Les 7 samouraïs (1954)
Toho Co, Ltd.

L’un des plus grands films de l’histoire du cinéma ressort en salles cette semaine, restauré en 4K.

C’est à la fois le film le plus copié de tous les siècles -celui-ci et le précédent- et le plus endurant : même sans l’avoir vu, on l’a l’impression de la connaître par cœur. Des paysans recrutent une bande de guerriers pour les protéger d’un raid de bandits. Beaucoup vont (mal) reproduire ce film si évident, et ce n’est même pas une question de sacralisation, puisque le principe très simple du film est reproductible à l’infini, quel que soit le contexte. Mais les années passent (soixante-dix, depuis sa sortie en salles : une vie humaine), et Les Sept Samouraïs est toujours aussi beau et parfait, référentiel. C'est d'ailleurs la deuxième fois que Kurosawa crée un poncif de cinéma, deux ans après Rashomon, qui sera aussi copié, plagié, imité, et qui restera bien plus endurant que ses imitateurs. Même Les 7 mercenaires est, et sera toujours, un cran en-dessous.

Au pif, tant qu’on est dans les films à nombres, 13 Assassins de Takashi Miike et Le 13ème guerrier, de John McTiernan, deux films très Sept samouraïs, sont deux films splendides parce qu’ils sont justement autre chose que Les Sept samouraïs. Au dernier Festival de Cannes, lorsque Hirokazu Kore-eda est venu présenter la projection de la copie restaurée 4K du film, il a brandi sa propre VHS, qu’il avait amoureusement décorée lui-même quand il était jeune. Une manière comme une autre s’approprier ce classique un brin patrimonial -comme s’il écrivait son nom dans un volume de la Pléiade, figé par la légende.

La sortie de la version restaurée des Sept Samouraïs (rien à dire dessus, à part qu’elle est canon) quelques mois après la diffusion sur Netflix des deux Rebel Moon de Zack Snyder permet donc de réaffirmer à quel point il est inimitable. Snyder avait beau dire que son dyptique de space opera était "un mélange entre Star Wars et Les Sept Samouraïs" (oubliant que Kurosawa était aussi l’un des modèles de George Lucas) puisqu’il racontait le combat d’une bande de guerriers galactiques pour protéger des paysans cultivateurs de blé d’un affreux empire interstellaire. Il n’avait que le pitch : il lui manquait tout le reste.

GALERIE
The Jokers Films

Revoir Les Sept samouraïs, c’est évidemment prendre son pied devant un grand film historique plein d’action (les Japonais appellent cela jidai-geki) mais aussi rester baba sur la façon dont Kurosawa écrit et observe ses personnages. Le film passe une heure (sur trois) à mettre en scène de pauvres paysans affamés, au bord du suicide, prêts à toutes les compromissions pour survivre, avant que n’arrivent peu à peu les sept personnages du titre. Sept variations du samouraï : le duelliste, le chef, le fou de guerre, le disciple… Tous marqués, ou destinés à l’être, par le sceau de la violence.

Et tant qu’on parlait de violence, on ne verra là aucune glorification du combat, y compris pour la bonne cause :  "Combattre ne m’a jamais rien apporté. Je suis seul au monde", affirme Kanbei (l’immense Takeshi Shimura), le chef des sept, vétéran de tant de combats absurdes et qui sait ce qu’est la guerre, contrairement aux jeunes chiens fous qui pensent trouver la gloire au fil de l’épée (dans Rebel Moon, les guerriers ont tous la même histoire et semblent donc interchangeables). Chaque mort du film est un choc -même les morts ennemies, scrupuleusement notées sur un parchemin. Les Sept Samouraïs n’héroïse jamais l’élite face à la horde, le "few against many" qui excite tant certains cinéastes (même Miike, même McTiernan), et c’est ça aussi que Snyder n’a pas compris chez Kurosawa. Il ne s’agit pas que de filmer des morts au ralenti : il faut aussi, et c’est nécessaire, comprendre ce que sont ces morts.