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Autonomie gouvernementale des Autochtones

L’autonomie gouvernementale des Autochtones est la structure officielle grâce à laquelle les communautés autochtones peuvent contrôler l’administration de leurs membres, de leurs terres, de leurs ressources et des programmes et politiques connexes par l’intermédiaire d’ententes passées avec les gouvernements fédéral et provinciaux.

Autonomie gouvernementale des Autochtones
Les négociations du traité entre le Canada, la Colombie-Britannique et la Nation Tla'amin se concluent le 21 octobre 2011. Se tournant vers l'avenir avec une autonomie gouvernementale, les jeunes de la Nation Tla'amin placent des souvenirs dans une capsule de temps, pour célébrer l'introduction d'une législation provinciale ratifiant le traité Tla'amin. La premi\u00e8re ministre provinciale Christy Clark, la ministre des relations autochtones et de la réconciliation Ida Chong et le chef de la Nation Tla'amin Clint Williams participent \u00e0 l'événement avec les jeunes.

Définition

Diverses formes d’autonomie gouvernementale ont été mises en pratique et dans le cas des Autochtones, le concept reste un thème controversé qui continue à évoluer dans les domaines du droit, de la politique et de la vie publique du Canada.

Autonomie gouvernementale des Autochtones et droit canadien

La Loi sur les Indiens de1876 a démantelé les systèmes traditionnels de gouvernance et imposé aux Autochtones des systèmes de contrôle externes, sous la forme d’agents locaux des Indiens et de la bureaucratie fédérale du ministère des Affaires indiennes. Il faut attendre la fin des années 1960 et le début des années 1970 pour que les organisations et l’activisme politiques des Autochtones, de plus en plus efficaces, et l’occurrence de plusieurs différends très médiatisés concernant le développement dans le Nord du Canada, ouvrent la voie d’une reconnaissance du concept d’autonomie gouvernementale des Autochtones et de sa mise en pratique au Canada. (Voir aussi Organisation politique des Autochtones et activisme au Canada.) Cette évolution s’accélère à la fin du 20e siècle et au début du 21e siècle et les Autochtones voient finalement leur droit à l’autonomie gouvernementale confirmé par la Loi constitutionnelle de 1982 et plusieurs documents internationaux. Le droit à l’autonomie gouvernementale est cependant loin d’être inscrit dans la loi. (Voir aussi Droits des Autochtones au Canada.)

Affaires en justice

À la fin du 20e siècle, les tribunaux canadiens prononcent plusieurs décisions concernant des questions liées aux droits ancestraux. Ces affaires ont fait émerger des questions étroitement liées au concept d’autonomie gouvernementale, telles que l’autorité sur des terres et des personnes ainsi que la réglementation d’activités traditionnelles. Les législateurs canadiens ont adopté une approche graduelle pour ce qui est de l’élargissement des pouvoirs législatifs et de l’autorité des Autochtones basé sur l’exercice des droits ancestraux.

Dans l’affaire Sparrow (1990), par exemple, la Cour suprême du Canada a laissé de côté la question de savoir si la Nation Musqueam, de Colombie-Britannique, a l’autorité de réglementer les droits de pêche autochtones de ces membres. Dans l’affaire Pamajewon (1996), la Cour était prête à envisager la possibilité que l’article 35 reconnaisse un droit à l’autonomie gouvernementale mais elle ne s’est pas prononcée clairement dans ce sens. Dans l’affaire Delgamuukw (1997), la Cour a refusé d’aborder la question.

L’affaire Pamajewon fait intervenir les Premières Nations Shawanaga et Eagle Lake et la question de savoir si elles peuvent autoriser et réglementer des jeux de bingo avec mises importantes sur leurs réserves respectives s’est posée. La Cour a conclu qu’un tel jeu ne constituait pas un élément caractéristique ou intégral des sociétés en question avant le contact avec les Européens, et qu’il n’était donc pas protégé par un quelconque droit ancestral. En général, un tribunal n’accorde à un groupe le pouvoir de réglementer une activité que si le groupe prouve que l’activité en question relève d’un droit protégé et qu’elle était gérée par les ancêtres du groupe avant le contact avec les Européens. Sur le plan du droit, l’autonomie gouvernementale des Autochtones ne pourrait donc être accordée qu’au cas pas cas, en fonction des activités considérées, plutôt que faire l’objet d’une reconnaissance globale.

