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Les monuments des deux grandes guerres

Depuis la fin de la Première guerre mondiale, les monuments aux Canadiens morts dans des conflits à l'étranger ont occupé une place prépondérante dans notre paysage urbain et culturel.
Memorial Avenue
Memorial Avenue, Saskatoon (avec la permission du ministère du Patrimoine canadien).
Monument du flambeau
Monument du flambeau, à Vimy, en France (photo de Jacqueline Hucker).
Cimetière de Ross Bay
Cimetière de Ross Bay, île de Vancouver. Le monument commémoratif de la marine porte le nom de 39 officiers et marin disparus en mer. De ce nombre, 36 faisaient partie du NCSM Galiano qui coula le 30 octobre 1918 (photo de Jacqueline Hucker).\r\n\r\n
Parc commémoratif de Beaumont-Hamel
Parc commémoratif de Terre-Neuve à Beaumont-Hamel, en France (photo de Jacqueline Hucker).
Cimetière de guerre de Cassino
Cimetière de guerre de Cassino, en Italie (Commission des sépultures de guerre du Commonwealth) (photo de Jacqueline Hucker).
Monument commémoratif d
Monument commémoratif d'Halifax (photo de Jacqueline Hucker).
Mémorial de Saint-Julien
Mémorial de Saint-Julien (photo de Jacqueline Hucker).
Monument de l
Ottawa (photo de Jacqueline Hucker).
Chapelle du souvenir, édifices du Parlement
Le panorama par Denis Tremblay, Labtex Inc.
Sculpture
Monument commémoratif de guerre du Canada, à Ottawa. Place de la Confédération (avec la permission de Parcs Canada; photo de B. Morin).
Monument commémoratif
Monument commémoratif de guerre du Canada, à Ottawa. Place de la Confédération (avec la permission de Parcs Canada; photo de B. Morin).

Depuis la fin de la Première guerre mondiale, les monuments aux Canadiens morts dans des conflits à l'étranger ont occupé une place prépondérante dans notre paysage urbain et culturel. La plupart ont été érigés dans les années 20 et 30 et soulignent notre engagement à ne jamais oublier les vies canadiennes sacrifiées pendant la Première Guerre. Les pertes de vies canadiennes pendant la Deuxième guerre mondiale ont contribué à renforcer cet engagement. À une époque où peu de monuments sont érigés à la mémoire de héros nationaux contemporains ou de grands événements historiques, les monuments aux morts conservent le pouvoir d'effacer le temps et de préserver le souvenir de ceux qui ont donné leur vie pour la patrie.

Le monument officiel aux morts, qui veut honorer la mémoire de tous ceux qui sont tombés au combat, est un phénomène issu de la Première Guerre mondiale. Des cénotaphes individuels existaient déjà, mais il y avait peu de monuments nationaux pour honorer les soldats britanniques et canadiens morts au champ. La violence sans précédent de la Première Guerre mondiale exigeait une nouvelle forme de commémoration et, sauf de rares exceptions, elle s'est concrétisée dans les monuments aux morts. Au lieu de glorifier la guerre, on tentait d'exprimer de façon permanente et digne l'étendue incommensurable du sacrifice humain de 1914 à 1918.

En mai 1920, un comité spécial de la Chambre des communes recommande l'érection de monuments permanents en France et en Belgique pour rappeler les exploits des troupes canadiennes pendant la Première Guerre mondiale. On établit par la suite la Canadian War Memorials Commission (CWMC) pour surveiller l'érection de huit monuments sur le site de certaines batailles : le Monument commémoratif de Saint-Julien, le Monument commémoratif de la côte 62 (Bois du Sanctuaire) et le Monument commémoratif de Passchendaele en Belgique; le Monument commémoratif de Courcelette, le Monument commémoratif de Vimy, le Monument commémoratif de Le Quesnel, le Monument commémoratif de Dury et le Monument commémoratif du Bois de Bourlon en France.

