Cette année, le comité Nobel norvégien a décidé de remettre le prix Nobel de la paix à Nadia Murad et Denis Mukwege "pour leurs efforts en vue de mettre fin à l’emploi des violences sexuelles en tant qu’arme de guerre".

Se battre contre la barbarie

L’annonce avait été faite le 5 octobre dernier. La présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen avait alors expliqué ce choix en arguant : "Denis Mukwege est le sauveur qui a consacré sa vie à la défense de ces victimes. Nadia Murad est le témoin qui raconte les abus perpétrés contre elle-même et les autres. Chacun à sa manière, ils ont contribué à donner une plus grande visibilité aux violences sexuelles commises en temps de guerre afin que leurs auteurs puissent répondre de leurs actes".

Parcours hors du commun

Denis Mukwege, 63 ans, est un chirurgien gynécologue congolais qui se bat depuis une vingtaine d’années pour réparer le corps de milliers de femmes, adolescentes et fillettes, ayant subi des mutilations génitales. Il fonde à la fin des années 90 l'hôpital Panzi, à Bukavu, en République démocratique du Congo, et se spécialise progressivement dans la prise en charge des femmes brisées dans leur intimité sexuelle. Il leur apporte une aide médicale mais aussi psychique, économique et juridique.

Nadia Murad, 25 ans, est une jeune Irakienne d’origine kurde appartenant à la minorité yézidie. En 2014, lors de la guerre civile irakienne, elle est enlevée par des djihadistes de l'État islamique. Pendant des mois, elle est devenue esclave sexuelle, vendue et revendue à différents bourreaux. Aujourd’hui, elle se bat pour les 3.000 femmes yézidies toujours captives de Daech.

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Mise en lumière des actes inadmissibles

Tous deux avaient reçu le prix Sakharov, respectivement en 2014 et 2016, pour leur engagement contre le viol utilisé comme arme de guerre et le trafic d’êtres humains. En 2018, ils sont co-récipiendaires du prix Nobel.

Notre objectif, c’est que ce prix ouvre des portes

Lors d’une conférence de presse le 9 décembre, Nadia Murad a témoigné de l’importance “que justice soit faite à un moment ou un autre, rappelant qu’aucun membre de l’État islamique n’a été traduit en justice”. “Notre objectif, c’est que ce prix ouvre des portes”, a-t-elle ajouté. Dans la même veine, Denis Mukwege, souhaite que ce Nobel “ne soit pas considéré comme une victoire en soi” mais plutôt “comme le début d’un combat contre un mal qui ronge notre société  : la violence faite aux femmes dans les conflits”.

La dénonciation ne suffit plus, il est temps d’agir

Ainsi, Nadia Murad a fondé Nadia’s initiative, un projet d’assistance aux victimes des persécutions et massacres contre les groupes minoritaires d’Irak et de réaménagement de la région du Sinjar pour y établir la paix. Par ailleurs, la jeune femme souhaite faire juger l'État islamique par un tribunal international.

"Lorsque je rêve de faire juger l’État islamique en Irak et au levant (EIIL) pour génocide, j’espère que Hajji Salman sera pris vivant, avait-elle déclaré à Paris Match. […] Et je veux qu’il me regarde et se souvienne ce qu’il m’a fait, je veux qu’il comprenne que c’est la raison pour laquelle il ne sera plus jamais libre." Hajji Salman est l'homme qui l'a conduite devant un tribunal islamique, pour enregistrer sa conversion, qui l'a ensuite violée à de nombreuses reprises. 

De son côté, Denis Mukwege se consacre à sa fondation et poursuit son combat contre l’usage du viol comme arme de guerre. Il met en place des réseaux de soin et transpose ce qu’il a créé au Congo dans d’autres zones de conflit dans le monde.