Il se retrouve régulièrement en tête du classement des personnalités préférées des Français, mais vit loin de la vie publique depuis des années. À l'honneur lors de soirées spéciales à la télévision, Jean-Jacques Goldman n'y participe pas, même pour ses anniversaires, et ne donne aucune interview.

En août 2023, l'historien Ivan Jablonka lui consacre un ouvrage sobrement titré Goldman, dans lequel il décrypte l'icône intemporelle.

Retour sur un parcours aux 30 millions de disques vendus. 

Enfance à Paris et débuts discrets

Fils d’un Juif né en Pologne, communiste et ancien résistant, habitant de Montrouge et frère de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche assassiné en 1979, Jean-Jacques Goldman est né le 11 octobre 1951 dans le XIXe arrondissement de Paris.

Lorsqu'il est enfant, ses parents tiennent un magasin à Montrouge. Pendant ce temps, Jean-Jacques Goldman est un enfant solitaire. Il apprend le piano, le violon et la guitare. Il fait aussi partie des scouts de France. 

Après son baccalauréat, passé en 1969, il s'inscrit en classe préparatoire économique et commerciale, puis intègre une école de commerce, l'EDHEC. Après de brèves études de sociologie, il réalise son service militaire en 1975, avant de se consacrer à la musique.

Jean-Jacques Goldman a 25 ans lorsqu'il rejoint le groupe de rock progressif Taï Phong. Il participe à la composition de trois albums. En parallèle, son premier single solo, C'est pas grave papa, sort en 1976. Les suivants rencontrent peu de succès. Son groupe se dissout en 1979.

Succès des années 80

Il faut attendre le début des années 1980 pour que son nom soit connu partout en France.

Son premier album solo, Démodé, sort en septembre 1981. Le morceau Il suffira d'un signe le propulse en haut du classement. L'année suivante, son deuxième album, Minoritaire est certifié disque de platine. Il explose avec les hits Au bout de mes rêves, Quand la musique est bonne, Comme toi...

Vidéo du jour

Les années 80 sont celles de ses plus grands succès, et en parallèle du début de sa collaboration avec Michael Jones, avec qui il chante sur Je te donne, en 1985. La vie par procuration devient son premier titre enregistré en public à entrer dans le top 50 en France.

Collaborations avec de nombreux artistes

Après une décennie très prolifique, Jean-Jacques Goldman lance un nouveau projet musical avec Michael Jones et Carole Fredericks. Ils sortent un album éponyme ensemble en 1990, suivi de Rouge, en 1993.

En 1997, il reprend sa carrière solo avec son sixième album, En passant. Dès sa sortie, il devient numéro 1 en France. Il sort son ultime album studio, Chansons pour les pieds, en 2001. Son nom est pensé pour faire danser les gens avec des mélodies zouk et disco. 

Jean-Jacques Goldman se met ensuite en retrait de la vie artistique et publique. Il continue de composer pour des artistes français, notamment Liane Foly, Garou et Patrick Fiori, Calogero, et apparaît très rarement pour des concerts exceptionnels. 

Malgré cela, les Français ne cessent de faire de lui la ou l'une des personnalités préférées des Français. Les réseaux sociaux regorgent de rumeurs évoquant ici un grand concert. Mais rien n’y fait : Jean-Jacques Goldman, père de six enfants, reste tranquillement tapi dans l’ombre et coule une retraite des plus enviables. 

Plus de vingt ans après Pour que tu m’aimes encore, qu'il a composé pour Céline Dion, il écrit Encore un soir, sorti à l'été 2016, sept mois après la mort de René Angelil. La chanson s’est immédiatement retrouvée en tête des ventes en France. 

Discret et personnalité préférée des Français 

Fin 2003, Le Journal du Dimanche et son fameux "Top 50 des personnalités préférées des Français" passent un accord avec Michel Drucker, qui doit recevoir les trois premiers. Mais Goldman, arrivé en tête, refuse de participer à l’émission. "Drucker, qui s’est avéré bien moins sympa que l’on pouvait le croire, a pété les plombs", se souvient un ancien journaliste du JDD. "Mon émission est foutue ! Vous me foutez dans la merde", aurait-il dit, sous le coup de la colère.

"Alors, pour lui faire plaisir, on a enlevé Goldman, et c’est Zidane qui, de deuxième, est passé premier." Là-dessus, l’artiste en profite pour demander à ne plus figurer dans le classement du journal. En réalité, ça l’arrange.

"C’est un vrai modeste qui trouvait terriblement indécent qu’un chanteur dont, à ses yeux, le seul talent est de savoir capter l’air du temps, puisse être plus populaire que l’abbé Pierre", explique l’écrivain et journaliste Fred Hidalgo, qui lui consacre une biographie* éclairante.

Passent neuf années. En 2013, le JDD tente une expérience et réintroduit Goldman dans son sondage, dont la question est : "Est-ce que cette personne compte pour vous ?". L’interprète et compositeur de Compte pas sur moi redevient immédiatement numéro un.

Au JDD, qui le sollicite alors, Goldman répond par écrit : "C’est compliqué. Je ne sais pas comment réagir à cette marque d’affection. Vous me suggérez une interview 'musicale', mais elle me semblerait tellement hors sujet, voire malvenue, voire impossible dans les contextes nationaux et internationaux actuels… Une fois de plus je préfère ne rien dire plutôt que de proférer des 'banalités de chanteur'… Je comprends que ça ne vous arrange pas, veuillez m’en excuser !"

À notre propre demande d’entretien, en 2016, il a répondu à Marie Claire : "Bonjour, je ne peux malheureusement pas répondre favorablement à toutes les sollicitations dont je fais l’objet, veuillez m’en excuser. Cordialement, Jean-Jacques Goldman."

