Thais do Carmo ne sait pas très bien quoi faire de son droit de vote. « Je fais partie des indécis ! », dit en plaisantant cette femme de 31 ans aux cheveux noir de jais. Le 30 octobre, lors du second tour de l’élection présidentielle brésilienne, elle devra pourtant choisir entre deux projets aux antipodes : la gauche de Luiz Inacio Lula da Silva et l’extrême droite de Jair Bolsonaro. « Je sens que je vais me décider au dernier moment, une fois arrivée devant l’urne… », soupire-t-elle
![Thais do Carmo, 31 ans, au siège de l'association G10 Favelas, dans la favela de Jardim Teresopolis à Betim, dans l’Etat du Minas Gerais, au Brésil, le 13 octobre 2022.]( https://img.lemde.fr/2022/10/20/0/0/9203/6135/630/0/75/0/dc19a49_1666270606836-francisco-proner-vu-02907.jpg 1x, https://img.lemde.fr/2022/10/20/0/0/9203/6135/1260/0/45/0/dc19a49_1666270606836-francisco-proner-vu-02907.jpg 2x)
Au premier tour, le 2 octobre, cette habitante de Betim, dans l’Etat du Minas Gerais (sud-est), a voté pour le travailliste Ciro Gomes. Mais son champion n’ayant obtenu que 3 % des suffrages, voilà Thais face à un choix décrit comme « difficile ». « Je travaille dans l’entreprenariat social et j’ai horreur de la culture d’assistanat de la gauche. Mais, en même temps, je ne supporte plus l’agressivité et la vulgarité de Bolsonaro… », raconte-t-elle. Et d’ajouter : « Vraiment, j’hésite. »
Thais est à l’image de Betim, cité industrielle et populaire où dominent les petites maisons de béton gris, située une trentaine de kilomètres à l’ouest de Belo Horizonte, capitale du Minas Gerais. Scindée symboliquement en deux par l’autoroute, la ville de 450 000 habitants est aussi l’une des plus polarisées du Brésil. Au premier tour, Lula et Bolsonaro ont terminé ici au coude-à-coude, avec respectivement 45,78 % et 45,43 % des suffrages, soit 807 voix d’écart.
Un Brésil en miniature
La victoire au scrutin se jouera ici, dans cette ancienne région de chercheurs d’or voisine de Rio et de Sao Paulo. L’Etat des « mines générales », deuxième collège électoral de la fédération, est considéré comme l’Etat pivot du pays. Un Brésil en miniature, où cohabitent centres industriels, villes universitaires, favelas, commerce de produits agricoles et campagnes misérables… Depuis le retour de la démocratie, aucun président n’a été élu sans y obtenir une majorité.
![Paysage urbain du centre de Betim, Etat de Minas Gerais, au Brésil, le 14 octobre 2022.]( https://img.lemde.fr/2022/10/20/0/0/9189/6126/1920/0/75/0/d9e6c3f_1666270695574-francisco-proner-vu-03533.jpg 1x, https://img.lemde.fr/2022/10/20/0/0/9189/6126/3840/0/45/0/d9e6c3f_1666270695574-francisco-proner-vu-03533.jpg 2x, https://img.lemde.fr/2022/10/20/0/0/9189/6126/5760/0/45/0/d9e6c3f_1666270695574-francisco-proner-vu-03533.jpg 3x, https://img.lemde.fr/2022/10/20/0/0/9189/6126/7680/0/45/0/d9e6c3f_1666270695574-francisco-proner-vu-03533.jpg 4x)
Longtemps, Betim fut loin d’être indécise. Dans ce bastion de la gauche, Lula obtint lors de ses campagnes victorieuses de 2002 et 2006 plus de 75 % des voix. La « cité rouge » est en effet le siège d’une des plus grandes chaînes de montage du constructeur automobile Fiat : une ville dans la ville, de 2,2 millions de mètres carrés, employant 12 000 ouvriers métallurgistes. Depuis son ouverture, en 1976, celle-ci a produit plus de 16 millions de voitures, dont la célèbre « 147 », qui fut en son temps la plus populaire du Brésil.
« La diabolisation de la gauche a eu des effets dévastateurs. Une majorité de métallos vote pour l’extrême droite » – Alex Custodio, président du syndicat des métallos de Betim
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