Le secteur est déjà en surchauffe et ça risque d'empirer. Depuis plusieurs semaines, les grèves se succèdent dans bon nombre de crèches. Les personnels de la petite enfance se mobilisent pour alerter sur les orientations du projet de loi "pour un État au service d'une société de confiance". Dans cette loi, un certain nombre d'articles permettent de légiférer par ordonnances sur plusieurs thèmes et surtout l'article 50, qui vise à simplifier les modes d'accueil (crèches, garderies, assistantes maternelles) aujourd'hui surchargés, et d'y développer des places supplémentaires. 

Mais pour Pas de bébés à la consigne, qui milite contre la dégradation des conditions de travail au sein de ces modes d'accueil, c'est surtout une "déréglementation" des normes établies qui se dessine. Principale inquiétude du collectif, le nombre d'enfants à charge pour un seul professionnel, dont l'encadrement a déjà été assoupli en 2010 avec les décrets Morano.

De pire en pire

"Actuellement, en structure collective, il faut 1 professionnel pour 5 enfants qui ne marchent pas, et 1 professionnel pour 8 enfants qui marchent". Un cadre déjà peu respecté dans les faits. "Cela nous arrive d'être avec 12 enfants, voire plus", assuraient des auxiliaires de puériculture dans Midi Libre, en marge de la mobilisation du 28 mars ayant rassemblés des milliers de personnels éreintés à travers la France. "Quand, de 11 à 13 heures, nous sommes deux et qu'il faut faire manger 10 bébés, entre les biberons et les diversifications alimentaires de chacun, on n'a pas assez de bras. Ça génère du stress, des pleurs...", ajoute le collectif.

Vidéo du jour

Aujourd'hui le gouvernement propose de changer cette norme-là par un adulte pour 6 à 7 enfants quelque soit l'âge. C'est pire, selon le collectif Pas de bébés à la consigne qui regrette une véritable "régression". Avec cette loi, un professionnel pourra donc potentiellement se retrouver dans une situation encore moins tenable, comme par exemple avec 6 bébés qui ne marchent pas. De même pour les assistantes maternelles qui pourraient se retrouver seules avec 6 enfants, contre 4 actuellement...

"Ça veut dire qu'on ne peut plus accueillir les enfants correctement, on n'en peut plus être dans l'interaction positive et dans l'échange individuel. On va à reculons, si les adultes ne sont pas bien dans leurs baskets, alors les petits ne seront pas bien accueillis. C'est aussi simple que ça", alerte l'organisation qui rassemble une cinquantaine d'associations, de syndicats et d'organisations familiales. Ces derniers tente d'informer les professionnels et les parents, assurant être réduits au silence par le gouvernement qui ne voulait pas que les travaux soient dévoilés au grand public en amont.

Des solutions à court terme

Ils craignent que la législation se fasse en catimini. Or, "il n'est pas question que cela se fasse sans les professionnels et les familles", insistent-t-ils. La loi a été promulguée en août 2018, le gouvernement a donc 18 mois pour légiférer par ordonnances. "On nous a concerté sur un certain nombre de sujets, nous avons émis nos contributions et remarques par voie écrite. Mais nous n'avons toujours aucune idée de ce qui va être retenu. Agnès Buzyn a été incapable de nous dire à quelle date nous aurions le projet final du texte."

Autre "usine à gaz" pointée par Pas de bébés à la consigne, la question de l'espace. Pour créer des places, le gouvernement compte réduire la surface de jeu obligatoire en fonction de la densité de la zone urbaine dans laquelle le mode d'accueil se situe. Plus la zone est dense, moins la surface de jeu par enfant sera élevée. "Au lieu de s'attaquer au fond du problème, en créant de nouvelles infrastructures, on fait des rustines. Il faut absolument développer des places de crèches sauf que derrière on ne met pas en place de conditions d'accueil de qualité. Donc ça ne sert à rien", conclut le collectif.

La fin des directeurs d'école ?

La gronde gagne également les rangs du primaire (maternelles, élémentaires) et du second degré (collèges, lycées). L'article 6 du projet de loi prévoit ainsi que l'adjoint rattaché au proviseur d'un collège gérera désormais les écoles primaires de moins de quatre classes. Exit le directeur des écoles, qui n'a pas de statut propre et d’autorité hiérarchique sur les enseignants. L'objectif étant de faire accéder à ces petits établissements certains projets pédagogiques et d'instaurer un suivi des élèves de la petite section à la Troisième.

"Les difficultés des écoles rurales servent de prétexte (...) il s’agit bien d’institutionnaliser une 'école du socle' pour les territoires défavorisés, avec un conseil d’administration et un conseil pédagogique communs. (...) Il n’a jamais été prouvé que ce type d’organisation améliorait la réussite des élèves. Il s’agit d’une modification profonde du système scolaire et d’une mise en cause du statut des enseignants qui ont pour objectif de construire, sur fond d’économies budgétaires, une école inégalitaire dont les élèves des espaces isolés et des milieux populaires feront les frais", estime le SNES (Syndicat national des enseignements du second degré) dans un communiqué.

Malgré les réticences du corps enseignant, le ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer veut mettre l'accent sur d'autres mesures phares du projet de loi, plus consensuelles, comme l’École obligatoire à 3 ans. Et pendant ce temps là, les grèves se poursuivent...