Le Canada, dont la population est d'environ huit millions d'habitants en 1920, est affecté par la perte de 60 661 jeunes militaires pendant la Première Guerre mondiale. Il incombe alors à l'Imperial War Graves Commission, l'IWGC (devenue la Commonwealth War Graves Commission en juin 1964) d'inhumer les victimes et de leur assurer une sépulture honorable. La Commission regroupe la Grande-Bretagne, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Inde, l'Afrique du Sud et la colonie britannique de Terre-Neuve. Grâce aux efforts combinés de l'IWGC et de la CWMC, le Canada participe officiellement, pour la première fois, à l'inhumation de ses militaires morts à l'étranger ou au pays, et de la commémoration de leur souvenir.

L'IWGC formule cinq grands principes qui sont approuvés par la Conférence impériale de 1918 : les corps ne doivent pas être rapatriés (les militaires doivent être inhumés ensemble au champ d'honneur); dans un même cimetière, aucune distinction ne doit exister entre les tombes des officiers et celles des simples soldats; aucun cénotaphe individuel ne doit être érigé sur les champs de bataille; chaque soldat doit recevoir un hommage personnalisé; les monuments aux morts doivent être permanents. Ces principes expriment la conviction que la mémoire de chaque soldat doit être honorée pour le rôle qu'il a joué au cours d'un événement d'héroïsme collectif. Cette idée fait son chemin d'un pas ferme depuis la guerre de Crimée et la guerre de Sécession aux États-Unis. Ces principes de commémoration orientent la conception des monuments commémoratifs de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale et continuent de régir l'inhumation des militaires du Commonwealth partout dans le monde.

L'IWGC, responsable de tous les cimetières militaires des pays membres du Commonwealth, emploie des architectes et des paysagistes britanniques accomplis pour donner forme à la tâche d'honorer la mémoire des morts. Les cimetières militaires se repèrent facilement avec leurs pierres tombales blanches identiques et bien alignées dans un aménagement paysager habituellement impeccable et séparé des environs par des murets. Tous les soldats, même les plus humbles, ont une Croix du Sacrifice, un monument conçu pour les cimetières militaires par Sir Reginald Blomfield. Les grands cimetières possèdent également un Monument du Souvenir, conçu par Sir Edwin Lutyens, l'architecte le plus créateur de l'IWGC.

Les monuments à l'étranger

Devant le manque de monuments commémoratifs collectifs, la CWMC décide de choisir par voie de concours les projets de monuments aux Canadiens à ériger à l'étranger. Les directives de conception stipulent que les monuments doivent être très visibles, permanents, accentués de personnages et agencés à un aménagement paysager. Un projet soumis par le sculpteur torontois Walter S. Allward est retenu comme le monument type par excellence pour commémorer le rôle du Canada à l'étranger pendant la Première Guerre mondiale. On projette de l'installer au point le plus élevé de la Crête de Vimy, afin de rappeler la victoire mémorable du Corps d'armée canadien qui, combattant en unité pour la première fois, parvient à s'emparer de la crête en avril 1917. La construction de la structure débute en 1925, et le monument est dévoilé en juillet 1936.

Sur le Monument commémoratif de Vimy, une structure élancée surplombant la plaine du Douai, on peut lire l'inscription suivante : « À la vaillance de ses fils pendant la Grande Guerre et en mémoire de ses soixante mille morts, le peuple canadien a élevé ce monument. » Le monument est exécuté dans le style classique et moderne que préconise l'IWGC. L'art dont il s'inspire est ancré dans la tradition. Les 20 personnages héroïques qui ornent le monument symbolisent le sentiment de perte tragique ressenti par le pays tout entier. Le groupe de personnages condamne les démons de la guerre et témoigne des grandes vertus auxquelles aspire le Canada. Le personnage principal, dont le regard est dirigé vers un tombeau de pierre drapé de branches de laurier, représente l'Esprit du Canada pleurant ses enfants emportés par la guerre. En plus de véhiculer les besoins psychologiques d'un peuple, le monument allie l'iconographie et la composition classiques à l'influence de l'expressionnisme européen contemporain pour créer une oeuvre originale de facture moderne. Le personnage isolé devient plus poignant encore par la proximité du cimetière canadien no 2 où se trouvent les pierres tombales de 2904 soldats du Commonwealth, dont 695 Canadiens.

