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Arnon Grunberg : « Quand le paradis ne peut être situé dans l’avenir, il faut qu’il le soit dans le passé »

L’écrivain néerlandais constate, dans une tribune au « Monde », qu’en période de crise, les populations qui se sentent ignorées par leur gouvernement recherchent toujours un bouc émissaire. Ce mauvais rôle est aujourd’hui attribué aux migrants au sein de l’Union européenne.

Publié le 02 juillet 2024 à 16h30, modifié le 02 juillet 2024 à 16h30 Temps de Lecture 3 min.

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« Tout se disloque. Le centre ne peut tenir », écrit le poète irlandais W. B. Yeats en 1919. Un siècle plus tard, les choses se disloquent de nouveau, parce que le centre ne peut tenir. Pourquoi ? La question a été maintes fois posée, et, depuis une ou deux décennies, elle est redevenue brûlante d’actualité.

Les réponses varient, des plus vulgaires – les électeurs sont déçus par le système – aux plus intéressantes théories, sur le néotribalisme. Alors que le sentiment d’un « nous » naturel a disparu, une importante minorité d’électeurs attend des politiques et de la politique qu’ils réétablissent un « nous » homogène fleurant bon la nostalgie. Quand le paradis ne peut être situé dans l’avenir, il faut qu’il le soit dans le passé. Et aucun « nous » ne peut exister sans un « ils », sans un « eux ».

Une large part d’électeurs de nombreux pays d’Europe, mais aussi des Etats-Unis – n’oublions pas que l’élection présidentielle américaine en novembre pourraient être plus importantes encore pour l’Europe que les élections européennes de ce mois de juin –, semble désirer l’institution d’un ennemi clair, qui permet de créer une identité nationale claire. Nous les vrais Néerlandais, nous les vrais Allemands, nous les vrais Américains, nous les vrais Français. Il n’y a qu’en Belgique que l’identité nationale semble être salie ; nombre de Flamands préfèrent être flamands. Pour pouvoir être un vrai Néerlandais, Finlandais, Italien ou Autrichien, l’existence d’un Néerlandais, d’un Finlandais, d’un Italien ou d’un Autrichien moins vrai est nécessaire.

L’obsession des demandeurs d’asile

La question des migrations est centrale pour la majorité voire pour tous les partis d’extrême droite, qu’il s’agisse de l’AfD en Allemagne, du FPÖ en Autriche, du Rassemblement national en France ou de Trump aux Etats-Unis. Elle mobilise les électeurs de presque tous les pays, avec un succès électoral quasi garanti. Clamez : « Ils vont prendre vos emplois, votre pays et votre identité », et un gigantesque groupe d’électeurs va se dire : peut-être y a-t-il quelque chose à défendre, peut-être ces élections sont-elles vraiment importantes. La peur est une stratégie gagnante, et ce depuis longtemps ; l’idée qu’il y a quelque chose à perdre et que les nouveaux arrivants sont responsables de cette perte a un constant effet galvanisant.

Sans les migrations de main-d’œuvre, les économies européennes seraient largement paralysées. Il suffit de se pencher sur les taux de natalité en Europe pour saisir les raisons pour lesquelles les migrations nous sont nécessaires : pour éviter le déclin de l’Europe, de sa population et de son économie. Comme l’explique le sociologue néerlandais Hein de Haas, c’est la demande de main-d’œuvre qui stimule l’immigration : la plupart des gens qui viennent en Europe le font parce que l’Europe a besoin de travailleurs. Le pourcentage de demandeurs d’asile parmi tous les migrants est en effet relativement minime. Aux Pays-Bas, par exemple, il reste inférieur à 15 %.

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