Interview

Vitamin String Quartet nous confie les secrets derrière les reprises pop de La Chronique des Bridgerton

Dans La Chronique des Bridgerton, les mélodies de Ariana Grande, BTS ou encore Sia bercent les amours naissantes comme les disputes éclatantes – revisitées à l'aide d'instruments classiques. Qui sont les artistes derrière la bande sonore de la série ? Vogue France a rencontré le groupe Vitamin String Quartet, le petit secret derrière certaines reprises de la série.
Vitamin String Quartet
© Liam Daniel / Netflix

Peut-être que vous attendiez comme moi l'arrivée du week-end pour dévorer les épisodes fantasmés de La Chronique des Bridgerton. La deuxième partie d'une troisième saison haute-en-couleurs, qui confirme une fois de plus le talent d'une Nicola Coughlan éblouissante en Penelope Featherington. Le cœur embaumé par les va-et-vient amoureux du couple qu'elle forme avec Colin Bridgerton (Luke Newton), une question persistait encore alors que les épisodes avaient fini de défiler à toute vitesse sur ma télévision. Qui sont les artistes qui se cachent derrière les reprises fantasmagoriques dans Bridgerton ? Ariana Grande, Billie Eilish… : toutes mes icônes pop préférées sont passées dans la série, sublimées par des instruments sortis tout droit de la Régence.

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Quelques jours plus tard – à peine le temps de reprendre mes esprits – me voilà installé devant un autre écran, cette fois celui de mon ordinateur portable. Il est 21 heures en France : 9 heures de décalage me séparent du soleil de midi californien. Si j'ai la voix légèrement éraillée par les changements de température, les interprètes qui me font face ne me font pas la remarque. Au contraire, les sourires des membres de Vitamin String Quartet sont avenants, même en appel vidéo, comme pour réchauffer ce début de soirée enrhumée. En une heure à peine, le violoncelliste Derek Stein et le directeur artistique James Curtiss m'ont emmené dans l'univers aussi entraînant que nostalgique de ce groupe qui a imaginé certaines des reprises populaires de La Chronique des Bridgerton.

© Nick Fancher

Rencontre avec James Curtiss et Derek Stein du groupe Vitamin String Quartet

Vogue. Vitamin String Quartet existe maintenant plus de 20 ans. D'où vous est venue l'idée de reprendre des chansons pop et rock ?

James Curtiss. Tout est parti d'une série d'albums, qui étaient en fait des hommages à des artistes : Led Zeppelin, Metallica… L'idée était surtout de sélectionner ces grands noms de la musique contemporaine, de les revisiter avec des instruments à cordes et voir ensuite si cela fonctionne. Mais c'étaient les temps où Apple, iTunes ou encore Facebook n'occupaient pas encore la place qu'ils ont aujourd'hui. Lorsque j'ai rejoint l'équipe créative du groupe, j'ai pensé qu'il serait bon de donner un nom auquel les gens pourraient s'accrocher. À l'aube des années 2010, nous avons commencé à nous produire sur scène, devant une caméra et à réellement nous forger une identité visuelle et créative.

Le paysage musical a complètement changé depuis vos débuts. Pensez-vous que l'image que associée à la pop a évolué ? Pourrait-on y voir une corrélation avec l'avènement des plateformes de streaming ?

James Curtiss. Complètement ! La musique passe naturellement par des phases, et le streaming miroite ce phénomène. De plus, la pop est plus audacieuse, plus mordante qu'auparavant. Elle n'est plus seulement de la musique populaire, moderne, isolée des autres genres. Elle incorpore beaucoup d'autres tonalités plutôt que de se cantonner qu'à un seul genre…

Derek Stein. Et les artistes pop de nos jours ont assimilé cet éclectisme dans la création. Ils intègrent beaucoup d'éléments, de références qui complexifient leurs musiques. En regardant des artistes comme Taylor Swift et Nicki Minaj (qui se sont lancées respectivement dans la country et le rap), difficile d'affirmer qu'elles produisent exactement la même musique qu'à leurs débuts ! Lorsque nous étions plus jeunes, le public et les critiques étaient habitués à ce qu'un groupe fasse un seul type de musique. Or, les murs entre les gens commencent à tomber : les artistes de tous horizons se mettent à collaborer, le tout sur l'impulsion du streaming et des réseaux sociaux.

