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Joan Rivers, reine de la scène comique américaine, est morte

Figure historique du stand up, Joan Rivers est morte à New York, le 4 septembre, à l'âge de 81 ans.

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Publié le 05 septembre 2014 à 13h10, modifié le 05 septembre 2014 à 18h28

Temps de Lecture 4 min.

Joan Rivers sur le plateau du show télévisé

Il est regrettable que Joan Rivers, la grande dame de la scène comique nord-américaine, qui vient de mourir à New York, le 4 septembre, à l'âge de 81 ans, ne soit connue en France que par l'émission Fashion Police, qu'elle animait depuis 2010 sur la chaîne E!. Ce programme, qui consiste à passer en revue les tenues vestimentaires des célébrités lors de leurs divers passages sur les tapis rouges des cérémonies de récompenses, était consternante de bête légèreté et Joan Rivers y livrait parmi ses plaisanteries les plus vulgaires, quoique le plus souvent outrageusement drôles.

Mais cette figure historique et révérée du stand up, dotée d'une vive intelligence, fut la première représentante féminine majeure du genre, jusqu'alors dominé par des hommes, inspirant la vocation d'autres femmes humoristes - Kathy Griffin, notamment, sa plus digne émule aux Etats-Unis. A ses débuts, Joan Rivers se fit remarquer en étant plus mordante, plus « osée » que ses collègues masculins sur des sujets ayant trait à la sexualité (elle disait par exemple qu'elle préférait le coït anal car il lui permettait de repasser son linge dans le même temps) ou aux questions raciales.

Ainsi, dans le formidable documentaire Joan Rivers, A Piece of Work (2010), de Ricki Stern et Anne Sundberg, elle essaye devant ses assistants une blague sur l'actuelle première dame américaine : « On appelait Jackie Kennedy Jackie O ; ne pourrait-on pas appeler Michelle Obama Blackie O ?» Son entourage, horrifié mais écroulé de rire, lui conseille de ne pas la répéter en public.

HUMOUR « LIMITE »

Cette humour « limite » qui l'autorisait à rire de tout – et surtout d'elle-même - lui fit plusieurs fois franchir la ligne rouge. Ainsi récemment, elle déclara publiquement, à propos de la situation israélo-palestinienne et des nombreuses victimes palestiniennes : « A la guerre comme à la guerre, ce sont les Palestiniens qui l'ont commencée, ils le méritent. » Mais il faut signaler que Joan Alexandra Molinsky - son vrai nom -, juive et pro-israélienne, n'était cependant pas avare de satire antijuives assez saignantes.

Née à Brooklyn (Etat de New-York), le 8 juin 1933, dans une famille aisée de Russes immigrés, elle fait des études classiques à Barnard College (une université huppée pour jeunes filles) puis travaille en temps qu'employée de magasin et de bureau tout en tentant de s'imposer dans de petits cabarets. Elle y apprend le métier, notamment comment faire rire un public parfois peu captif et enivré. Sa célébrité commence en 1965 alors qu'elle est invitée par Johnny Carson dans sa fameuse émission The Tonight Show, sur NBC (animée ensuite par Jay Leno, Conan O'Brien et aujourd'hui Jimmy Fallon). Elle y devient la chroniqueuse préférée de Carson puis sa remplaçante officielle pendant ses vacances.

COLOSSAL SUCCÈS

Cette exposition médiatique, et le colossal succès d'audience qu'elle obtient, la font débaucher par Fox TV qui lui confie en 1986 son propre talk-show, The Late Show Starring Joan Rivers. Carson, qu'elle ne prévient pas avant l'annonce officielle de son transfert, prend la chose pour une trahison : les deux partenaires ne se parleront plus jamais. Joan Rivers vit alors deux drames : après quelques mois, son émission s'arrête, faute de succès, et son époux, Edgar Rosenberg, qui était aussi son producteur, se suicide en 1987. A cela s'ajoute une sombre affaire de malversation financière de la part d'un comptable qui la force à reconstruire une fortune assemblée grâce à de hauts cachets à la télévision et au théâtre.

Rivers sombre mais ne chute pas et reprend alors sa carrière dans les cabarets et les théâtres, se produisant dans de grandes salles et retrouvant le succès devant un public nombreux. Avant la vogue de la télé-réalité, elle accepte de raconter le drame du suicide de son époux en jouant, au côté de sa fille, Melissa Rivers, son propre rôle dans un film mélodramatique aussi consternant qu'étonnant, Tears and Laughter: The Joan and Melissa Rivers Story (1994), de Oz Scott.

CHIRURGIE ESTHÉTIQUE

Les années passent, mais Joan Rivers semble rajeunir. Grâce d'abord à de multiples opérations de chirurgie esthétique dont elle était la première à plaisanter. (Ainsi dans un épisode de l'émission de téléréalité Joan & Melissa, Joan Knows Best?, qu'elle allait tourner pour WE, de 2011 à 2014, elle dit ceci au vendeur qui lui demande quel sera l'usage de l'automobile qu'elle s'apprête à acheter : « Je roulerai peu, sauf pour aller chaque mois chez mon chirurgien esthétique.») Grâce ensuite à une activité professionnelle frénétique qui calmait sa peur panique du vide et de l'inactivité.

Elle publiait régulièrement des livres (qui étaient presque tous des best sellers), vendait ses lignes de bijoux et d'accessoires sur la chaîne HSN, se produisait partout en Amérique tout en tournant, à Los Angeles, l'émission hebdomadaire Fashion Police et sa série de téléréalité Joan & Melissa, d'une drôlerie absolument irrésistible mais non diffusée en France en raison de la difficulté de traduire ses impayables jeux de mots.

Sa mort est survenue lors d'une opération dans une clinique new-yorkaise : non pour un lifting de plus mais pour une intervention sur ses cordes vocales fatiguées. Joan Rivers fut alors victime d'un arrêt cardiaque, réanimée puis transportée à l'Hôpital Mont Sinaï où elle ne reprit pas connaissance après avoir été plongée dans un coma artificiel. La fantaisiste craignait de mourir dans l'incapacité de poursuivre ce métier qui la possédait comme une drogue.

Sa disparition soudaine et rapide, qui a choqué des millions d'admirateurs dans les pays anglo-saxons qui venaient de la voir en pleine forme dans ses récentes apparitions télévisées – la dernière diffusion de Fashion Police remonte au 4 septembre - et lors d'un voyage d'été à Venise dont elle avait diffusé les photos sur Twitter, est au fond ce qui pouvait arriver de plus clément à cette hilarante langue de vipère.

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