Comités, commissions et rapatriement de la Constitution

Durant les années 1980 et 1990, des comités spéciaux recommandent que des mesures générales, voire radicales, soient prises au Canada pour reconnaître et mettre en œuvre l’autonomie gouvernementale des Autochtones. La question est soulevée durant les procédures de canadianisation de la Constitution.

Un comité spécial de la Chambre des communes sur l’autonomie gouvernementale des Indiens, mis sur pied en 1982, présente en 1983 le rapport Penner dans lequel les auteurs recommandent de reconnaître les Premières Nations comme un ordre distinct de gouvernement et de mettre en œuvre un processus axé vers leur autonomie gouvernementale.

L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît « Les droits existants – ancestraux ou issus de traités », mais cette expression n’a pas été définie dans la loi. La nécessité de modifier la Constitution pour reconnaître explicitement le droit inhérent des Autochtones à l’autonomie gouvernementale a été débattue au cours des conférences constitutionnelles tenues dans les années 1980 et la question a été remise à l’ordre du jour durant la négociation de l’Accord de Charlottetown, au début des années 1990. L’Accord propose une modification de « la Constitution de façon à reconnaître que les peuples autochtones du Canada possèdent le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale au sein du Canada ». Le référendum national organisé en 1992 a cependant abouti au rejet de cette proposition et des autres initiatives proposées dans l’Accord.

La Commission royale d’enquête sur les Autochtones, créée en 1991, présente en 1996 son rapport au gouvernement fédéral. Elle y propose des solutions visant à instaurer de meilleures relations entre les peuples autochtones et le gouvernement canadien. Parmi les solutions proposées, la Commission recommande de reconnaître que les « droits ancestraux et issus des traités », reconnus et confirmés par l’article 35 de la Constitution canadienne, incluent un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.

Revendications territoriales

Plusieurs communautés autochtones ont obtenu individuellement différents degrés d’autonomie gouvernementale dans le cadre du processus de règlement des revendications territoriales globales (traités modernes) plutôt que par la modification de la Constitution. De nombreuses revendications ont été négociées afin de parvenir à une entente comportant des dispositions précises pour l’autonomie gouvernementale des autochtones et les niveaux de cogestion avec les autres gouvernements. Tous les gouvernements canadiens, y compris les gouvernements autochtones, sont soumis à la Constitution et à la Charte canadienne des droits et libertés.

La Convention de la baie James et du Nord québécois (CBJNQ) de 1975 a été négociée et conclue en large partie en réponse au développement hydroélectrique proposé auquel s’opposaient vigoureusement les Inuits et les Cris qui n’ont jamais signé de traité avec le Canada. Les Naskapis du Nord-Est du Québec se joignent aux négociations durant les phases finales et signent une entente connexe (la Convention du Nord-Est québécois) en 1978. La CBJNQ et le rapport Penner serviront de base à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984, la première loi du Canada axée sur l’autonomie gouvernementale des Autochtones, qui remplace la Loi sur les Indiens et assimile les communautés autochtones présentes dans la région à des entreprises.

En 1984, les Inuvialuits du delta du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, signent la Convention définitive des Inuvialuit sur la revendication de la région ouest de l’Arctique, qui prévoit une participation des Inuvialuit à une forme limitée d’autonomie gouvernementale locale grâce à la création de la Municipalité régionale de l’Ouest de l’Arctique.

Capitalisant sur la Convention de la baie James et du Nord québécois (1975) et la Convention définitive des Inuvialuit (1984), des traités plus récents permettent à des bandes autochtones de mettre en place des structures municipales et d’entreprises. On peut par exemple citer le règlement des revendications territoriales du Nunavut, conclu en 1993, qui s’est traduit par la création du nouveau territoire du Nunavut en avril 1999. En plus des dispositions légales applicables à ce nouveau territoire, ce règlement a créé une situation concrète d’autonomie gouvernementale, puisque la majorité des 25 000 habitants du Nunavut sont des Inuits.

