Une série d'erreurs et une mauvaise prise en charge ont coûté la vie de son deuxième enfant à naître. Fin juillet 2023 à Bordeaux, une femme enceinte de sept mois et atteinte de la mucoviscidose a fait un choc septique et a perdu son bébé, prénommé Marius, aux urgences adultes de l'hôpital Pellegrin (Bordeaux).

Caroline Belfort, 22 ans, a raconté son calvaire, survenu dans un contexte de sous-effectif de soignants et d'un tri des patients du CHU de Bordeaux, au quotidien Le Figaro lundi 28 août 2023. "Je ne suis pas la première et je ne serai pas la dernière", a estimé la patiente auprès du journal.

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Le 20 juillet dernier, prise d'une grosse fièvre et d'une trentaine de malaises dans la journée, mais présentant également un coude douloureux, rouge et gonflé, Caroline Belfort contacte les pompiers. Sur place les soldats du feu l'examinent mais estiment qu'il n'est pas nécessaire de la conduire à l'hôpital. Ils auraient évoqué "une piqûre de moustique" à propos de son bras et lui auraient assuré qu'elle n'allait pas perdre son bébé à naître, raconte-elle au Figaro. En réalité, Caroline Belfort souffre alors d'une arthrite septique, souligne le média.

Des allers-retours entre les services bondés

Puis, sa mère, infirmière, décide de la conduire à la maternité où elle est suivie. Inquiète de ne plus sentir son bébé bouger en elle depuis quelques heures, elle demande à son obstétricien de déclencher l'accouchement, son enfant est alors viable mais naîtrait alors prématuré.

Le bébé montre des signes de fatigue, son pouls a ralenti, mais le médecin ne s'alarme pas, selon lui cela est "normal" et dû à la fièvre de la mère. La patiente est ensuite aiguillée en direction des urgences adultes de Pellegrin pour traiter son coude toujours enflé et douloureux. Mais comme l'expliquait Le Figaro le 15 août dans un article, ce service est régulé depuis plusieurs jours déjà, faute de capacité d'accueil. 

Après des heures d'attente, en ambulance, Caroline Belfort est conduite ailleurs, à la polyclinique de Bordeaux Nord où un urgentitste refuse lui aussi de la prendre en charge. "Il a dit : 'Je ne connais pas son dossier, je préfère qu’elle soit renvoyée à Pellegrin où elle est suivie parce que si elle vient à accoucher ici ou à perdre son bébé, je m’en voudrais à vie'", se souvient encore la patiente.

Retour au CHU de Bordeaux, où Caroline Belfort explique avoir été installée dans une chambre aux alentours de 18h, mais n'a reçu une injection de morphine que huit heures plus tard, à 2h du matin. Le lendemain, elle doit être opérée à 11h. Mais à cette heure-là, il est déjà trop tard. La patiente fait une septicémie et le coeur de son bébé ralentit toujours. Quand la césarienne est pratiquée, le coeur de l'enfant s'est arrêté, il ne repartira jamais malgré les tentatives de réanimation.

La patiente ne compte pas porter plainte

Je demandais où était mon bébé. Même si, au fond de moi, je sentais qu'il n'était plus dans mon ventre, je voulais juste une réponse et personne ne me répondait."

Le personnel soignant a demandé à sa mère de faire une choix, témoigne cette dernière : "À force d’attendre, ils ont été obligés de me demander qui il fallait sauver entre ma fille et le bébé. Ils avaient 15% de chance de sauver Caroline. Je l’ai choisie car elle a une fille de 15 mois." Elle-même soignante elle s'indigne de cette prise en charge "catastrophique" et ses conséquences dramatiques.

Le CHU de Bordeaux, lui, assure au Figaro que "plusieurs membres des équipes médicales (...) ont accompagné la patiente avec la plus grande attention et la plus grande diligence dans toutes ses composantes". Caroline Belfort n'a pas souhaité porter plainte, notamment car l'hôpital public a déjà peu de moyens et que le système tout entier est en péril, précise le média, mais elle tient l'établissement pour responsable : "Je leur en veux. Je trouve que ma situation a été prise à la légère. J’ai la mucoviscidose, je suis suivie à Pellegrin depuis que je suis toute petite, mais je n’ai pas été écoutée. Il aurait pu déclencher la césarienne dès jeudi soir."