Interview

“Je veux plus de stabilité” : Paul Mescal se confie sur le film Sans jamais nous connaître et ses projets à venir

À l’affiche du drame romantique Sans jamais nous connaître, au cinéma ce mercredi 14 février, l’acteur Paul Mescal s'est confié à Vogue sur ses scènes de sexe avec Andrew Scott, ses larmes versées lors de la tournée promotionnelle ainsi que ses résolutions pour l’année 2024.
Paul Mescal dans Sans jamais nous connaître
© Chris Harris / Searchlight Pictures

Je déambule dans les couloirs de l’hôtel Soho à Londres en attendant Paul Mescal, qui a déjà 25 minutes de retard. La nouvelle sensation d’Hollywood a-t-elle pris la grosse tête ? Il faut dire qu’en quatre ans à peine, l’Irlandais de 27 ans a enchaîné les projets à succès : la série Normal People, d’après le roman phénomène de Sally Rooney, le film Aftersun de Charlotte Wells, pour lequel il a été nommé aux Oscars, et la pièce Un tramway nommé désir, qui lui a valu de remporter le Laurence Olivier Award du meilleur acteur. Il s’apprête maintenant à entrer dans l’ère des superproductions avec Gladiator 2 de Ridley Scott, dont la sortie est prévue en novembre 2024. Mais Paul Mescal a toujours les pieds sur terre. Lorsqu’il arrive enfin, vêtu d’un jean, d’un tee-shirt blanc et de baskets adidas, il se confond en excuses, les yeux vissés au sol. Même une fois l’entretien commencé, il n’arrête pas de dire qu’il est désolé. Quant à moi, je suis complètement sous le charme.

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Le magnétisme de l’acteur est aussi prononcé à l’écran qu’en dehors. Et il ressort particulièrement dans Sans jamais nous connaître, le nouveau film du réalisateur Andrew Haigh. Dans cette romance surréaliste, Paul Mescal joue Harry, le mystérieux et séduisant voisin d’Adam, un scénariste solitaire. Ce dernier se remémore sa jeunesse et retourne dans la ville où il a grandi. Arrivé devant la maison de son enfance, il découvre que ses parents (Jamie Bell et Claire Foy), décédés dans un accident de voiture lorsqu’il avait 12 ans, occupent toujours les lieux. Plus étrange encore, ils n’ont pas pris une ride depuis le jour de leur mort, en 1987, il y a plus de trente ans. Cela offre à Adam une opportunité qu’il n’a jamais eue : faire son coming out et, avec un peu de chance, être accepté comme il est par sa famille. De retour dans la tour d’habitation où il vit désormais, il entame une relation avec Harry, qui se bat lui aussi contre ses propres démons. Bientôt, ces deux mondes vont entrer en collision et donner lieu à des conséquences inattendues.

© Parisa Taghizadeh / Searchlight Pictures / Courtesy Everett Collection

Cette performance a récemment valu à Paul Mescal une nomination au BAFTA du meilleur acteur dans un second rôle, sans doute la première d’une longue série : le jeune homme sera à l’affiche de la prochaine épopée de Ridley Scott (à propos de laquelle je ne peux en aucun cas l’interroger, m’ont répété les attachés de presse), mais aussi de l’adaptation par la réalisatrice oscarisée Chloé Zhao du Hamnet de Maggie O’Farrell, dans lequel il prêtera ses traits à un jeune Shakespeare espiègle. Sans oublier la comédie musicale de Richard Linklater, Merrily We Roll Along, qui doit être tournée sur une période de vingt ans et dont la sortie en salles est prévue pour… 2040 ! Ci-dessous, l’acteur nous parle de ses projets à venir, de ses scènes de sexe avec Andrew Scott, de ses larmes lors de la tournée de presse et de la raison pour laquelle il espère être plus heureux en 2024.

