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Paul Déjean

Leader communautaire, prêtre séculier, militant antiraciste, auteur engagé (né le 9 janvier 1931 à Port-au-Prince, en Haïti; décédé le 22 novembre 2005). Il est l’un des grands leaders de la communauté haïtienne de Montréal et de toute la diaspora haïtienne.

Éducation

Paul Déjean fait ses études primaires et secondaires dans sa ville natale de Port-au-Prince, à l’Institution Saint-Louis de Gonzague. En 1949, il voyage aux États-Unis où il entame des études en philosophie, études qu’il poursuit à Ottawa à partir de 1954. Il décroche deux diplômes, l’un en philosophie, l’autre en théologie. Ordonné prêtre, Paul Déjean rentre en Haïti en 1955. Il enseigne dans une école secondaire à Camp-Perrin, ville située dans le sud du pays. En 1961, bénéficiant d’une bourse du gouvernement français, il part à Paris pour entamer des études en anthropologie et en linguistique. De retour à Port-au-Prince en 1966, Paul Déjean devient un prêtre séculier. De 1966 à 1969, il fonde et dirige dans la capitale un foyer qui aide les jeunes venant des différentes régions du pays. Mais le 15 août 1969, il est expulsé d’Haïti par le gouvernement du dictateur François Duvalier. Il se réfugie d’abord en Suisse où il enseigne à l’école secondaire pendant deux ans. Il se rend par la suite à Montréal où il enseigne à la commission scolaire Sainte-Croix de 1971 à 1972. Après ce court passage dans l’enseignement, il se consacre entièrement aux enjeux communautaires.

Militantisme social et communautaire : Un homme de tous les combats

À partir de 1972, Paul Déjean s’engage pleinement dans l’organisation et les différentes luttes que mène la communauté haïtienne de Montréal, alors en plein développement. Avec Karl Lévêque, il fonde, le 12 novembre 1972, le Bureau de la communauté chrétienne des Haïtiens de Montréal (BCCHM), organisme qu’il dirigera jusqu’en 1986. L’organisme procure différents services aux immigrantes et immigrants d’origine haïtienne qui viennent d’arriver au Québec. (Voir Immigration au Canada.) Mais les activités du BCCHM ne s’arrêtent pas là. Dès 1972, Paul Déjean entame une lutte systématique en vue de faire obstacle à la décision du gouvernement canadien de déporter près de 1 500 personnes d’origine haïtienne. Ce groupe se trouvait en situation d’immigration irrégulière en raison d'un changement dans la politique d’immigration canadienne. Il s’implique également dans la lutte contre la brutalité policière.

Défense des chauffeurs de taxi haïtiens

À la fin des années 1970 et au début des années 1980, des chauffeurs de taxi haïtiens sont victimes d’un racisme ouvert. Sous prétexte que la clientèle blanche refuse d’être servie par des Noirs, certaines compagnies de taxi congédient des chauffeurs haïtiens. Pour faire face à cette situation, les chauffeurs haïtiens fondent en mars 1982 l’Association haïtienne des travailleurs du taxi. L’objectif consiste à défendre les intérêts de ses membres et dénoncer le racisme à l’égard des « minorités surtout visibles ». (Voir Minorité visible.) L’année suivante, l’Association soumet un mémoire à la Commission des droits de la personne. Elle dénonce la discrimination dont ses membres sont victimes.

Le BCCHM, sous le leadership de Paul Déjean, apporte son aide aux chauffeurs haïtiens.  L’organisme communautaire demande au gouvernement du Québec d’entreprendre des actions afin d’assurer le respect des droits des chauffeurs haïtiens au travail. Des manifestations sont organisées. Finalement, ces compagnies ayant des politiques discriminatoires envers les chauffeurs haïtiens sont obligées de payer des amendes. (Voir La lutte des chauffeurs de taxi haïtiens contre le racisme des années 1970 et 1980 à Montréal.)

Dénonciation de la décision de la Croix-Rouge

En mars 1983, une autre discrimination frappe cette fois-ci toute la communauté haïtienne. La Croix-Rouge canadienne déconseille fortement aux Haïtiennes et Haïtiens récemment arrivé(e)s au pays de donner leur sang. Selon la Croix-Rouge, cette cohorte est soupçonnée d’être porteuse du virus du sida. L’organisme ne donne cependant aucune preuve pour justifier un tel soupçon. Cette interdiction est publiée dans les médias à l’échelle du Canada. Au cours de la décennie 1980, on ne distingue plus les Haïtiennes et Haïtiens récemment arrivé(e)s de celles et ceux qui étaient établi(e)s au Canada (la grande majorité au Québec) depuis des dizaines d’années. La discrimination et les préjugés touchent toute la communauté. À cause de cela, plusieurs Haïtiennes et plusieurs Haïtiens perdent leur emploi. Celles et ceux qui travaillent dans la restauration et l’hôtellerie sont particulièrement touché(e)s.

Paul Déjean s’engage à fond dans la lutte pour dénoncer cette discrimination. Il cofonde le Comité conjoint haïtien sur le SIDA, en collaboration avec la Maison d’Haïti, l’Association des médecins haïtiens à l’étranger (AMHE) et le Ralliement des infirmières et infirmières auxiliaires haïtiennes de Montréal. Dans un premier temps, sous le leadership de Paul Déjean, le Comité fait pression sur le ministère fédéral de la Santé afin qu’il retire la communauté haïtienne de la liste des personnes considérées comme ayant de forts risques d’être porteuses du virus du sida. D’autres moyens de pression sont utilisés, particulièrement par Paul Déjean qui entreprend une correspondance avec la ministre de la Santé à l’époque, Monique Bégin. Dans ses lettres, Paul Déjean dénonce la décision de la Croix-Rouge comme étant une décision sans fondement et discriminatoire. Il incite la ministre à prendre des actions afin d’exiger à la Croix-Rouge de changer sa position par rapport à la communauté haïtienne.

Retour en Haïti et décès

Deux semaines après la chute de la dictature de Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986, Paul Déjean rentre dans son pays d’origine. Jean-Claude Duvalier avait succédé à son père, François Duvalier, décédé en 1971. De retour en Haïti, Paul Déjean continue sans relâche ses activités militantes. Il contribue à la création de l’Institut Culturel Karl Lévêque (IKCL), en mémoire de son ami et compagnon de lutte (voir Karl Lévêque). L’Institut a pour objectifs de dénoncer et lutter contre les injustices sociales. En 1990, il est nommé ministre des Haïtiens vivant à l’étranger et secrétaire d’État à l’alphabétisation.

Après une brève visite à Montréal, il rentre dans son pays et décède le 22 novembre 2005. Il était considéré comme un pilier de la communauté haïtienne de Montréal.

Publications

En tant qu’auteur, Paul Déjean publie de nombreux ouvrages comme Les Haïtiens au Québec (1978), Communauté haïtienne et racisme (1986) et D’Haïti au Québec (1990).

Prix et distinctions

En 1985, le militantisme de Paul Déjean lui mérite le prix des communautés culturelles décerné par le ministre Gérard Godin.

Depuis 2015, une place dans le parc Armand-Bombardier dans l’arrondissement montréalais de Rivière-des-Prairies est consacrée à sa mémoire.