To The Moon avec Scarlett Johansson et Channing Tatum
Sony

Malgré l’énergie déployée par Scarlett Johansson, cette épopée spatiale romantique et loufoque ne décolle jamais.

To the Moon n’est pas seulement un film interprété par Scarlett Johansson, il est aussi produit par ses soins (via sa société These Pictures), et on sent à chaque instant du film que c’est son bébé. L’actrice se donne à fond, et il faut reconnaître qu’elle rayonne en équivalent féminin du Don Draper de la série Mad Men, une publicitaire sixties en escarpins tenant la dragée haute aux phallocrates qui croisent son chemin, et qui va bientôt être embauchée par un mystérieux émissaire gouvernemental (Woody Harrelson) afin de dynamiser l’image de la NASA auprès du grand public américain. La marketeuse de choc va dès lors tout mettre en œuvre pour rendre sexy le programme spatial, quitte à imaginer un faux alunissage, au cas où le vrai, conçu par un directeur de mission renfrogné (Channing Tatum), ne se passerait pas comme prévu…

To the Moon entend être beaucoup de choses à la fois : une comédie romantique sucrée à l’humeur screwball, portée par un duo de néo-Katharine Hepburn et Spencer Tracy, se chamaillant adorablement avant de tomber dans les bras l’un de l’autre ; un pur film de conquête spatiale (mais vu depuis le plancher des vaches), avec ce que ça comporte de moments graves (l’évocation du drame d’Apollo 1, déjà récemment remis en lumière dans First Man), de suspense « compte à rebours » et de tonalité épique censée faire se dresser les poils sur les bras ; et enfin, last but not least, une uchronie sixties façon « Once upon a time à la NASA », inspirée d’une des plus fameuses théories du complot – l’idée selon laquelle l’alunissage de 1969 aurait été bidonné. C’est beaucoup pour un seul film, qui paraît du coup plein à craquer, déborde de partout (2h11 au compteur !), et ne fonctionne en réalité sous aucun angle, ni la romance (laborieuse, Tatum paraissant étrangement désynchronisé avec sa partenaire), ni l’épopée spatiale (déjà vue cent fois), et encore moins la fable loufoque.

GALERIE
Sony Pictures

Le réalisateur Greg Berlanti (Love, Simon) ne parvient à donner à son film ni la saveur magique et poétique d’une uchronie à la Apollo 10 ½ (où un enfant prétendait avoir été envoyé dans l’espace juste avant Neil Armstrong), ni l’esprit caustique et critique d’un Capricorn One (le film de Peter Hyams sur une fausse mission spatiale vers Mars). Pire : en mettant sur le même plan le vrai alunissage et le faux, la réalité historique et son envers fake, c’est comme s’il accréditait les deux thèses, dans un geste très « post-vérité » qui se veut sans doute rassembleur, mais qui sonne surtout tristement opportuniste. Mince, alors… Des stars tout sourire, du charme sixties, de la fantaisie feel-good : on ne demandait pourtant pas la lune.

De Greg Berlanti, avec Scarlett Johansson, Channing Tattum, Woody Harrelson… Durée : 2h11. En salles le 10 juillet 2024