La République Démocratique du Congo : dans le secteur de l’eau, faire le point sur les défis permet d’apporter de nouvelles solutions

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La République Démocratique du Congo : dans le secteur de l’eau, faire le point sur les défis permet d’apporter de nouvelles solutions Photo: Boris Luntadila Luviya / World Bank

La République Démocratique du Congo (RDC) est l’un des pays les plus grands et les plus peuplés d’Afrique subsaharienne. Malheureusement, elle fait face à l’un des plus faibles taux d’accès à l’eau et à l’assainissement de base.

Au niveau national, près de 65% de la population ne dispose pas d’un accès de base à l’eau, 84% n’a toujours pas un accès de base à l’assainissement, et près de 18% continue de pratiquer la défécation à l’air libre. Bien qu’il y ait eu des améliorations en termes de couverture d’approvisionnement en eau et assainissement ces dernières années, les résultats sont rapidement résorbés par la croissance démographique. A ce rythme, il est très peu probable que la République Démocratique du Congo soit en mesure d’atteindre l'Objectif de développement durable 6 (ODD 6), qui prévoit un accès universel à l'eau et à l'assainissement d'ici 2030.

Le mois dernier, en visite à Kisenso, une commune du sud de la ville de Kinshasa, et à Kananga, une ville de la province du Kasaï-Central en RDC, nous avons pu constater les défis qui se présentent tant à la population, forcée de s’approvisionner en eau potable, bidon par bidon, qu’à la REGIDESO, l’entreprise publique chargée de l’approvisionnement en eau en milieu urbain, qui peine à trouver les moyens de répondre à une demande toujours croissante.

The World Bank

Plusieurs facteurs sont à l’œuvre. Selon une revue des dépenses publiée par la Banque mondiale, la RDC ne consacre que 0,23% du budget national au secteur de l’Eau , Hygiène et Assainissement (EHA), comparé à 7,31% pour la santé par exemple, bien que la faiblesse du secteur EHA contribue directement à des risques accrus pour la santé des mères et des enfants, nuisant ainsi à leur productivité et entraînant une perte de capital humain. Au sein du secteur EHA, l’assainissement est le maillon le plus faible – recevant 13 fois moins de budget que l’Eau.

Au financement insuffisant, s’ajoute une décentralisation incomplète et une faible efficacité de la gestion des finances publiques. Le taux d’exécution des financements est très faible : 20,5% des dépenses pour le secteur EHA inscrites au budget entre 2017 et 2021 ont réellement été mises en œuvre comparé à 72% en moyenne dans d’autres pays.

La faible exécution budgétaire dans le secteur EHA provient en partie de l'absence de transfert d'investissements aux provinces et aux Entités Territoriales Décentralisées, alors que les budgets annuels prévoient ces dépenses. La situation devra changer pour que la population congolaise puisse bénéficier de ce service de base qui est l’eau et l’assainissement.

Pour réduire le décalage, le gouvernement devra mobiliser des ressources supplémentaires auprès de tous les partenaires de développement, mais aussi augmenter l’efficacité des financements du gouvernement et attirer davantage le secteur privé pour complémenter ces efforts.

La Banque mondiale s’engage à appuyer le gouvernement à travers trois projets qui bénéficieront à plus de 15 millions de personnes d'ici 2034 : le Projet de développement multisectoriel et de résilience urbaine de Kinshasa -KIN ELENDA- (dont près de 3 millions de personnes ont déjà été bénéficiaires), le Projet de gouvernance et de réforme de l'accès aux secteurs de l'électricité et de l'eau -AGREE- (dont 180 millions de dollars pour l'eau et l'assainissement à Kananga et Goma), mais également l'approche multi-phases du Programme d'accès à l'eau et à l'assainissement -PASEA- dont la première phase vient de bénéficier d’un financement de 400 millions de dollars pour les provinces du Kwilu, du Kasaï, du Kasaï Central et du Kasaï Oriental.

A travers le programme PASEA, -l’un des plus innovateurs et des plus importants dans le domaine de l’eau, lancé avec le gouvernement le 8 mai 2024-, nous souhaitons aider la RDC à accroître l'accès aux services de base d'approvisionnement en eau potable et d'assainissement dans les provinces sélectionnées, et renforcer la capacité des secteurs public et privé en matière de prestation de services. A ce jour, la REGIDESO assure la distribution d’eau potable dans la plupart des grandes villes mais a eu du mal à s’étendre au-delà de ses centres de services historiques, même si elle a été le bénéficiaire quasi exclusif des investissements dans l’eau au cours des dernières décennies. La REGIDESO a également lutté pour fixer des tarifs reflétant les coûts réels dans un contexte d’eau non facturée élevé et de réformes lentes. Alors que les réformes des entreprises publiques occupent désormais une place primordiale dans l’agenda du gouvernement, la REGIDESO a été durement touchée par le non-paiement des factures d’eau par les instances officielles de l’État.

Sous la direction de son nouveau Directeur Général, l’entreprise tente d’amener une gestion différente afin qu’elle redevienne financièrement forte, que ses opérations soient efficaces et qu’elle se dote du personnel le mieux qualifié pour améliorer et numériser ses opérations. Alors que les réformes n’en sont qu’à leurs débuts et qu’elles auront besoin du soutien total du gouvernement et de la Banque mondiale pour porter leurs fruits, cette nouvelle impulsion est de bon augure pour un secteur aussi vital pour l’économie et le développement du capital humain en RDC.


Albert Zeufack

Le directeur pays de la Banque mondiale pour l'Angola, le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et Sao Tomé-et-Principe

Saroj Kumar Jha

Global Director, Water Global Practice

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