Allocution du Directeur général à l’occasion de la soixante-treizième session du Comité régional du Pacifique occidental

Soixante-treizième Session du Comité régional de l'OMS pour le Pacifique occidental

24 October 2022

Monsieur Isaia Vaipuna Taape, Ministre de la santé de Tuvalu et Vice-Président du Président sortant de la soixante-douzième session du Comité régional,

Monsieur Bounfeng Phoummalaysith, Président entrant, Ministre de la santé de la République démocratique populaire lao,

Mesdames et Messieurs les Ministres et Chefs de délégation,

Mesdames et Messieurs, chers collègues et amis,

Bonjour à toutes et à tous, c'est un réel plaisir d'être de retour à Manille, et de pouvoir à nouveau se rencontrer en personne.

Comme je l'ai évoqué ce matin lors de la session extraordinaire, je sais que vous - les États Membres et le personnel du Bureau régional -venez de vivre une période difficile.

Je remercie la Directrice générale adjointe, la Dre Zsuzsanna Jakab, pour son leadership en tant que Responsable du Bureau régional, ainsi que le personnel du Bureau régional, qui a continué à faire progresser les travaux de la Région en cette période difficile.

Lorsque je me suis adressé à vous virtuellement l'an dernier, je vous ai dit que j'espérais pouvoir vous rencontrer en face à face cette année.

Eh bien me voilà.

Le fait que nous soyons à nouveau à même de nous rencontrer en personne témoigne du chemin parcouru dans la lutte contre la COVID-19.

Il est très satisfaisant de constater qu’en dépit des vagues épidémiques qu’ont dû affronter plusieurs États Membres cette année, le nombre de cas signalés dans la Région, ainsi que celui des décès, sont désormais en baisse.

En tant que Région, vous avez fait preuve d'une résilience remarquable face à la pandémie.

La « mémoire musculaire » que vous avez acquise grâce à votre expérience du SRAS, du MERS, du H5N1, du H1N1 et d'autres épidémies a aidé bon nombre d’États Membres de cette Région à se préparer et à réagir de manière efficace.

Il est particulièrement satisfaisant de constater que plus de 80 % des personnes âgées de la Région sont désormais complètement vaccinées - le taux le plus élevé de toutes les Régions du monde.

Comme je l'ai dit au cours des dernières semaines, nous n'avons jamais été dans une meilleure position pour mettre fin à la pandémie de COVID-19 en tant qu'urgence sanitaire mondiale.

Après avoir passé plus de deux ans et demi dans un long et sombre tunnel, nous commençons tout juste à entrevoir la lumière au bout de ce tunnel.

Mais nous n’en sommes pas encore sortis, et il reste de nombreux obstacles qui pourraient nous faire trébucher si nous ne prenons pas garde.

Nous continuons d'exhorter tous les États Membres à prioriser la vaccination de tous les personnels de santé et de toutes les personnes âgées, en vue d'atteindre l'objectif de vacciner 70 % de la population dans tous les pays.

De la même façon, nous engageons vivement tous les États Membres à élargir l'accès vital aux antiviraux et à renforcer la surveillance, le dépistage et le séquençage, afin de nous permettre de comprendre l'évolution de ce virus.

L'OMS a récemment publié une série de six brèves notes d'orientation, qui présentent les mesures essentielles que tous les pays peuvent mettre en œuvre en vue de réduire la transmission et de sauver des vies.

Nous vous invitons à utiliser ces notes d’orientation pour réévaluer et réajuster vos politiques de manière à protéger les personnes les plus à risque, à traiter celles qui en ont besoin, et à sauver des vies.

Face à l’évolution constante de la pandémie, la riposte qui lui est opposée doit, elle aussi, évoluer, dans chaque pays.

Et alors même que nous continuons de combattre la COVID-19, nous nous devons de maintenir l'élan nécessaire pour construire une architecture plus forte à l’appui des situations d’urgence sanitaire.

Comme vous le savez, les États Membres s’emploient actuellement à négocier un instrument international, juridiquement contraignant, sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies.