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Tête-à-tête avec Paul Mescal autour du film Sans jamais nous connaître

Vogue. Je sais que Sans jamais nous connaître est un projet très personnel pour Andrew Haigh. Qu’a-t-il partagé avec vous avant le tournage ?
Paul Mescal. J’ai adoré le scénario pour sa nature très personnelle. Par exemple, la maison dans laquelle il a tourné la première partie du film avec Jamie Bell et Claire Foy est en réalité celle de sa famille, ce qui est incroyable. Mais il aborde tout ça de sorte à ce que ce ne soit jamais un fardeau pour l’acteur. Même si, forcément, on se sent impliqué. Comment se lancer dans quelque chose d’aussi personnel sans sentir comme un poids sur nos épaules ? Bien sûr, aucune performance ne sera jamais à la hauteur de l’expérience vécue. Mais les premières conversations que j’ai eues avec Andrew portaient sur Harry. Il m’a surtout demandé ce que je pensais de l’histoire et de l’écriture. J’ai adoré le personnage. J’ai éprouvé beaucoup de sympathie pour lui, mais j’ai aussi aimé le fait qu’il ait les pieds sur terre. Je pense que c’est une nouveauté pour moi. Il y a en lui un immense puits de tristesse, mais il est d’une vivacité que je n’ai jamais eue l’occasion de jouer auparavant. J’avais envie de me concentrer là-dessus. La composition chimique de Harry fait qu’il utilise cette sorte de pression pour cacher ce qui se passe sous la surface, ce qui débouche sur un triste équilibre.

Votre partenaire à l’écran, Andrew Scott, est tout simplement extraordinaire. Le connaissiez-vous avant de travailler avec lui ?
On se connaissait un peu grâce à des amis communs. Mais on est devenu vraiment proches que récemment, en raison de la nature du projet, pas seulement à cause des scènes de sexe, mais aussi à cause de l’intimité émotionnelle que nos deux personnages partagent. C’était le climat idéal pour tomber amoureux d’Andrew en tant qu’être humain.

© Chris Harris / Searchlight Pictures / Courtesy Everett Collection

Comment se sont déroulées les scènes de sexe ?
Les scènes étaient supervisées par un coordinateur d’intimité. Je dois dire que j’ai eu la chance, depuis que je travaille dans l’industrie, de n’avoir jamais tourné un film sans ce médiateur que je trouve absolument essentiel. Mais, ce que j’ai appris, c’est qu’il ne peut y avoir de règle immuable en la matière, car c’est en fait assez subjectif en matière de communication physique et d’engagement de deux acteurs l’un envers l’autre. J’ai eu beaucoup de chance jusqu’à présent : chaque fois que j’ai eu à tourner ce type de scènes intimes, il y a eu une alchimie mais aussi une compréhension physique et une confiance avec mon partenaire. Parfois, le processus a été plus facile que d’autres, mais il s’agit sans aucun doute de l’une de mes expériences préférées. Aujourd’hui, la panique des débuts s’est légèrement dissipée, ce qui est une bonne chose. Mais elle ne disparaît jamais vraiment, notamment parce qu’il y a toujours beaucoup de monde sur le plateau. L’essentiel est de se concentrer sur la personne à qui vous donnez la réplique. Tout est une question de connexion humaine, qui, je pense, est très présente dans le film.

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Le film est aussi très émouvant. Qu’avez-vous ressenti en voyant les réactions du public ?
Très émouvant, oui. J’ai appris à connaître Andrew Haigh et Andrew Scott et je sais qu’il y a beaucoup d’eux dans ce film. C’est incroyable de voir qu’il est aussi bien accueilli, qu’il a autant d’impact. Je suis très fier de mon travail et, même si ça vaut pour tous les personnages que j’ai joués, aucun n’avait une portée aussi personnelle que celui de Harry.