Le besoin d'honorer la mémoire d'un demi-million de soldats de l'Empire britannique sans sépulture connue est crucial pour l'IWGC qui, après de multiples délibérations, conclut qu'il est approprié d'inscrire le nom de chaque soldat sur de grands monuments commémoratifs. Les noms de 11 287 Canadiens décédés en France, et sans sépulture connue, sont soigneusement gravés sur les parois du Monument commémoratif de Vimy. La liste, par ordre alphabétique, ne fait aucune distinction entre les officiers et les simples soldats. Tout comme les alignements soignés de pierres tombales dans les cimetières, le nombre de noms souligne l'étendue du carnage. Les noms des 6940 Canadiens disparus dans le saillant d'Ypres en Belgique figurent sur les parois de la Porte de Menin, le principal monument de l'Empire britannique dédié aux militaires défunts sans sépulture connue. Les noms de 64 marins canadiens disparus en mer par suite du bombardement ou du torpillage de leurs navires sont inscrits sur le Monument commémoratif de Hollybrook, près de Southampton, en Angleterre. Les noms de 46 aviateurs canadiens sont gravés sur le Monument commémoratif des aviateurs au cimetière du faubourg d'Amiens, en France. L'IWGC supervise l'érection de ces deux derniers cénotaphes.

Le recensement de tous les noms des disparus à la guerre est en relation étroite avec la vénération dont le Soldat inconnu fait l'objet. Le Soldat inconnu, qui représente le grand nombre d'hommes et de femmes qui ont sacrifié leur vie au service des forces armées du Commonwealth britannique, est le seul soldat britannique dont le corps ait été rapatrié après la Première Guerre mondiale. Il est inhumé à l'Abbaye de Westminster dans un tombeau consacré.

La CWMC adopte un projet soumis par Frederick Chapman Clemesha, un sculpteur de Regina et un ancien membre du Corps d'armée canadien, pour identifier les sept lieux de batailles des Canadiens qui subsistent en France et en Belgique. La sculpture, d'une hauteur de 11 m, est surmontée d'un soldat à la tête penchée dans un geste de recueillement. Il semble partager la même introspection mélancolique que les personnages du Monument commémoratif de Vimy. Une fois le monument érigé à Saint-Julien, près de la route principale qui relie Ypres à Bruges, son impact saisissant amène les membres du jury à remettre en question la décision d'en faire des répliques aux six autres lieux de batailles. Ils craignent que sa reproduction en diminue l'effet. Les autres lieux sont donc identifiés par un simple bloc de granit de Stanstead dans un jardin aménagé. À l'achèvement des travaux, au milieu des années 1920, ces lieux représentent autant de maillons de la grande chaîne des monuments commémoratifs qui comprend plus de 900 cimetières du Commonwealth. Du coup, le front est transformé sur toute sa longueur en via dolorosa ou chemin du souvenir.

