Project Mémoire

Nina Rumen (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Interview avec Nina Rumen. Nina Rumen a été infirmière militaire dans le Corps de santé royal canadien, puis dans les Services de santé des Forces canadiennes.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Le Projet Mémoire, Historica Canada
Le Projet Mémoire, Historica Canada
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Transcription

Je m’appelle Nina Rumen. J’ai été infirmière militaire dans le Corps de santé royal canadien puis dans le SSFC de 1951 à 1974.

Ma première affectation a été à Kingston, en Ontario, en 1951. J’avais été confiée à une gentille dame qui est morte tout récemment. La première chose qu’elle m’a demandé de faire a été de donner de la pénicilline à vingt-cinq jeunes hommes à l’arrière du bloc opératoire. Bien sûr, je savais comment donner de la pénicilline. « Pourquoi en prennent-ils? » « Parce que le médecin l’a prescrit. » « Pourquoi en a-t-il prescrit? » « Parce qu’ils ont la gonorrhée! » À l’époque, il n’y avait pas de consultations externes et les médicaments devaient être administrés toutes les trois heures. Vingt-cinq paires de fesses à l’air! Ils étaient littéralement prisonniers, car ils faisaient partie de l’armée et devaient faire ce qu’on leur disait. La chanson I’m a Prisoner of Love (je suis prisonnier de l’amour) était populaire en 1951, et ils se sont donné ce même nom, les prisonniers de l’amour.

J’ai également été affectée à Churchill, dans le Manitoba, à la baie d’Hudson, et le navire-hôpital C.D. Howe s’est rendu là-bas pour dire aux Autochtones (les Esquimaux, comme on les appelait à l’époque) ce dont ils avaient besoin. On a décrété qu’à chaque avion qui se rendait dans un village esquimau, les femmes enceintes devaient être amenées dans les hôpitaux militaires de Churchill. Nous avions quelques femmes qui attendaient un enfant.

Il était important pour le personnel médical de connaître la date prévue de l’accouchement, mais nous ne parlions pas la langue des Esquimaux et ils ne parlaient pas l’anglais. Nous avons donc fait appel à un prêtre catholique qui parlait leur langue pour leur demander quand leur bébé devait naître. Ils levaient leurs doigts et nous mesurions avec une règle. « Quand la glace aura cette épaisseur. » Nous téléphonions ensuite au météorologue, c’était très efficace.

Une jeune Esquimaude attendait son premier enfant, et c’était une belle jeune femme. Au milieu de la nuit, on m’a appelée parce que j’étais de garde en tout temps pour toutes les maternités et obstétriques. J’ai donc mis cette femme sur une civière, je l’ai sortie et j’ai réussi à la transférer toute seule de la civière à la table d’accouchement. J’essayais de lui mettre les pieds dans les étriers pour l’accouchement. L’infirmière de garde appelait le médecin militaire, Bob Elliot. Il est arrivé très peu de temps après alors qu’elle luttait encore pour éviter qu’on lui mette les jambes dans les étriers. Bob est arrivé et je lui ai demandé de la surveiller, car elle ne voulait rien savoir des étriers. Je voulais me préparer à l’accouchement vu qu’elle était prête. Le temps où j’ai eu le dos tourné pour m’occuper de ce que j’avais à faire, elle est sortie de la table et s’est accroupie dans le coin. Bob Elliot a donc imaginé que ce serait bien de lui montrer, donc il s’est installé dans les étriers. J’observais la dame pendant ce temps. Elle s’est mise à rire et a poussé un grognement et j’ai attrapé le bébé alors qu’elle était accroupie dans le coin. Bien sûr, le lendemain, il a fallu que j’en parle. J’ai raconté à tout le monde ce qui s’était passé. Plusieurs médecins étaient sur place et ils disaient : « Bob, vous êtes peut-être notre patron, vous êtes peut-être celui qui a le plus d’ancienneté, mais il faut que vous sachiez, c’est le patient qui va dans les étriers, pas le médecin! »