Derek, en tant que violoncelliste, est-ce que c'était facile d'adapter votre formation classique à un registre plus actuel ?

Derek Stein. J'ai appris à jouer avec mon père, qui était mon professeur jusqu'à ce que j'aille à l'université. Mais j'ai toujours été attentif à tout type de musique, quelque soit le style. Si j'ai grandi en écoutant beaucoup de classique et de jazz à la maison, mes ami·es parlaient de genres qui étaient assez différents et j'ai le souvenir de m'entraîner à reproduire ce qu'ils écoutaient chez moi. Au lycée et à l'université, j'ai commencé à me produire dans des groupes de rock, que ce soit avec un groupe ou lorsqu'un ami m'appelle en me disant “Eh, je joue ce soir en direct, est-ce que tu pourrais m'aider ?”. C'est cette habitude que j'ai prise avec le temps qui a fait qu'il était très facile pour moi d'assimiler l'identité artistique de Vitamin String Quartet.

Depuis le début de votre carrière, le groupe a enregistré plus de 400 projets au fil des années. Comment est-ce que Vitamin String Quartet s'est renouvelé avec le temps ?

James Curtiss. Bien sûr, il y a une partie de nos créations qui s'alignent avec les tendances du moment ! Mais l'idée qui anime nos reprises, c'est de toujours se demander si ce ne serait pas cool d'entendre une chanson, reprise par un cortège d'instruments classiques. Le tout résulte d'une forme d'équilibre. Pour qu'un projet fonctionne : il faut que l'on s'amuse, il faut qu'on est l'impression d'être nous-mêmes ! Que l'on réadapte un album de Björk ou disons, la bande-son d'un film, nous avons toujours en tête cette idée d'amusement, d'exaltation.

Derek Stein. D'ailleurs, les fans commencent à réclamer d'eux des reprises particulières de certaines chansons ! Lorsqu'ils aiment un·e artiste ou un air, nous nous y intéressons, ce qui peut donner lieu à des performances captivantes et dynamiques.

Parlez-moi maintenant du phénomène La Chronique des Bridgerton. Est-ce que c'était une évidence ?

James Curtiss. L'équipe Netflix derrière la série nous a démarchés très tôt, dès la première saison ! Je pense qu'ils ont pensé à nous parce que Alexandra Patsavas [ndlr : en charge de la supervision musicale de La Chronique des Bridgerton, nommée aux Creative Emmy Awards 2021 pour son travail sur la série] suit Vitamin String Quartet depuis un bout de temps maintenant. Elle savait que l'énergie de la série correspondait vraiment à l'esprit de notre musique : revisiter la musique contemporaine au prisme d'instruments classiques. Et c'était une évidence à la lecture des premières ébauches de la série : un “oui” immédiat ! Même si nous étions loin de nous douter que La Chronique des Bridgerton prendrait de telles proportions…

De la première à la troisième saison, les reprises pop de La Chronique des Bridgerton sont devenues des incontournables de la série. Quelle était la chanson que vous avez préféré voir la télévision ?

James Curtiss. J'avoue ne pas être parfaitement à jour dans la série, j'ai accumulé beaucoup de retards avec l'arrivée des nouveaux épisodes… Mais il faut dire que la scène du premier épisode, revisitant le single “thank u, next” d'Ariana Grande a retenu mon attention. Le rendu final à l'écran cristallisait l'atmosphère Bridgerton. Les chansons jouées par les orchestres classiques étaient pour les gens de l'époque, notre musique populaire à nous.

Derek Stein. Je me trouve exactement dans la même situation, j'ai beaucoup trop de retard ! Mais j'adore recevoir un message ou un appel de l'un·e de mes proches, et qu'ils me disent : “Oh mon Dieu, j'étais en train de regarder La Chronique des Bridgerton et un truc à l'écran indique que c'était Vitamin String Quartet que je suis en train d'entendre !

Est-ce qu'on peut s'attendre à d'autres collaborations avec Netflix ?