Terre-Neuve, qui ne faisait pas encore partie du Canada à l'époque de la première grande guerre, a droit à ses propres cénotaphes à l'étranger. Les exploits du Royal Newfoundland Regiment ont valu à la petite colonie britannique le Monument commémoratif de Beaumont-Hamel, le Monument commémoratif de Gueudecourt, le Monument commémoratif de Monchy-le-Preux et le Monument commémoratif de Masnières en France et le Monument commémoratif de Courtrai en Belgique. Chacune de ces structures consiste en un cairn de granit de Terre-Neuve dont la forme rappelle un butte de terre servant de base naturelle à un majestueux caribou de bronze, l'emblème du Royal Newfoundland Regiment. Les bois et la tête de l'animal sont tendus vers le ciel. Les monticules sont entourés de plantes provenant de Terre-Neuve. À Beaumont-Hamel, au premier jour de la bataille de la Somme, le 1er juillet 1916, le Régiment est anéanti par le feu nourri de l'ennemi alors qu'il avance sur les collines exposées. Sur le cairn, trois plaques de bronze portent les noms des 814 membres du Royal Newfoundland Regiment, de la Newfoundland Royal Naval Reserve et de la Marine marchande qui ont perdu la vie pendant la Première Guerre mondiale et qui n'ont pas de sépulture connue. Terre-Neuve, qui comptait alors moins de 250 000 habitants, a envoyé 8500 militaires et marins à l'étranger. Mille cinq cents y ont laissé leur vie. Leurs noms sont inscrits sur le Monument commémoratif de Terre-Neuve à St. John's. Au 1er juillet de chaque année, une cérémonie marque l'anniversaire de la bataille de Beaumont-Hamel.

Les monuments au Canada

Au Canada, le gouvernement a érigé cinq monuments nationaux : trois à Ottawa, les autres à Halifax et à Victoria. Un concours est à l'origine du cénotaphe national érigé dans la capitale en 1925 en mémoire des Canadiens qui ne sont jamais revenus de la guerre. Le projet choisi, soumis par le sculpteur britannique Vernon March et intitulé « La réponse généreuse du Canada », dépeint des hommes et des femmes en uniforme représentant tous les corps d'armée et passant délibérément sous un arc de victoire en granit. Cette combinaison d'art figuratif réaliste et de formes architecturales simplifiées est le reflet de la transition qui s'effectue dans l'art des monuments dans la foulée du mouvement de l'art moderne. Le monument commémoratif est dévoilé au printemps 1939. Chaque année, au jour du Souvenir, une cérémonie commémore ceux qui ont donné leur vie pour leur pays.

La Chapelle du Souvenir, située dans la tour de la Paix des édifices du Parlement, est le deuxième monument aménagé à Ottawa. Conçue par l'architecte John Pearson, elle rappelle les chapelles médiévales parées de pierres précieuses et, comme ces structures anciennes, prend toute sa force évocatrice dans l'effort collectif des artistes et artisans dont les ouvrages ornent l'endroit. Les plans prescrivaient d'abord que les noms des 66 655 Canadiens morts à la guerre entre le 4 août 1914 et le 30 avril 1922 (date de la dernière démobilisation des Forces armées expéditionnaires canadiennes) soient gravés dans les murs de pierre de la chapelle. L'espace se révélant restreint, on décide de créer un Livre du Souvenir qui renfermerait tous les noms. Le Livre du Souvenir, un écho des monuments aux morts des champs de bataille, est déposé sur un autel de pierre. Dans les vitraux, un personnage représentant le Canada regarde l'autel. Le troisième monument d'Ottawa, le Monument commémoratif des infirmières militaires, se trouve dans l'édifice du Centre sur la Colline du Parlement. Une plaque de marbre sur le mur du Hall d'Honneur raconte l'histoire des infirmières depuis les débuts du Canada jusqu'à la Première Guerre mondiale. Elle a été conçue par G.W. Hill de Montréal.

Le souvenir des 415 Canadiens de la marine de guerre et de la marine marchande qui ont péri dans l'océan Atlantique pendant la Première Guerre mondiale est commémoré au parc de Point Pleasant d'Halifax. Gravement endommagé, le monument d'origine est remplacé à deux reprises. La structure actuelle, érigée en 1969, consiste en une grande Croix du Sacrifice sur laquelle sont inscrits les noms des 3257 Canadiens, hommes et femmes, qui ont péri en mer au cours des deux grandes guerres.