Une fois de temps en temps, il refait surface. En janvier 2016, lors du concert des Enfoirés, Jean-Jacques Goldman apparaît par surprise, vêtu d’un bleu de travail, sur la scène de l’AccorHotels Arena de Paris, aux côtés de Michael Jones, et chante Encore un matin. Ses traits du visage se sont creusés, les cheveux sont tombés mais l’allure est celle d’un jeune homme, et la voix, parfaite, maîtrisée, juste.

La foule exulte. L'année suivante, toujours pour les Enfoirés, il compose la chanson Toute la vie, qui voit un groupe de jeunes chanteurs répliquer à des plus âgés et plus connus, qui leur lancent : "Vous avez toute la vie, à vous de jouer, mais faudrait vous bouger !".

Solidaire et bénévole

Sur Internet, dans certains magazines, la chanson Toute la vie est qualifiée de "délire de riches", de "trahison de l’esprit d’entraide de Coluche" ou de "monument de vulgarité et de haine des jeunes" par Jacques Attali, ex-conseiller de François Mitterrand et ami de Coluche. Même The New York Times s’en mêle et consacre un article à cette tempête dans un verre d’eau.

Goldman, qui n’a plus accordé la moindre interview depuis 2008, sort de son silence. Face à Eric et Quentin du Petit Journal, en 2015, il ridiculise ceux qui l’attaquent, notamment Attali, se fait drôlement traiter de "vieux réac" tout le long du sketch, pour confier finalement qu’il s’estime "touché" par les attaques. Au point que le compositeur de l’hymne des Restos du Cœur annonce qu’il quitte la tournée des Enfoirés.

"2016 est une échéance que je vois venir depuis quelques années. Ce sont les 30 ans de la chanson des Enfoirés, mais également l’année de mes 65 ans. Après trente ans, je crois qu’il est temps de passer la main. Je n’ai plus la créativité, les idées, la modernité que nécessite une telle émission." Il s'est confié à son ami le journaliste de L’Indépendant Jean-Paul Chaluleau.

"En 1992, je lui avais demandé s’il pouvait donner un concert de soutien à notre région de l’Aude, ravagée par les inondations. Il a dit oui, puis est revenu et on a créé le festival Les Vendanges du Cœur, qui a permis, en grande partie grâce à lui, de récolter 1,5 million d’euros pour les Restos du Cœur." Jean-Paul Chaluleau décrit un Goldman fidèle, simple, proche des gens, qui n’a jamais demandé un cachet pour jouer huit fois, jusqu’en 2014, dans le village d’Ouveillan.

"Je le soupçonne même d’avoir payé discrètement certaines factures." Dans les Cévennes, il viendra jouer pour soutenir un mouvement scout à La Grand-Combe, puis chanter bénévolement à Alès avec les mille choristes du festival Les Fous Chantants.

Pourquoi avoir décidé, au tout début des années 2000, de tout quitter ? Comme d’autres proches, dont Fred Hidalgo, qui publie de longs entretiens dans son livre, Jean-Paul Chaluleau a expliqué à Marie Claire qu'il ne voit qu’une réponse à la question que tous les fans se posent : "Ça n’arrêtait jamais, un album tous les ans ou presque, des tournées incessantes, c’était une vie de fou. Il n’en voulait plus et désirait passer à autre chose." 

À Marseille, où il a vécu dans les années 2000 et au début des années 2010, il a donné discrètement de son temps et de sa fortune à des associations caritatives, couru tous les ans le semi-marathon jusqu’à Cassis.

Le 11 janvier 2015, au lendemain de la tuerie dans les locaux de Charlie Hebdo puis à Montrouge et à l’Hyper Cacher de Vincennes, il a défilé. Pourquoi ? "Je marche parce que dix-sept de mes compatriotes ne marcheront plus jamais. Je marche parce que l’éducation marche mal. Je marche parce que trop de pères reculent, je marche parce que l’intégration boîte, je marche parce qu’il faut avancer. Je marche dans ma rue parce qu’à Marseille les partis politiques n’ont pas su marcher ensemble", explique-t-il alors au JDD.

Sans fausse modestie, je ne crois pas que mon parcours mérite tant de papier, de temps.

Ses droits d’auteur lui rapportent 2 millions d’euros par an. Il refuse toutes les propositions de biographie, écrite ou filmée. "Sans fausse modestie, je ne crois pas que mon parcours mérite tant de papier, de temps", a-t-il écrit à Fred Hidalgo.

"Un jour, je me suis décidé à lui demander pourquoi il avait tout arrêté, pourquoi il ne refaisait plus ni album ni concert, je lui ai dit que ça nous rendait tristes, raconte un parent d’élèves joint par Marie Claire, en 2016. Il a souri, m’a montré ses filles. Et il m’a juste dit : 'Voilà l’explication'." 

Jean-Jacques Goldman et Nathalie Thu Huong-Lagier

En 1975, Jean-Jacques Goldman se marie avec Catherine Morlet qu'il connaît depuis l'enfance et avec qui il a voyagé en Europe au début des années 1970. Ensemble, ils ont trois enfants : Caroline, Michael et Nina, respectivement nés en 1975, 1979 et 1985. Ils divorcent en 1995.

En 2001, il épouse Nathalie Thu Huong-Lagier, de trente ans sa cadette, agrégée en mathématiques. Avec elle, il a trois filles : Maya, Kimi, et Rose, nées en 2004, 2005 et 2007. Jean-Jacques Goldman quitte alors Paris pour s'installer à Marseille, d'où est originaire son épouse. Loin des médias, le couple n'a jamais pris l'habitude de s'afficher en public. 

En 2016, Jean-Jacques Goldman s'est installé à Londres avec sa famille.