James Curtiss. Nous ne pouvons trop en dévoiler pour l'instant… Mais une série animée va sortir sur Netflix dans un mois avec l'une de nos chansons dedans ! Notre objectif final, c'est de réaliser l'intégralité de l'accompagnement musical d'un projet, que ce soit au cinéma ou à la télévision. Je veux que l'on puisse nous appeler un jour avec cette idée en tête. En attendant, je sais que la dernière saison de Doctor Who a incorporé deux de nos reprises : l'une de Billie Eilish, l'autre de Lady Gaga !

À quoi ressemblerait un film ou une série télévisée signée Vitamin String Quartet ?

James Curtiss. Oh, notre univers est si vaste que je ne sais quelle forme cela pourrait prendre ! Notre musique est quelque chose d'incroyablement romantique comme on a pu le voir avec Bridgerton, mais nous avons aussi quelques pépites plutôt du côté de l'horreur et du suspense. Mais je me dis qu'il serait intéressant de réaliser la bande-originale d'un film consacré à une personnalité, comme un biopic. Imaginez un hommage à Taylor Swift avec les musiques de Vitamin String Quartet en accompagnement… Cela serait incroyable, non ?

De BTS à Sia, en passant par Robyn : on ne compte plus le nombre d'artistes passé·es entre les cordes de Vitamin String Quartet. Avez-vous rencontré des artistes que vous avez déjà repris ?

James Curtiss. Pas en personne, ou du moins, pas en face à face. Mais certains membres ont fait une reprise du titre “Espresso” de Sabrina Carpenter, qui est en pleine implosion ces derniers jours. Et elle a réagi très positivement : elle nous a contacté et demandé si nous comptions enregistrer en studio une version de la chansons. Ou encore, Billie Eilish a déjà fait un TikTok en utilisant l'une de nos chansons, reprenant la musique des Studios Ghibli. Ce sont des rencontres indirectes, permises par les réseaux sociaux. Mais cela n'a pas empêché certains de nos musicien·nes de performer aux côtés d'Ariana Grande par exemple !

Qu'est-ce que cela fait d'être un groupe de musique classique à Los Angeles en 2024 ?

Derek Stein. Notre style de musique est tellement orienté pop, que même si nous jouons des instruments à cordes, il n'y a pas beaucoup de croisements avec les autres groupes classiques. Si certains s'attellent à revisiter Bach ou Beethoven, j'ai perdu le compte du nombre de fois où je me suis produit aux côtés de compositeurs·trices vivant·es lors de leurs premières. Nous avons la chance de grandir en tant que groupe dans un endroit comme Los Angeles, où il y a toujours des personnes prêtes à sortir de chez elles à la dernière minute, prêtes à arpenter les rues pour trouver quelque chose à voir ou écouter !

Vous partez prochainement pour une tournée qui s'étendra jusque 2025. Avec le temps, est-ce que c'est devenu plus facile d'établir une connexion avec le public ?

Derek Stein. Clairement, j'ai toujours pensé que la meilleure façon de répéter, c'était tout simplement de jouer. Pendant longtemps, nous avons fait des concerts ici et là. Mais c'est tout récemment que Vitamin String Quartet a commencé à jouer des nuits consécutives, à construire un rapport avec chaque public devant lequel nous jouions. Et avec le temps, c'était facile de comprendre ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas.

James Curtiss. Nous avons vite compris que nous ne voulions pas que nos performances ressemblent à celles d'un quatuor à cordes classique. C'est une atmosphère très formelle et minimaliste : ils sont assis tout au long de la performance, sans réellement s'adresser à la foule. Alors que nous avons encouragé cette idée de créer du lien avec l'audience : à plaisanter, à se lever, à parler directement.

Quelles perspectives d'avenir pour Vitamin String Quartet ?

Derek Stein. Côté projets, nous allons sortir un album à l'automne, centré sur les musiques de films – en plus de reprises de tubes de l'été ou un EP dédié à l'artiste The Weeknd. Puis en octobre prochain, nous allons nous produire dans un centre artistique du Michigan, juste avant notre grande tournée de 2024/2025. Ce qui est intéressant avec Vitamin String Quartet, c'est que tu ne peux jamais savoir si un évènement ou une reprise de dernière minute va se présenter à toi. Il y a toujours quelque chose à faire, sur scène, sur les réseaux sociaux ou à l'écran si on y prête attention…

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