Situé au cimetière Ross Bay dans l'île de Vancouver, le Monument commémoratif de Victoria commémore le souvenir de ceux qui ont péri dans le Pacifique. Il est aménagé dans une zone distincte réservée au cimetière militaire et est agencé selon les directives de l'IWGC. C'est un des nombreux cimetières au pays où sont enterrés des militaires décédés au Canada à la suite de blessures subies à l'une des guerres mondiales.

Le cimetière Brookside de Winnipeg, qui contient plus de 6500 militaires comprend plus de 470 sépultures de guerre. C'est le seul cimetière canadien à posséder un Monument du Souvenir. Il a été inauguré en 1960 par la CWGC en l'honneur des marins, des militaires et des aviateurs du Commonwealth qui ont servi dans les deux guerres mondiales et qui sont enterrés au Canada.

La multiplication des monuments aux morts

La décision de ne pas rapatrier les corps des soldats morts à l'étranger a eu un impact significatif au Canada, où presque aucune collectivité ou institution canadienne n'a été épargnée par le bilan de la Première Guerre mondiale. Au début des années 1920, des monuments sont élevés dans les villes et villages d'un océan à l'autre. Les grandes entreprises, les institutions religieuses et éducatives et les regroupements de travailleurs ressentent le besoin de commémorer la mémoire de collègues victimes de la guerre, que ce soit en dressant un monument ou en installant une plaque commémorative. Plusieurs villes canadiennes, dont Montréal, Toronto, Hamilton, Victoria et Vancouver, optent pour un cénotaphe qui s'inspire du monument commémoratif de Lutyen à Whitehall à Londres. Les petites villes préfèrent souvent des inscriptions gravées dans le granit, des fontaines commémoratives, des arcs, une version de la Croix du Sacrifice de Blomfield ou des monuments de pierre ou de bronze ornés de personnages.

Plusieurs sculpteurs canadiens talentueux ont reçu des commandes pour des monuments. Les oeuvres qui en ont résulté renforcent la conviction que chaque personne mérite d'être honorée. Emanuel Hahn, un ancien assistant au studio de Walter S. Allward et concepteur en chef chez Thompson Monument Company, réalise plusieurs monuments, dont deux variations sur le thème du soldat jaillissant d'une tranchée. L'une de ces variations est une commande pour Saint-Lambert au Québec, tandis que l'autre, qui représente un personnage en état de recueillement, Tommy in his Greatcoat, est aménagée à Lindsay, en Ontario. Le héros agonisant est également le sujet de plusieurs monuments commémoratifs, mais aucun n'est aussi poignant que la version créée pour le Canadien Pacifique par le sculpteur montréalais Coeur de Lion MacCarthy. Celle-ci représente l'Ange de la victoire qui soulève un jeune soldat à l'agonie pour l'emporter vers les cieux. Le monument se trouve à Montréal, à Winnipeg et à Vancouver en mémoire des 1115 employés du CP tués à la guerre.

Parmi les monuments commémoratifs non conformistes, on compte la réplique du monument de Saint-Julien de Clemesha, incorporée au cénotaphe conçu par R.W.G. Heughan et érigée au parc Victoria, à Regina, en 1926, et le monument d'Allward, « Valour Defeating Barbarism », à Peterborough. Tout comme le Monument commémoratif des infirmières militaires, celui de Florence Wyle, élevé sur le terrain de l'Hôpital général de Toronto en souvenir de l'infirmière Edith Cavell, tient du précédent dans la commémoration des contributions des femmes en période de guerre.

Un autre genre de monument fait son apparition après la Première Guerre mondiale : la tour commémorative. La tour de la Paix à Ottawa en est l'exemple le plus illustre. Aussi dignes de mention, sont la Soldiers Tower, de style gothique, à la Hart House de l'U. de Toronto (Sproatt et Rolph), la Tour commémorative du comté de Norfolk à Simcoe et la tour Seaman's de Montréal. La Soldiers Tower de Hart House avoisine un lieu qui, avec son toit en voûte, rappelle la promenade d'un cloître médiéval. Sur cette tour sont gravés les noms des anciens étudiants et du personnel de l'université qui sont morts à la guerre. Tout comme pour la Chapelle du Souvenir, à Ottawa, la qualité de l'hommage rendu repose en grande partie sur la beauté de la calligraphie et du travail des artisans. La tour de Simcoe et la tour de la Paix possèdent toutes deux un carillon, une caractéristique qui rappelle les clochers dont le carillonnement se répercutait à travers les champs de France et de Flandres.