Je suis heureux de voir Colin, qui préside le groupe de travail depuis longtemps. Vous devez être fatigué !

J'invite instamment les États Membres de cette Région à participer activement à ces négociations. Il est dans votre propre intérêt de veiller à ce que l'instrument définitif soit adapté à la situation et aux besoins de chacun d’entre vous, en tant qu'État Membre et en tant que Région.

Cet instrument est l’un des éléments essentiels de la nouvelle architecture mise en place pour faire face aux urgences sanitaires, mais n’est absolument pas le seul.

Un nouveau Fonds d’intermédiation financière pour la prévention, la préparation et la riposte aux pandémies a été créé par la Banque mondiale, la direction technique en étant assurée par l’OMS, qui préside le groupe consultatif technique.

Nous recommandons fortement à tous les États Membres d’investir dans ce fonds qui permettra de fournir un financement catalytique et de combler les lacunes afin de mettre en œuvre les capacités essentielles du Règlement sanitaire international.

Dans le même temps, nous mettons actuellement à l’essai l'Examen universel de la santé et de la préparation, un mécanisme d'examen par les pairs destiné à évaluer l'état de préparation des pays.

Pour l’heure, aucun État Membre de cette Région ne participe à la phase pilote, mais je vous encourage vivement à le faire. Je serais heureux si quelques-uns d’entre vous pouvaient postuler aujourd’hui, ce qui me donnerait quelque chose à ramener à Genève.

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Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie, toutes et tous, de la confiance que vous m’accordez pour vous servir en qualité de Directeur général pour un second mandat de cinq ans.

Lors de l'Assemblée mondiale de la Santé, qui s’est tenue en mai dernier, j'ai présenté cinq priorités à mettre en œuvre au cours des cinq prochaines années, tout en continuant à travailler ensemble pour nous relever de la pandémie et à progresser dans la réalisation des cibles du « triple milliard » et des objectifs de développement durable. Ces cinq priorités sont les suivantes :

Promouvoir la santé ;

Garantir des services de santé ;

Protéger la santé ;

Démultiplier les progrès ;

Être efficace.

Je tiens toutefois à souligner que ces cinq priorités ne remplacent ni le treizième programme général de travail ni les cibles du « triple milliard ».

Il s'agit plutôt de savoir comment, ensemble, nous allons atteindre ces objectifs, qui font partie des objectifs de développement durable.

Ces cinq priorités sont en grande résonance avec les points de l’ordre du jour dont vous débattrez cette semaine, ainsi qu’avec les orientations que définit Vision d’avenir pour la Région.

Permettez-moi d’aborder brièvement chacune de ces priorités.

Tout d'abord, la promotion de la santé.

Pour concrétiser notre vision et atteindre le meilleur état de santé possible, il faut commencer non pas dans un centre de soins ou un hôpital, mais à l’école, dans la rue, au supermarché, dans nos villes, dans nos quartiers et surtout au sein du foyer.

Les Ministres des îles du Pacifique disaient exactement la même chose : comment pouvons-nous aider nos enfants à être en bonne santé ? Cela commence à l'école, mais il est vrai que ce que nous y faisons peut aussi venir dans nos foyers ou dans la famille.

Une grande partie du travail que vous accomplissez en tant que Ministres de la santé consiste à faire face aux conséquences d'une mauvaise alimentation, de la pollution, de l’insécurité sur les routes et sur le lieu de travail, du manque de connaissances en santé, et de la commercialisation agressive de produits nocifs pour la santé.

C'est la raison pour laquelle nous demandons à tous les États Membres de procéder sans tarder à un changement de paradigme de manière à promouvoir la santé et le bien-être, et à prévenir les maladies, en s'attaquant à leurs causes profondes et en créant les conditions nécessaires au développement de la santé.

Ce devrait être la voie à suivre.

La mise en œuvre du Cadre d'action régional pour la lutte contre les maladies non transmissibles que vous examinerez cette semaine ne pourra réussir que si les États Membres s'attaquent aux facteurs de risques qui déterminent l'incidence et la prévalence des maladies non transmissibles.