Avez-vous eu la larme à l’œil à un moment ou à un autre de la tournée de presse ?
On a fait une séance de questions-réponses à Los Angeles et on attendait un peu sur le côté, le temps de voir la fin du film, quand Harry dit à Adam : “Comment se fait-il que personne ne m’ait trouvé ?” Harry est une force positive. Il se bat contre ses propres démons, mais le voir aussi vulnérable me touche beaucoup. C’est un garçon tellement beau, abandonné par les gens qu’il aime parce qu’ils ne sont pas capables de gérer sa sexualité, ce qui est incompréhensible aujourd’hui. Ce passage me touche à chaque fois.

© Chris Harris / Searchlight Pictures

J’aimerais également vous interroger sur votre autre film récent, Le Remplaçant (Foe, en anglais) de Garth Davis avec Saoirse Ronan, dans lequel vous jouez un personnage très différent de Harry. Comment s’est déroulé ce tournage ?
J’adore ce film. Je pense que c’est l’un des plus grands défis que j’ai eu à relever. Ce n’est certainement pas un drame naturaliste. Il est presque grec par son ampleur. Ce qu’il demande aux acteurs n’est pas facile à réaliser. Il exige un certain type de performance qui relève de la haute voltige. Et travailler avec Saoirse

Elle se donne à fond dans chaque scène.
C’est la seule fréquence qu’elle comprend, et si vous ne vous donnez pas à fond face à elle, elle vous mâchera et vous recrachera en matière de performance. Si vous ne pouvez pas l’égaler, autant ne pas être là. Le tournage a été très éprouvant sur le plan émotionnel et, quelle que soit la réception du film, il y a des scènes dont on se souviendra longtemps. Je suis un grand fan du travail de Saoirse, je l’observe depuis des années et je sais qu’elle peut jouer tout et n’importe quoi. C’en est presque ennuyeux [rires]. J’ai tellement appris en la regardant.

Saoirse Ronan, Andrew Scott… Est-ce une coïncidence que vous ayez travaillé avec tous les acteurs irlandais incroyables du moment ?
Coïncidence ou pas, j’espère que ça va continuer ! Quoi qu’il en soit, il se passe actuellement quelque chose qui me plaît beaucoup. On vit une sorte d’âge d’or, toutes générations confondues : Saoirse Ronan, Jessie Buckley, Andrew Scott, Colin Farrell, Brendan Gleeson. Ce sont quelques-uns de mes artistes préférés. Je travaillerais avec n’importe lequel d’entre eux encore et encore.

© Amazon/Courtesy Everett Collection

Et on vous verra bientôt aux côtés de Jessie Buckley dans Hamnet de Chloé Zhao.
Ce livre est dévastateur. J’ai hâte d’être sur le tournage. Si j’avais dit ça à une version plus jeune de moi-même, je n’y aurais pas cru. Jessie et moi avons tous les deux joué dans The Lost Daughter de Maggie Gyllenhaal, sans toutefois tourner de scène ensemble. Je trouve que c’est l’une des plus grandes actrices actuelles. Et puis, j’ai vraiment hâte de travailler avec Chloé Zhao, d’entrer dans la tête de ses personnages.

Vous allez également travailler sur Merrily We Roll Along de Richard Linklater, qui sera filmé sur une période de vingt ans. Qu’est-ce que ça fait de travailler sur un tel projet ?
C’est incroyable. Ce qui est différent, c’est qu’il s’agit d’une adaptation de la comédie musicale du même nom de Stephen Sondheim. J’adore les comédies musicales. Je chante et tout [rires]. On va tourner le film sporadiquement au cours des vingt prochaines années, ce qui semble hyper bizarre dit comme ça, même pour moi. Pour être tout à fait honnête, le projet n’en est qu’à ses balbutiements.