L'environnement joue un rôle important dans la conception d'un monument aux morts. Peut-être à cause de la conviction qu'un monument commémoratif traditionnel ne peut réussir à rendre l'ampleur et l'horreur de la catastrophe engendrée par la Première Guerre mondiale, le site de la crête de Vimy a conservé les tranchées du champ de bataille, un tunnel et les cratères formés par les mines. Certains ont même été reconstruits en béton pour les faire durer. Les monuments commémoratifs de Terre-Neuve à l'étranger sont conçus de manière à évoquer le paysage de cette île. Par contre, à Beaumont-Hamel, le plus important parc de champ de bataille établi à la mémoire des Terre-Neuviens, on a préservé les vastes tranchées, les trous d'obus et les cratères. Avec la crête de Vimy, Beaumont-Hamel demeure un des rares endroits où, en France et en Belgique, les visiteurs peuvent voir un champ de bataille de grande guerre quasi intact.

Le design de la Chapelle du Souvenir d'Ottawa a été influencée par cette idée de préserver les champs de bataille. En effet, ses murs sont recouverts de pierre et de marbre de France et de Belgique, et le sol est pavé de pierres façonnées provenant des champs où les Canadiens ont combattus jusqu'au dernier souffle. Non seulement le champ est-il préservé, on rapporte symboliquement au Canada le sol où les jeunes Canadiens ont versé leur sang. Il en est de même au Garden of the Unforgotten d'Oshawa, qui est monté en pierres provenant de divers champs de bataille, dont une, de l'Abbaye de Westminster où repose le Soldat inconnu - un concept issu de la Première Guerre mondiale.

La tranquillité champêtre des cimetières militaires et des lieux commémoratifs à l'étranger constitue un contraste délibéré avec des paysages dévastés par la guerre, comme le saillant d'Ypres et la Somme. Au Canada, la régénération symbolique des terres mises à feu et à sang s'exprime dans les chemins du Souvenir à trois voies bordées d'arbres, telle la Next of Kin Memorial Avenue de Saskatoon, tout comme dans les nombreux parcs aménagés pour les monuments aux morts. Celui de Welland Growland fait partie intégrante d'un plan régional de mise en valeur des terres le long du canal Welland. Conçu par Elizabeth Wyn Wood, ce monument met en scène, dans un décor canadien, deux personnages héroïques, l'homme protecteur et la femme généreuse. Il est destiné à être vu et compris par les voyageurs à bord des bateaux qui franchissent le canal. Ironie du sort, le Monument a été dévoilé le 2 septembre 1939, un jour avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.

Les monuments aux morts multinationaux

En 1945, les pays membres du Commonwealth agissent de concert lorsqu'ils décident d'ériger des monuments collectifs à l'étranger en l'honneur de leurs disparus. Lorsque possible, les monuments sont disposés dans des cimetières militaires près du théâtre des opérations. Bien que le style de ces monuments demeure ancré dans la tradition classique amorcée par l'IWGC, on introduit, à l'occasion, de nouveaux matériaux et des styles modernes. Plus de six monuments commémoratifs érigés en Europe par la CWGC rendent hommage aux militaires canadiens : le Monument commémoratif de Cassino, Italie (194 noms); le Monument commémoratif de Bayeux en Normandie, France (270 noms); le Monument commémoratif de Groesbeek, Pays-Bas (103 noms); le Monument commémoratif de Runnymede, près de Londres en Angleterre; le Monument commémoratif de Brookwood, au cimetière de Brookwood de Londres (199 noms); le Monument commémoratif de Malte (285 membres de l'Aviation royale du Canada). Au-delà de l'Europe, les noms de 213 aviateurs apparaissent sur le Monument commémoratif d'El Alamein en Égypte; les noms de 228 Canadiens tombés en défendant Hong-Kong se trouvent sur le Monument commémoratif de la baie de Sai Wan, et les noms de 191 aviateurs canadiens sont inscrits sur le Monument commémoratif de Singapour.