Il s’agit notamment de la crise climatique, alimentée par notre dépendance aux combustibles fossiles, qui rend les catastrophes météorologiques plus fréquentes et plus extrêmes, et qui menace l'existence même de nombreux petits pays insulaires du Pacifique.

Quand je suis allé à Tuvalu en 2019, j'ai rencontré un jeune garçon de 13 ans, qui m'a dit qu'avec ses amis, ils avaient discuté du sort de leur île. Ils s’étaient demandé ce qu’ils feraient si Tuvalu coulait. Certains d'entre eux avaient dit : « Nous coulerons avec Tuvalu » tandis que d'autres avaient répondu : « Non, nous émigrerons aux Fidji ou ailleurs ».

J'étais vraiment très attristé par ces paroles. Les enfants devraient mener une vie d’enfant. Imaginez des enfants discutant de ce sujet. Vous savez, c'est un cauchemar, on se sent impuissant. Comme il s’agit d’un problème sérieux pour Tuvalu et pour d'autres îles voisines, ils tombent dans le piège de la discussion et expriment leurs sentiments comme les autres.

Et pourtant, ce qu’ils veulent, c’est jouer, s'amuser, apprendre, plutôt que se demander ave inquiétude s’ils couleront avec leur île. J'espère néanmoins qu'elle ne coulera pas, et que ces enfants vivront dans le pays auquel ils appartiennent. Mais pour que cela soit le cas, il faut que le monde agisse avec sérieux.

Et du côté de l'OMS, nous ferons de notre mieux, et travaillerons à vos côtés.   

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La deuxième priorité consiste à garantir des services de santé, en réorientant les systèmes de santé vers les soins de santé primaires, qui sont le fondement de la couverture sanitaire universelle.

Nous savons que 90 % des services de santé essentiels peuvent être assurés au niveau des soins de santé primaires.

Je me réjouis de constater que vous examinerez cette semaine des cadres d'action régionaux portant sur les soins de santé primaires, le cancer du col de l'utérus, la santé mentale et la réponse aux besoins des laissés-pour-compte.

Après tout, la couverture sanitaire ne saurait être universelle que si elle s’étend à tout et à tous.

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La troisième priorité consiste à protéger la santé, moyennant le renforcement de l'architecture mondiale à l’appui de la préparation, de la riposte et de la résilience face aux urgences sanitaires.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence des failles importantes dans les défenses du monde contre les épidémies et les pandémies.

En mai dernier, le Secrétariat a publié un livre blanc contenant 10 propositions clés visant à garantir une gouvernance plus forte, un financement plus solide, ainsi que des systèmes et des outils plus efficaces afin d’assurer la sécurité sanitaire mondiale.

Plusieurs de ces propositions sont déjà en cours de mise en œuvre, comme je l'ai évoqué précédemment.

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La quatrième priorité consiste à démultiplier les progrès de la santé, en exploitant les possibilités offertes par la science, la recherche, l'innovation, les données et les technologies numériques.

Les progrès de la science et de la recherche ne cessent de repousser les limites de l'inconnu et de l'impossible, d’améliorer notre compréhension des choses, et d’offrir des possibilités nouvelles.

Les innovations en matière de produits de santé et de prestations de services nous donnent l'espoir de pouvoir, demain, relever des défis qui nous paraissaient autrefois insurmontables.

Les avancées des mégadonnées et de l'apprentissage automatique nous aident à mieux comprendre qui sont les laissés-pour-compte, et là où les inégalités sont les plus criantes, ainsi qu’à suivre les progrès dans la réalisation de nos objectifs.

Et les technologies numériques offrent un énorme potentiel pour fournir des services de santé sous de nouvelles formes, à un plus grand nombre de personnes, notamment dans les zones difficiles à atteindre.

Pour accélérer le rythme vers les objectifs du « triple milliard » et les objectifs de développement durable, nous devons accélérer l'échelle et le rythme auxquels la science, la recherche, les innovations et les technologies numériques sont adoptées et mises en œuvre.

