Mercredi 8 septembre. Sur la scène du Théâtre de Düsseldorf, Angela Merkel partage l’affiche avec l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, auteure d’un manifeste paru en français sous le titre Nous sommes tous féministes (Gallimard, 2020). Au cours de la discussion, l’une des journalistes chargées d’animer la rencontre rappelle à la chancelière allemande la réponse évasive qu’elle avait faite lors du G20 des femmes, le 25 avril 2017, quand il lui avait été demandé : « Etes-vous féministe ? »
Ce jour-là, entourée d’Ivanka Trump, de Christine Lagarde et de la reine Maxima des Pays-Bas, Angela Merkel avait botté en touche. « Pour être honnête, l’histoire du féminisme est une histoire avec laquelle j’ai des choses en commun mais aussi des différences, et je ne veux pas me jeter des fleurs avec un titre que je n’ai pas », avait-elle déclaré. « Moi, je souhaite que les femmes soient libres de faire ce qu’elles veulent, qu’elles soient heureuses et fières de ce qu’elles sont. Si c’est être féministe de dire ça, alors je suis féministe », avait embrayé la reine Maxima, sur un ton plus direct. « Dans ce cas, moi aussi », avait ajouté la chancelière.
Quatre ans plus tard, ferait-elle la même réponse ? « A l’époque, j’ai dit timidement les choses. Aujourd’hui, tout ça est plus réfléchi. Dans ce sens, je peux maintenant le dire : nous devrions tous être féministes ! », déclare-t-elle, le 8 septembre, à Düsseldorf. Tonnerre d’applaudissements dans la salle. Un peu après, elle ajoute : « Quelque chose a changé dans notre pays. Il y a vingt ans, je n’aurais pas fait attention s’il n’y avait eu que des hommes à discuter sur une estrade. Aujourd’hui, je considère que ça n’est plus possible. »
Les disputes des exégètes
Vingt ans. Presque une génération. A peu près le temps qui se sera écoulé entre le jour où Angela Merkel fut élue présidente de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), le 10 avril 2000, et celui où elle quittera le pouvoir, au lendemain des élections législatives du 26 septembre et après seize années à la tête du gouvernement. Vingt ans pendant lesquels « quelque chose a changé dans notre pays », comme elle le dit, ce 8 septembre, en parlant de la place des femmes dans la société allemande. Une affirmation faite sur le mode du constat. Comme si elle-même s’était contentée d’accompagner ce changement sans vraiment l’impulser. En l’incarnant, sans aucun doute. Mais au-delà ? La réponse est loin d’être évidente. Comme souvent quand il s’agit d’évaluer l’action d’Angela Merkel. D’identifier ce qui, dans telle ou telle décision, lui revient en propre. Et, enfin, de mettre des mots sur une politique qu’elle-même a souvent été la première à refuser de nommer, laissant les exégètes se disputer pour savoir s’il faut la situer à droite, à gauche, au centre ou ailleurs.
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