Jeudi 5 mars, au Café Le Molière (Paris, 6e), Fadila Mehal était à la fois anxieuse et émue pour le lancement de « Marianne(s) », publié sous sa direction. La conseillère du 18ème arrondissement de Paris est la fondatrice des Marianne de la diversitéune association créée au lendemain des émeutes de banlieue de 2005 ayant pour vocation de rendre plus visibles les femmes de la diversité en France. Cet ouvrage, c’est un peu le sien, mais pas seulement. Avec cinq antennes régionales, le mouvement fédère des dizaines de femmes en France.

Treize d’entre elles, nées de parents immigrés, ont accepté de raconter leur histoire et leur combat pour l’émancipation des femmes: «Il est important de faire la jonction entre des figures emblématiques qui ont marqué l’histoire française et leurs héritières », souligne Fadila Mehal. Marie Curie, Elsa Triolet, Nina Ricci, Antoinette Fouque... Toutes filles de parents immigrés, elles ont, chacune à leur manière, laissé en France une empreinte indélébile. « Les paroles des femmes doivent se relier et relier le passé et le présent », insiste Fadila Mehal, profitant de l’occasion pour lancer un message aux jeunes générations : «Les droits des femmes ne sont pas acquis. Voyez par exemple la Pologne et la question de l’IVG... il faut continuer à se battre, à exiger de nouveaux droits.»

HÉRITIÈRES DE MÈRES « DÉRACINÉES »

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« Ne pas avoir de racines, être une plante coupée, c’est toujours suspect », ironise Fatima Besnaci-Lancou, reprenant les mots d’Elsa Triolet. Les unes après les autres, les Marianne présentes dans le livre défilent au micro, partageant brièvement un bout de leur histoire. Parmi elles, beaucoup racontent que leurs mères, nées ailleurs, les ont constamment incitées à étudier : « Ma mère est en réalité une féministe qui s’ignore. Elle a vite compris les enjeux de l’école », confie Fatima Besnaci-Lancou, également auteure de «Fille de harki», sorti en 2003. La sénatrice de Paris Bariza Khiari explique que, parce que leurs aïeules étaient « triplement dominées », car « issues du monde colonial, de la classe défavorisée et du “sexe faible” », elles les ont fortement poussées vers l’éducation devenue « seul gage d’autonomie» pour ces mères.


Pour Bariza Khiari, « le combat contre les discriminations est indissociable du combat contre le sexisme ». Au fil des pages, ces femmes expliquent comment elles ont affronté les obstacles et barré la route aux préjugés. « Napoléon disait : “Les hommes au perchoir, les femmes au lavoir”... A nous maintenant de prendre le perchoir ! » conclut brillamment Fatima Massau, déléguée départementale du MoDem. Dans la lignée des pionnières féministes, ces citoyennes diverses et plurielles sont parvenues à s’imposer en France. Aussi grâce à celles qui les ont précédées, elles en sont conscientes: «Nous sommes des héritières», clame haut et fort Bariza Khiari.

« Marianne(s), Les femmes et la diversité dans la République », Editions de l’Atelier, 25 €.

les femmes du livre Mariannes