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Les jeunes clandestins, petits soldats jetables du trafic de drogue dans les grandes villes de France

En Seine-Saint-Denis, à Marseille, Lyon ou Nantes, une nouvelle main-d’œuvre est apparue sur les points de deal, après les jeunes locaux puis ceux venus de toute la France : des migrants en situation irrégulière, encore plus facilement exploitables par les réseaux. Des profils qu’on retrouve désormais parmi les morts du narcotrafic.

Par ,  (Nantes, correspondance),  (Marseille, correspondant),  (Lyon, correspondant) et

Publié le 06 janvier 2024 à 18h30, modifié le 15 janvier 2024 à 17h43

Temps de Lecture 8 min.

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C’est un après-midi ordinaire au tribunal judiciaire de Bobigny. Devant la 13chambre, surnommée la « chambre des stups », sont convoqués vendeurs et guetteurs ; ces « petites mains » à qui les trafiquants confient quelques grammes de drogue à vendre, de jour comme de nuit, sur les « fours » de Seine-Saint-Denis.

Un après-midi ordinaire qui en dit long, aussi, sur les profils désormais prisés par les gestionnaires des points de deal : sur treize prévenus condamnés, six sont des jeunes hommes en situation irrégulière. Aucun n’est défendu par un avocat. Un seul est venu à la barre. Les autres ont été jugés en leur absence. A défaut de visages, de voix, de biographies complètes, se succèdent des dossiers qui semblent interchangeables – comme les positions de ces intérimaires, au plus bas de l’échelle du narcotrafic.

Parmi eux, Fabou D., 25 ans, Sénégalais en situation irrégulière, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il avait 575 euros en liquide et 8 grammes de crack dans un petit sachet noir dont il a essayé de se débarrasser lorsque les policiers l’ont interpellé dans une cité de Montreuil. Quant à Skander N., Algérien en situation irrégulière lui aussi, il a été interpellé cité Emile-Zola, à Saint-Ouen, avec 100 euros et 56 grammes de cannabis. « Un guetteur », estime la procureure au vu de ses déclarations.

Lire aussi le décryptage : Article réservé à nos abonnés Trafic de drogue : les intérimaires des points de deal

Wissem B., Tunisien sous le coup d’une OQTF, avait sur lui 25 grammes de cocaïne dans du papier aluminium lorsqu’il a été contrôlé, à Aubervilliers. « Tout laisse à penser que c’était pour du crack », souligne la procureure. Le jeune homme a expliqué aux policiers que la drogue ne lui appartenait pas et qu’il l’avait trouvée dans un mouchoir tendu par un inconnu, peu avant, pour se moucher.

Les peines prononcées cet après-midi, entre six et douze mois de prison, souvent avec sursis, mettent fin aux éphémères carrières de ces petits soldats du deal, aussitôt remplacés sur les chaises en plastique et les murets qui leur servent de poste de travail.

« Main-d’œuvre sous emprise chimique »

Quelques étages au-dessus de la salle d’audience, dans les bureaux de la division des affaires criminelles et de la délinquance organisée (Dacrido), ces profils-là ne sont pas inconnus. Avant d’engorger les audiences, sans guère pouvoir aider à démanteler les filières, ils sont repérés sur les points de deal les plus importants, aux portes de Paris : Aubervilliers-Pantin-Quatre-Chemins, La Capsulerie à Bagnolet, Saint-Denis…

Alice Dubernet, cheffe de la Dacrido, dresse le portrait-robot de ces jeunes « difficilement traçables » par les services d’enquête autant que par les services sociaux : « Ces migrants isolés sont une main-d’œuvre ponctuelle, facilement exploitable, qui n’évolue pas dans la hiérarchie. Pour les réseaux de trafic, ce sont des fusibles faciles, payés moins que le personnel habituel : pas plus de 80 euros par jour pour un guetteur, 100 euros pour un vendeur. »

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