La commémoration se poursuit

À Ottawa, la CWGC construit un monument en souvenir des 809 hommes et femmes des forces aériennes du Commonwealth qui sont victimes de la Deuxième Guerre mondiale au Canada, aux États-Unis et dans les terres et les mers avoisinantes et qui sont sans sépulture connue. En forme de sphère de bronze surmontée d'un oiseau de proie aux ailes déployées, ce monument présente une image plus contemporaine de la CWGC. Le Monument commémoratif d'incinération, qui se trouve aussi à Ottawa, est un lieu protégé qui honore la mémoire des militaires canadiens qui sont morts au Canada et aux États-Unis et qui ont été incinérés. Les règles qui régissent les cimetières militaires n'ayant jamais changé, la CWGC a commencé à restaurer les cimetières endommagés et en a créé de nouveaux en utilisant des pierres tombales et des monuments funéraires du même style. Comme par le passé, les cimetières sont parfaitement aménagés et entretenus.

Le Parlement du Canada décide d'honorer la mémoire de ceux et celles qui ont servi le pays jusqu'à la mort au cours de la Deuxième Guerre mondiale en bâtissant les Édifices commémoratifs de l'Est et de l'Ouest (d'abord appelés Édifices commémoratifs des anciens combattants) près du Parlement à Ottawa. Construits entre 1949 et 1956, ces édifices sont réunis par une arche commémorative portant l'inscription suivante : « Tous ces hommes furent honorés par leurs contemporains; tous ont été la gloire de leur temps ». En 1957, un Livre du Souvenir est ajouté dans la Chapelle du Souvenir pour commémorer la mémoire de 44 893 militaires qui ne sont pas revenus de la Deuxième Guerre mondiale. Partout au pays, les noms des récents disparus sont ajoutés sur les monuments existants. De temps à autre, on érige de nouveaux monuments, mais les localités préfèrent honorer la mémoire de leurs citoyens en construisant des édifices publics commémoratifs.

Les monuments aux morts conservent leur pouvoir évocateur et leur symbolisme. C'est particulièrement vrai des cimetières, où l'approche choisie par l'IWGC pour honorer la mémoire des victimes, demeure inégalée jusqu'à ce jour. C'est également le cas pour le Monument aux disparus et le Livre du Souvenir. Ces trois formes de commémoration ont été adoptées pour rendre hommage aux 516 Canadiens morts en Corée en service dans les forces armées de l'Organisation des Nations Unies. Leurs noms sont commémorés dans le Livre du Souvenir disposé dans la Chapelle du Souvenir en 1962. Ils sont aussi immortalisés au Cimetière commémorant les morts des Nations Unies à Pusan, en Corée, où reposent les dépouilles de 378 Canadiens et où les noms de 16 Canadiens sont gravés sur les plaques commémoratives aux disparus.

En 1982, le Monument commémoratif de guerre du Canada est redédicacé à la mémoire de tous les Canadiens ayant servi le Canada en temps de guerre. Les années 1939-1945 et 1950-1953 sont ajoutées au monument. Plus récemment, en 1994, des Livres du Souvenir ont été dédiés aux 2363 Terre-Neuviens morts à la guerre entre 1914 et 1949 et dans la Marine marchande. Malgré les remises en question au sujet de la valeur de la guerre, ceux et celles qui ont sacrifié leur vie pour la patrie demeurent des héros, et les principes établis après la Première Guerre mondiale et incarnés dans les monuments commémoratifs sont l'assurance de l'engagement national à ne jamais oublier.

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