J’ai aussi adoré vous voir au théâtre dans Un tramway nommé désir. Avez-vous l’intention de remonter sur scène ?
Un grand moment ! Ça faisait un sacré bout de temps que je n’étais pas remonté sur les planches, et ça m’avait énormément manqué. J’adore ça. C’est tellement gratifiant. Les représentations sont éreintantes mais en fin de compte, elles agissent comme un élixir. Je pense que sans le théâtre, je serais moins bon au cinéma. Et puis, avouons qu’il est rare de trouver un scénario aussi réussi que les pièces d’Arthur Miller ou de Tennessee Williams. Si quelqu’un me donne l’occasion de faire du Shakespeare, je serais fou de ne pas le faire. Donc, pour répondre à votre question : oui, j’ai l’intention de remonter sur scène dans un avenir assez proche.

Stanley Kowalski est un personnage tellement emblématique. Quels sont les autres grands rôles que vous aimeriez jouer un jour ?
J’aimerais jouer Biff dans Mort d’un commis voyageur. C’est le numéro un sur ma liste. Ce qui est dommage dans le théâtre, c’est que certains comédiens n’auront jamais l’occasion de jouer tel ou tel personnage, parce que la chance est tout simplement passée. Je sais qu’il y a eu une production de Mort d’un commis voyageur récemment et qu’il n’y en aura pas de sitôt. Mais j’espère intimement que la prochaine fois, le metteur en scène pensera à moi pour ce rôle. Je sais que j’aurais un goût d’inachevé si je n’ai pas l’occasion de le jouer.

Parlons un peu de votre style sur le tapis rouge. La saison des récompenses bat son plein et vous vous rendrez bientôt à la cérémonie des BAFTA. Comment vous habillez-vous pour ce type d’événements ?
Je suis très heureux de pouvoir dire que c’est un exercice que j’apprécie beaucoup plus que par le passé. Je pense que c’est dû aux personnes avec lesquelles je travaille maintenant et aussi à ma relation avec moi-même. Gucci m’a beaucoup soutenu ces deux dernières années. J’ai collaboré avec d’autres marques, et elles ont toutes été très gentilles, mais je ne me suis pas senti aussi à l’aise qu’avec Gucci. Pour moi, ça fait vraiment la différence d’apprendre à connaître les personnes qui se trouvent derrière le rideau de ces grandes maisons de mode, celles qui n’essaient pas de vous vendre une tenue coûte que coûte, mais qui s’adaptent à votre personnalité. Ma styliste, Felicity Kay, m’est très précieuse dans ce domaine. Elle a changé ma vie. S’habiller peut être source de stress, il faut donc s’entourer de personnes talentueuses qui rendent cette étape moins stressante.

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Quelles autres marques aimez-vous ?
J’adore Simone Rocha. Et j’adore les vêtements vintage. J’adore dénicher des pièces.

Où faites-vous votre shopping ?
Dunno Curated, dans le quartier de Soho, à Londres. Et No Maintenance à Los Angeles. Ils ont des trucs géniaux et ils sont très gentils. Ils savent ce que j’aime et me proposent toujours une sélection.

Enfin, quelles résolutions avez-vous prises pour 2024 (ou laissées pour 2023) ? Qu’aimeriez-vous faire davantage cette année ?
Je veux plus de stabilité, plus de satisfaction et de bonheur en général. Ce qui semble simple, mais qui peut se révéler délicat. La grève [de la SAG-AFTRA] m’a aidé à y parvenir ; elle m’a permis de recadrer certaines choses. Je sais que cette année sera chargée, la grève ayant entraîné des retards, mais je dois commencer à m’écouter un peu plus, à trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Et je ne parle pas de prendre des vacances ou quoi que ce soit. C’est juste que les périodes de grève ont probablement été celles où j’ai été le plus heureux. Je crois que c’était surtout le fait d’être entouré de mes amis et de ma famille. Il faut que je passe plus de temps avec eux.

Sans jamais nous connaître, un film à voir au cinéma dès le 14 février.

Article initialement publié sur Vogue UK

Traduction par Sandra Proutry-Skrzypek

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