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Les sublimes photographies de Paolo Roversi s'invitent au palais Galliera

Paolo Roversi a capturé les visages les plus célèbres du monde. Réputé pour ses photographies en noir et blanc, teintées de nostalgie, il est célébré par le palais Galliera, à l'occasion d’une exposition inédite. Rencontre.
Paolo Roversi Molly Chanel Vogue Italia Paris 2015
Molly, Chanel, Vogue Italia, Paris, 2015© Paolo Roversi

Après le créateur Azzedine Alaïa, c’est au tour du photographe Paolo Roversi de voir sa carrière consacrée par une exposition au palais Galliera en 2024. 50 ans de photographie, de mode, de visages. On dit de lui qu’il est un portraitiste hors-pair, et son travail a d’ores et déjà été loué et exposé à de nombreuses reprises, notamment en Italie ou bien en France, à Hyères. “Dans une photo, je cherche toujours la même chose : dévoiler le mystère de la beauté. Je suis en quête de cette beauté, tout le temps” déclarait-il au micro de France Culture en 2020.

D’origine italienne, Paolo Roversi arrive à Paris avec sa femme en 1973, et séjourne dans un minuscule hôtel rue Delambre, dans le 14ème arrondissement. Cinquante ans plus tard, il a œuvré pour de nombreux magazines, dont Vogue, Égoïste ou encore Luncheon, et plusieurs créateur·ices de mode, comme Yohji Yamamoto ou Rei Kawakubo. Son style est reconnaissable pour ses tonalités douces, ses sépia, ses noir et blanc capturés à la lumière du jour. Dans un parcours qui réunit 140 œuvres, l’exposition du Palais Galliera s’inspire du studio de l’artiste comme d’un théâtre pour accompagner les visiteur·euses de l’ombre à la lumière.

Luca, Alexander McQueen, Paris, 2021© Paolo Roversi
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Des photographies de Paolo Roversi au Palais Galliera en passant par la première exposition personnelle de l’artiste sud-africaine Frances Goodman à la galerie Les filles du Calvaire, Vogue fait le tour des expositions à ne pas manquer durant le mois de mars, à Paris (et ailleurs en France).

Urs Fischer, White Tulip , 2024, panneau en aluminium, nid d’abeille en aluminium, colle en polyuréthane, base époxy, gesso, peinture pour sérigraphie au solvant, peinture pour sérigraphie à l’eau, 139.7 × 111.8 cm

Rencontre avec le photographe Paolo Roversi, exposé au palais Galliera

Vogue. Il s’agit de votre première exposition de grande envergure en France. Êtes-vous familier du palais Galliera ?

Paolo Roversi. Quand on m’a proposé cette idée, j'ai tout de suite accepté. C'est un honneur pour moi d'avoir une exposition dans ce musée. C'est un lieu où j'ai l'habitude d'aller. J'avais déjà participé de loin à des expositions, notamment celle d'Azzedine Alaïa. Cette fois-ci, ça m’a demandé beaucoup de travail, notamment parce que je ne voulais pas faire une rétrospective. Je n’aime pas ce mot, il me vieillit, et je suis déjà bien assez vieux comme ça ! Je voulais proposer un fil conducteur, raconter une histoire.

Vous êtes arrivé à Paris en 1973…

50 ans, vous imaginez ! J'étais venu pour une semaine, je suis là depuis 50 ans. Si j'étais Joséphine Baker, je chanterais : “J'ai deux amours, mon pays et Paris”. J'aime toujours beaucoup l'Italie, d'où je viens, mais j'adore Paris. Je ne pourrais donc pas être plus fier de faire cette exposition au palais Galliera.

Quels sont les lieux vous inspirent le plus dans la capitale ?

Mon studio, avant tout. Et sinon, l'église Saint-Julien-le-Pauvre, derrière la librairie Shakespeare & Company. Là, je me sens vraiment bien. Quand je suis arrivé pour la première fois à Paris, je me rendais le soir dans cette librairie pour prendre des photos. J'avais l'impression d'y être chez moi. Je lisais la poésie d'Allen Ginsberg, j'étais dans ma période Beat Generation.

Quels étaient vos sujets ? Les clients, ou les livres ?

Les deux ! Je prenais beaucoup de photos en mouvement, je les appelais, pour m'encourager : “Les fameuses photographies bougées de Paolo Roversi”. C'est bizarre, c'est une technique qui est restée tout au long de ma vie…

Travaillez-vous mieux la nuit ? C'est l'absence de lumière qui vous intéresse ?

