beaux parfums qui ait été écrit avec de l’iris est sans doute 'Dior Homme Original', défend la spécialiste. Malheureusement, la fragrance n’existe plus aujourd’hui. Mais pour ceux qui la regretteraient, sachez que 'Uomo' de Valentino s’en rapproche beaucoup !”.
Dans l’univers de parfums de niche, la prestigieuse iris trouve tout naturellement sa place. Parmi les créations très bien exécutées, il est possible de citer "Iris Silver Mist" de Serge Lutens, "La peau nue" de Celine, "Eyes closed" de Byredo ou encore "Irish Leather" de Memo.
Et pour celles et ceux qui aimeraient l’iris au point de ne plus compter, les parfums Jacques Fath proposent un produit exclusif : "l’Iris de Fath", une eau de parfum vendue au prix pharaonique de… 1 470 euros les 30 ml ! Mettant l’iris en vedette dans une concentration jamais égalée, "Iris Gris" de Jacques Fath fut lancé en 1947, puis disparut la même année que Fath, en 1954.
Des années plus tard, sous la direction de la directrice de la création Rania Naim, les Parfums Jacques Fath ont lancé un concours pour reproduire le plus fidèlement possible cette fragrance d'exception à partir d’archives. Deux jeunes talents (Patrice Revillardet Yohan ) sont parvenus à faire revivre ce mythe sous le nom de "L’Iris de Fath". Un bijou olfactif qui possède la plus haute concentration d’iris naturelle sur le marché.