En Colombie-Britannique, l’Accord définitif Nisga'a, finalisé en 2000, contient aussi des dispositions d’autonomie gouvernementale à l’intérieur des terres couvertes par l’entente, mais il a fait l’objet de critiques et a été contesté devant les tribunaux. L’Accord Nisga'a accorde à cette Première nation le droit de s’autogouverner à l’intérieur des 2 019 km2 de la vallée de la Nass, un territoire détenu par les Nisga’a. Cette autonomie gouvernementale inclut le droit de gestion des terres, des biens et des ressources et la capacité d’édicter des lois concernant la citoyenneté, la langue et la culture Nisga’a. D’autres Premières Nations de la Colombie-Britannique continuent à négocier le règlement de leurs revendications. Les nations Tsawwassen et Maa-nulth ont obtenu un règlement respectivement en 2009 et en 2011.

Quelques communautés métisses ont elles aussi obtenu, ou sont en train de négocier, des ententes d’autonomie gouvernementale. Le Métis Settlements Act (1990) de l’Alberta offre un territoire à huit communautés métisses du Nord de l’Alberta et autorise l’établissement d’un gouvernement local de style traditionnel. Les règlements conclus sont soumis aux lois provinciales et fédérales. Ils permettent aux Métis de gérer, conjointement avec le gouvernement de l’Alberta, les ressources présentes dans le sous-sol des terres concernées. En 1993, les Dénés et Métis du Sahtu des Territoires du Nord-Ouest signent avec le gouvernement fédéral une entente concrétisant le règlement de leurs revendications territoriales globales. L’entente contient un accord-cadre d’autonomie gouvernementale qui a depuis été utilisé dans le cadre des négociations avec le gouvernement territorial visant à mettre en place l’autonomie gouvernementale des communautés des Dénés et Métis du Sahtu concernées.

En 2012, on comptait 18 ententes d’autonomie gouvernementale concernant 32 communautés autochtones au Canada. En mars 2014, on comptait au Canada cent tables de négociation portant sur des revendications territoriales globales et l’autonomie gouvernementale.

Droit international

Aux États-Unis, les tribus autochtones américaines (ou « indiennes ») sont reconnues comme des « nations souveraines intérieures dépendantes », possédant des droits inhérents de gouverner à l’intérieur de leurs réserves, d’édicter leurs propres lois, d’établir des tribunaux et de jouir d’une immunité contre les poursuites venant de l’extérieur. Cette doctrine de la souveraineté interne n’a jamais été mise en application au Canada en ce qui concerne les peuples autochtones, bien que de nombreuses personnes affirment qu’en vertu du droit international, elle devrait s’appliquer.

En 2007, le Canada s’oppose dans un premier temps à l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) par l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. Ottawa refuse initialement d’adopter la Déclaration en raison de clauses entourant les litiges fonciers et l’obligation de consentement, qui pourraient affecter négativement le développement des ressources. La DNUDPA conclut deux décennies de travaux auxquels avaient participé de nombreux peuples autochtones du monde entier. Le Canada soutient initialement ces travaux, et son opposition ultérieure entraîne de nombreux problèmes. En 2010, le Canada rejoint le groupe des pays anglo-saxons formé de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis qui ont approuvé la DNUDPA en tant que document « ambitieux ». Le Canada la signe en mai 2016, après un changement de gouvernement fédéral.  En décembre 2020, le gouvernement Trudeau introduit un projet de loi visant à aligner la législation canadienne sur la DNUDPA.

Problèmes récurrents

L’approche judiciaire adoptée par le gouvernement canadien pour la mise en place de l’autonomie gouvernementale des Autochtones est méthodique et s’effectue par étapes successives. Des négociations politiques ont permis d’accorder à certaines communautés des Premières Nations et des Inuits un certain degré d’autonomie gouvernementale, mais il reste à régler les revendications des Métis et d’autres autochtones qui ne vivent pas au sein de communautés autochtones. Toutes les négociations politiques font l’objet d’un examen de plus en plus détaillé de la part de ceux qui s’opposent à tout degré d’autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones ou qui affirment que des modifications de la Constitution sont nécessaires pour la mise en application de tels droits.

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