Oui, exactement. Je n'aime pas beaucoup la lumière forte du soleil. On pourrait dire que je suis un vampire…

Parfois, vous utilisez la lumière comme un pinceau.

Tout à fait, j'utilise une technique que l'on appelle “painting lights”. C'est une petite torche de poche que je bouge moi-même comme un pinceau dans l'obscurité. C'est une technique très proche de la peinture, qui produit une lumière que j'aime beaucoup à la fois étrange et unique.

Diriez-vous que votre style a beaucoup évolué au fil des années ?

J'ai beaucoup changé de technique. Mais pour moi, le style ne dépend pas de la technique. Le style d'un photographe, c'est son âme. Peu importe la lumière qu'il utilise, peu importe la caméra… J'ai lu récemment que Diane Arbus s'est trouvée un jour dépourvue car elle avait dû changer de caméra et qu'elle était terrifiée à l'idée de ne plus pouvoir prendre les mêmes photos. J'aurais aimé pouvoir lui dire : “Chère Diane Arbus, peu importe l'appareil que tu achètes, ce seront toujours de très belles photos telles que tu sais les faire”.

Audrey, Comme des Garçons, Paris, 1996© Paolo Roversi

La distinction entre photographie et photographie de mode vous agace-t-elle ?

Ce qui m'agace, c'est de voir la photographie de mode comme une photographie superficielle, commerciale, qui n'aurait rien à dire sur la société. Je trouve que la photographie de mode est très importante, socialement parlant. Je dis souvent : “Il y a les photographes de guerre, et il y a les photographes de paix”. Les photographies de mode sont des photographies de paix, de beauté et de joie de vivre !

Que saviez-vous de la mode en arrivant à Paris ?

Rien ! Seulement quelques grands noms, comme Christian Dior ou Chanel. J'étais un analphabète de la mode. Je me suis éduqué petit à petit, grâce à des amis et aux défilés. C'est un milieu qui m'a immédiatement fasciné. La photographie de mode permet beaucoup de créativité. Elle libère l'imagination. C'est une photographie où se jouent le goût, l'élégance… toutes ces choses qui me tiennent à cœur.

Vous avez photographié des femmes comme Kate Moss ou Natalia Vodianova, dont les visages ont été capturés des centaines de fois. Qu’est-ce qui rend vos clichés si mémorables ?

Il y a quelque chose qui m'obsède, c’est le regard. J'aime beaucoup photographier les mannequins quand elles regardent droit dans l’objectif. Le croisement de regard entre le sujet et le spectateur, c'est très beau, ça peut donner une émotion très forte.

Une autre de vos techniques célèbres est celle du sfumato. À quoi vous sert-elle ?

J'aime toujours m'éloigner le plus possible de la réalité, et mettre le plus de distance possible entre mes images et la réalité. Le flou, le mouvement : ce sont des choses qui me permettent d'emmener l'image dans une dimension différente.

S'éloigner de la réalité, pour mieux dire la vérité ?

Ça c'est une question vraiment tordue ! Mais vous avez tout à fait raison. La vérité ne se trouve pas dans la réalité. Alors bien sûr, un photographe de reportage vous dira le contraire : pour lui, la réalité c'est la vérité. Moi je pense que la vérité se cache plutôt dans la créativité et dans l'imaginaire. Dans l'art, le plus gros des mensonges peut devenir la plus belle des vérités.

Que dites-vous aux jeunes photographes qui viennent chercher conseil auprès de vous ?

J'essaie avant tout de les guider vers la sincérité, le respect d’eux-mêmes et de leurs racines. Par exemple, à un photographe sicilien, je dirais “tu as la chance d'être né dans cette île magnifique, n'oublie pas tes origines”. Respecter ses origines, c'est ce qui compte le plus.

Dans ce cas, les photos de Paolo Roversi sont-elles italiennes ou parisiennes ?

Vous en trouvez des questions, vous ! Qu'est-ce qui vous passe par la tête ? C'est un mélange des deux, évidemment. Mes origines italiennes sont profondes, et je crois que cela se ressent dans ma photographie. Mais elles sont embellies par l'air parisien !

Lida et Alexandra, Alberta Ferretti, Paris, 1998© Paolo Roversi

Paolo Roversi au Palais Galliera, du 16 mars au 14 juillet 2024.

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