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Enfin, notre cinquième priorité est d’être plus efficace et de forger des partenariats pour la santé, en renforçant l’OMS pour qu’elle produise des résultats et qu’elle soit mieux à même de jouer son rôle directeur.

La pandémie a démontré non seulement pourquoi le monde a besoin de l'OMS, mais aussi pourquoi il a besoin d'une OMS qui soit à la fois plus solide, dotée de moyens renforcés et financée de manière plus durable.

Je vous remercie, vous tous les États Membres, de l'engagement historique que vous avez pris cette année lors de l'Assemblée mondiale de la Santé de porter progressivement les contributions fixées à 50 % du budget de base au cours des 10 prochaines années.

Cet engagement nous donnera de l’indépendance, et nous permettra de nous concentrer sur les grandes priorités.

Cet engagement pourra transformer l’aptitude du Secrétariat à obtenir des résultats là où ils comptent le plus - dans la vie des personnes que nous servons tous. 

Il est crucial de maintenir cette dynamique, car le premier pas vers la durabilité cadre avec l’augmentation proposée de 20 % des contributions fixées dans le budget 2024-2025.

Vous n’êtes pas sans savoir que déjà avant la pandémie, nous avions considérablement accru l’efficacité et l’efficience dans le cadre des mesures prises pour mener à bien notre transformation.

En mettant à profit les enseignements tirés de la pandémie, nous sommes déterminés à poursuivre sur cette voie et à faire en sorte que l'OMS soit encore plus efficace et efficiente.

Dans les années à venir, nous nous attacherons tout particulièrement à renforcer considérablement nos bureaux de pays en vue d’en accroître la capacité et de faire en sorte que les pays soient pleinement associés à l’action menée, notamment en renforçant les personnels de santé de chacun des États Membres.

L'Académie de l'OMS jouera un rôle décisif à cet égard.

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Mesdames et Messieurs,

L’ordre du jour dont vous disposez cette semaine rend compte du large éventail de défis auxquels vous êtes confrontés en tant que Région.

Je m'engage à ce que votre Organisation, l’OMS, continue à vous soutenir, par l'intermédiaire de nos bureaux de pays et de nos bureaux régionaux, ainsi qu’au Siège, afin de promouvoir, de garantir, de protéger, et de renforcer la santé.

J’ai toujours grand plaisir à venir assister au Comité régional du Pacifique occidental car à chacune de mes visites, j'ai l'occasion de célébrer l’élimination d’une nouvelle maladie dans tel ou tel pays.

La première fois que je suis venu au Comité régional, en 2017, j'ai eu l'honneur de célébrer l'élimination du trachome au Cambodge et en République démocratique populaire lao.

En 2018, j'étais également présent pour confirmer l'élimination de la filariose lymphatique aux Palaos, au Viet Nam et à Wallis-et-Futuna.

Et aujourd'hui, je suis heureux d'être de retour pour féliciter le Vanuatu, qui est devenu le premier pays du Pacifique à éliminer le trachome.

En fait, il s'agit de la deuxième maladie tropicale négligée que le Vanuatu a éliminée, après la filariose lymphatique en 2016. Bravo au Vanuatu !

Les maladies ne s'éliminent pas toutes seules. L'élimination d'une maladie dans un archipel de 83 îles est une réussite exceptionnelle qui n'a été rendue possible que par la détermination du Gouvernement, appuyé par l'OMS et bien d’autres partenaires.

Le succès du Vanuatu souligne le caractère complet de la stratégie d’élimination du trachome élaborée par l’OMS et connue sous l’acronyme CHANCE : Chirurgie ; Antibiotiques ; Nettoyage du visage ; et Changement de l'Environnement.

Nous encourageons vivement les autres États Membres de la Région qui luttent contre le trachome à suivre l'exemple du Vanuatu en adoptant la stratégie CHANCE.

Chers États Membres, je tiens à vous exprimer à nouveau ma reconnaissance pour votre engagement résolu au service de votre population, et pour l’action que vous menez en faveur d'un monde plus sain, plus sûr et plus juste.

Je vous remercie.

Merci beaucoup. Salamat.