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Reportage

A la gare de Lviv, le désespoir des réfugiés ukrainiens

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la gare de Lviv, dans l'Ouest du pays, est devenue un point de passage obligé pour des dizaines de milliers de réfugiés fuyant l'avancée des troupes russes et les bombardements.

Les familles se disent adieu avant un départ de la gare de Lviv pour la Pologne afin de fuir les bombardements russes.
Les familles se disent adieu avant un départ de la gare de Lviv pour la Pologne afin de fuir les bombardements russes. (Marko Djurica/REUTERS)

Par Guillaume Ptak

Publié le 9 mars 2022 à 08:00Mis à jour le 11 mars 2022 à 17:13

« Vous m'avez vendu le billet et vous n'êtes pas fichu de me dire depuis quel quai part le train ? », s'indigne une mère de famille, l'air exténuée, devant l'un des guichets de la gare de Lviv, dans l'Ouest de l'Ukraine. Il est 17 heures, et déjà des centaines, voire des milliers de personnes se pressent au sein de cet imposant édifice Art nouveau.

Sur le parvis, des collectifs d'habitants de la ville et des organisations humanitaires distribuent eau, café et nourriture, tandis que des haut-parleurs diffusent en boucle la même chanson patriotique. Depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, plus de 2 millions d'Ukrainiens, selon le Haut-commissariat aux réfugiés, se sont réfugiés dans les pays limitrophes, la majorité d'entre eux en Pologne .

La ville de Lviv, une métropole de 700.000 habitants située dans l'ouest du pays, est devenue l'un des points de passage obligés pour ces déplacés. Pour nombre d'entre eux, les trains qui quittent quotidiennement la gare de Lviv-Holovnyi représentent leur seule chance de fuir le pays. Mais à l'intérieur, seules deux caisses délivrent encore des billets, et les employés peinent à répondre aux questions des voyageurs. Beaucoup s'impatientent, jurent ou rebroussent chemin. Des enfants pleurent, quelques-uns chantent. Une femme, les yeux dans le vague, berce son bébé.

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Tension et angoisse

 Dans les couloirs qui mènent aux quais, la tension est palpable, et s'accroît rapidement quand approche l'heure de départ d'un train pour la Pologne. Alors que celui pour Odessa va bientôt entrer en gare, celle-ci monte encore d'un cran. L'atmosphère devient irrespirable. Des cris angoissés montent de la foule, écrasée contre les murs de la gare. « Avancez, avancez ! », « Je vais tomber ! ». « Je ne peux plus respirer », s'écrie une femme d'une soixantaine d'années, le souffle court et les lunettes de travers. Les bénévoles affublés de chasubles fluorescentes, débordés, peinent à se frayer un chemin au milieu des passagers. « Rangez-vous sur la droite ! », exige l'un d'entre eux, un carton rempli de nourriture entre les bras.

Les Roms maltraités

 Yura, un homme rom âgé d'une soixantaine années, nous interpelle. « On bafoue nos droits, ils nous traitent comme des animaux », s'écrie-t-il, en pointant du doigt les gardes de sécurité, impassibles, à quelques mètres de nous. Originaire de Kharkiv, dans l'Est de l'Ukraine, ce grand-père raconte avoir dû fuir avec sa famille les bombardements qui ont ravagé la ville : « Je n'ai pas pu prendre mes affaires, on a dû partir immédiatement. » Avec d'autres familles roms, Yura et les siens sont arrivés après un périple de plusieurs jours à la gare de Lviv, espérant de là pouvoir rallier la Pologne.

Mais une fois sur place, on ne leur a pas permis de monter à bord des trains. « Ils ne nous laissent pas monter parce que nous n'avons pas de papiers, s'indigne-t-il d'une voix rauque. Mais nous sommes des citoyens ukrainiens aussi. » Yura raconte avoir passé plusieurs jours à même le sol de la gare, sans eau ni nourriture. Un enfant, les traits creusés, appelle sa mère en pleurant. « Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça ? », répète Yura à plusieurs reprises.

 « Vous aussi vous allez en Pologne ? », nous demande une blonde fluette, d'une quarantaine d'années. L'air apeuré, elle explique avoir quitté Kiev après les premiers bombardements. Elle compte rejoindre des amis à Varsovie. Agée d'une vingtaine d'années, Elena souhaite, elle, rallier Budapest en Hongrie. « Si j'avais une opportunité de vivre et de travailler ici, de soutenir ma famille ici, je resterais, souffle-t-elle, les yeux embués de larmes. Je n'ai pas envie de quitter l'Ukraine. » Après une dernière annonce crachée par les haut-parleurs de la gare, elle s'enfonce dans les couloirs menant aux quais, traînant sa valise derrière elle.

Guillaume Ptak (Correspondant en Ukraine)

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