Le hashtag #DoublePeine abonde sur les réseaux sociaux depuis fin septembre. Les victimes de violences sexistes et/ou sexuelles dénoncent la manière dont elles ont été reçues dans des les commissariats lorsqu'elles ont voulu porter plainte. 

Les témoignages ont d'abord été relayés par la militante féministe Anna Toumazoff, qui a lancé un appel national avec le hashtag le 28 septembre, sur Twitter et Instagram. Ils sont depuis des milliers.

Ils peuvent désormais aussi être retrouvés sur le site internet Double peine, lancé en fin de semaine dernière.

#DoublePeine, de Montpellier à toute la France

Les premiers témoignages relayés fin septembre concernaient une mauvaise prise en charge des plaintes au commissariat de Montpellier. "Au Commissariat Central de Montpellier, on demande aux victimes de viol si elles ont joui", "Au Commissariat Central de Montpellier, on refuse de recevoir des victimes de viol en raison de leur tenue. On les recale, malgré leur visage tuméfié, en leur riant au nez", a énuméré la militante Anna Toumazoff sur Twitter.

"C’est une connaissance qui m’a contactée pour me raconter l’histoire. J’ai décidé d’en parler pour mettre en lumière cette situation. Je n’en peux plus de recueillir ce genre de témoignages", a-t-elle expliqué au Parisien. Après des captures d'écran publiées en "stories" sur son compte Instagram, le hashtag #DoublePeine est né.

Vidéo du jour

Après le hashtag, plusieurs militantes féministes ont lancé ensemble le collectif #DoublePeine. En quelques heures, des milliers de femmes ont partagé leur vécu, à l'image de cette internaute, sur Twitter : "#DoublePeine. Être victime. Déposer plainte. 6 mois. 1 an. Pas de nouvelles. Apprendre par des connaissances qu’une enquête est en cours. Apprendre qu’on interroge tes potes, qu’on leur demande si t’es du genre à mentir. Toujours pas de nouvelles. Être traitée comme de la merde."

"En France, la police demande aux victimes de viol si elles ont joui. Depuis des années, les militantes féministes françaises dénoncent la mauvaise prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles par les forces de l'ordre : #prendsmaplainte, #balancetapolice, #payetaplainte, #metoo...", évoque le communiqué du collectif.

"Avec d'autres militantes et associations, le collectif #DoublePeine est né pour recueillir d'autres témoignages. Sans grande surprise, nous avons reçu en 24 heures plus de mille témoignages de situations qui révèlent une véritable double peine peine : être victime de violences sexistes et sexuelles, et subir au moment de porter plainte culpabilisation, humiliation, intimidation et parfois, des avances de la police."

Le problème de la prise en charge des victimes de violences n'est pas nouveau. Début 2021 déjà, le collectif #NousToutes a présenté les résultats de son enquête #PrendsMaPlainte, menée en ligne. 66% des personnes parlaient d'une mauvaise prise en charge des forces de l'ordre. Quelques jours plus tôt, le ministère de l’Intérieur estimait que 90% des femmes victimes de violences conjugales se disaient "satisfaites de l’accueil en commissariats et gendarmeries."

"Tout enquêteur n'est pas apte à recevoir des victimes", estimait déjà Marie-France Casalis, porte-parole du Collectif féministe contre le viol, auprès de Marie Claire, en 2019. "Ça nécessite des capacités d'attention aux autres affinées, des capacités psychologiques."

Les demandes du mouvement #Doublepeine

Face à cette déferlante, le collectif #Doublepeine présente quatre revendications : le respect de l'article 15-3 du code de procédure pénale stipulant l'obligation de recueillir une plainte, le contrôle et l'application de sanctions des commissariats dans leur prise en charge des femmes victimes, la création d'un réseau d'accompagnatrices dans les commissariats.

Enfin, un budget d'un milliard d'euros afin de lutter contre les violences sexistes et sexuelles. 

Un site pour recueillir des témoignages

Depuis le 2 octobre, le site "Double Peine" recueille les témoignages de victimes de violences sexistes et/ou sexuelles ayant essayé de porter plainte. Les témoignages sont publiés de façon anonyme et seulement identifiables par le nom de la ville.

"Il est urgent d’agir. Ce n’est plus acceptable que les femmes de ce pays soient violées, mais encore moins qu’elles soient traumatisées une fois qu’elles ont le courage de pousser la porte d’un commissariat", a expliqué Anna Toumazoff à 20 minutes, alors que les violences faites aux femmes ont été décrétées grande cause nationale du quinquennat.

Une réponse de la préfecture

Dès le 28 septembre, la police de Montpellier a répondu via son compte Twitter, suivie de la préfecture de l'Hérault qui a "condamné avec fermeté les nouveaux propos diffamatoires tenus sur les réseaux sociaux par Mme Anna Toumazoff à l'encontre des fonctionnaires de police du commissariat de Montpellier."

"Les fausses informations et mensonges qui ont pour seul objectif de discréditer l’action des forces de sécurité intérieure dans leur lutte quotidienne contre les violences sexuelles desservent la cause des femmes victimes", défend aussi le préfet. La préfecture de l'Hérault ajoute aussi que "le ministère de l’Intérieur se réserve la possibilité d’agir en justice." (sic)

Interrogé par Le Parisien, le ministère de l'Intérieur s'est dit "pleinement mobilisé sur le sujet conformément aux instructions de Gérald Darmanin et Marlène Schiappa, qui ont notamment demandé que les plaintes pour violences intrafamiliales soient traitées en priorité".