Franchir le seuil de la Sambourne House, c’est être transporté plus d’un siècle en arrière. Depuis l’emménagement en 1875 du couple formé par Linley et Mary Ann dans cette petite rue de Kensington, rien n’a bougé ou presque, au point que l’on s’attend à tout moment à les voir descendre l’escalier pour nous faire visiter… L’histoire des Sambourne est d’abord celle de Linley, illustrateur pour l’hebdomadaire satirique “Punch” qui, grâce à l’argent hérité de sa tante, convainc le couple Herapath, bien plus influent et élevé dans la société, de le laisser épouser leur fille, Mary Ann. À peine mariés, les voilà installés au 18, Stafford Terrace, à deux pas du Holland Park, à Londres.
Sambourne House, une maison d'artiste
Dès leur arrivée, Linley se plaît à tout redécorer dans le goût de l’époque et du si précurseur mouvement Aesthetic, en mélangeant art et artisanat japonais, combinés à des motifs naturalistes. Le duo aime recevoir, organiser des fêtes, se rend au théâtre, dîne au restaurant presque quotidiennement, visite les expositions de la Royal Academy et nourrit son insatiable appétit culturel. “Les parents de Mary Ann habitaient à deux pas, confie Hannah Lund, assistante commissaire des musées RBKC. Le couple a donc évolué dans ce cercle familial très éduqué, et a fréquenté les nombreux artistes des environs de Kensington. Vraisemblablement inspiré par les somptueuses demeures appartenant à ses amis créatifs bien plus fortunés que lui, dont Luke Fildes, Linley a réussi à créer son interprétation de la maison d’artiste avec un budget limité, notamment en peignant des tournesols sur de nombreuses portes.”
Une bâtisse symbole du mouvement Aesthetic
Papiers peints William Morris du sol au plafond, accumulation de porcelaines et autres bibelots, gravures et peintures à foison, rideaux et tapis aux dessins travaillés, deux ans à peine après leur emménagement, l’inventaire des lieux fait déjà état de 50 vases, 70 chaises et de plus de 700 images encadrées ! “Les intérieurs si chargés n’étaient pas légion à l’époque, tempère Hannah Lund. D’ailleurs, le foyer d’Oscar Wilde, pourtant associé au mouvement Aesthetic, a paru nu et étrange à Mary Ann.” Resté dans son jus depuis la mort du couple, avec ses tiroirs remplis de lettres, d’archives, des photographies prises par Linley et même des journaux intimes écrits par celui-ci, le 18, Stafford Terrace, rebaptisé “Sambourne House” et ouvert au public en 1980, vient d’être partiellement rénové et est aujourd’hui un réjouissant éclectisme, caractéristique d’un certain art de vivre londonien de la fin du XIXe siècle.