Article

L'achat McKee

L’achat McKee de 1790 (également connu sous le nom de Traité McKee et de Traité 2) a été la première entente territoriale signée entre les peuples autochtones et les autorités britanniques du Haut‑Canada (devenu ultérieurement l’Ontario). Il portait sur le territoire le plus austral du Haut‑Canada jamais visé par un traité, à savoir une large bande de terre, allant de la rive sud‑ouest du lac Érié jusqu’à la rivière Thames, en direction du nord, et jusqu’à un point au sud‑ouest de l’actuelle London, en Ontario, en direction de l’est. Cette terre a été mise à la disposition des colons loyalistes ayant quitté le territoire des futurs États‑Unis en réaction à la Révolution américaine. (Voir aussi Les cessions de terres du Haut-Canada.)

Contexte historique

En 1701, les Français fondent Fort Detroit. Au fil des ans, une colonie s’étend progressivement des deux côtés de la rivière Detroit sur des terres concédées directement aux colons par leurs occupants autochtones. Après la chute de la Nouvelle‑France en 1760, la région devient territoire britannique, en vertu du Traité de Paris de 1763 prévoyant la cession des possessions de la France en Amérique du Nord à la Grande‑Bretagne. Les nouveaux commandants britanniques à Detroit ont connaissance de ces concessions de la part des peuples autochtones, contraires à la Proclamation royale de 1763. En effet, en vertu de ce document, seule la Couronne est en mesure de négocier les terres des peuples autochtones qui y vivent, avant de les concéder ou de les vendre, par la suite, aux colons. En 1771, le Major‑général Thomas Gage, commandant en chef des forces britanniques en Amérique du Nord, déclare que de telles concessions de terres sont illégales, qu’elles doivent cesser immédiatement et que tous les bâtiments érigés en territoire autochtone doivent être détruits. Bien qu’elles soient suivies ailleurs, ces instructions sont ignorées ou non appliquées dans la région de Detroit.

À la suite de la Révolution américaine (1775‑1783), toutes les terres au sud ou à l’ouest des Grands Lacs deviennent parties du territoire des États‑Unis nouvellement formés. Les postes frontaliers britanniques occidentaux, à Oswego, à Niagara, à Detroit et à Michillimakinac, restent cependant aux mains de la Couronne jusqu’en 1795, après la ratification du traité de Jay. Au cours de cette période, de nombreux résidents des Treize colonies, restés fidèles à la Grande‑Bretagne, fuient vers d’autres pays. Quelque 6 000 à 10 000 loyalistes, ainsi que des réfugiés haudenosaunee, s’installent sur le territoire de la province de l’Ontario actuelle, les principales zones peuplées initialement se trouvant le long du Saint‑Laurent jusqu’à la baie de Quinte, sur la péninsule du Niagara et le long de la rivière Grand. Cet afflux de population conduira ultérieurement, en 1791, à la division de l’ancienne province de Québec en Haut‑Canada et Bas‑Canada qui seront rebaptisés, respectivement, Ontario et Québec, en 1841.

Traité no 116

En 1784, certains chefs des Odawas et des Ojibwes de Detroit accordent des terres à l’embouchure de la rivière Detroit à neuf officiers du ministère britannique des Affaires indiennes, dont l’agent adjoint aux Affaires indiennes, le colonel Alexander McKee. Cette parcelle, généralement appelée « Terre des officiers indiens », comprenant environ 7 milles (18 kilomètres) donnant sur la rivière, leur est octroyée en reconnaissance de services passés aux peuples autochtones de la région, en particulier pendant la Révolution américaine. Bien que cette cession constitue une violation de la Proclamation royale, les officiers concernés sont autorisés à conserver ces terres, avec l’approbation du gouverneur du Québec, sir Frederick Haldimand, et avec la connaissance du lieutenant‑gouverneur britannique à Detroit.

Cette concession semble être confirmée par le Traité no 116, signé par les représentants des Ottawas et des Chippewas de Detroit, le 15 mai 1786. La parcelle en question est décrite comme composée « d’une certaine bande de terre située sur la rive sud de la rivière Detroit et sur une île [Bois Blanc] à l’embouchure de ladite rivière ». Le traité est signé « en considération de la bienveillance, de l’amitié et de l’affection » éprouvées pour Alexander McKee, « qui a combattu l’ennemi à nos côtés pendant la dernière guerre ». La mère de ce dernier était une Shawni, lui‑même ayant été élevé dans l’arrière‑pays, à la manière du peuple de sa mère.

Né dans l’actuelle Pennsylvanie, aux environs de 1735, Alexander McKee travaille comme négociant en fourrure et comme agent aux Affaires indiennes dans la région de la rivière Ohio, mais soutient les Britanniques pendant la Révolution américaine. Il s’installe à Detroit en tant que loyaliste de l’Empire-Uni et apporte son soutien aux alliés autochtones des Britanniques luttant contre les Américains. Dans les années 1780 et 1790, il est une figure clé de l’organisation de la résistance autochtone à la colonisation américaine dans l’Ohio et le Michigan; toutefois, cette alliance est rompue après le retrait des Britanniques de Detroit en 1796. Il meurt, vers 1799, dans la région qui est aujourd’hui le sud‑ouest de l’Ontario.

Négociations ultérieures

Les officiers auxquels le terrain a été concédé restent préoccupés par le fait que leur titre de propriété pourrait être annulé, à tout moment, par les autorités. Ces inquiétudes se font particulièrement fortes après la création du Land Board en 1788, établi pour attribuer légalement des terres aux nouveaux colons s’installant dans la région. En 1789, Alexander McKee devient membre de ce nouvel organisme et, en mai 1790, il réunit un conseil à Detroit avec des représentants autochtones pour officialiser les accords antérieurs. Il a également comme objectif d’acquérir de nouveaux territoires susceptibles d’être attribués à des colons. En fait, de longues discussions entre Alexander McKee, qui parcourt la région, et divers peuples autochtones prennent place avant le conseil officiel. Deux autres jours de négociations précèdent la signature officielle du traité, le 20 mai. Des négociants en fourrures, des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et des officiers de l’armée assistent au conseil, ainsi que des chefs des nations Ottawa, Chippewa, Pottowatomy et Huron de Detroit.

Alexander McKee reçoit pour instruction d’acheter la zone riveraine s’étendant entre Long Point, sur le lac Érié, et l’endroit où la rivière Channail Ecarté se déverse dans la rivière St. Clair. Deux petites parcelles de terre, incluses dans la portée de l’achat, connues sous le nom de réserve Huron et réserve Huron Church, sont réservées à un usage autochtone. Interrogé plus tard sur ces exceptions par le Land Board, Alexander McKee soutiendra qu’elles étaient nécessaires pour obtenir le reste du territoire; le Major Patrick Murray, commandant militaire britannique à Detroit, vole à son secours en déclarant que les meilleures dispositions possibles ont été prises pour la Couronne.

Suites

Les terrains qu’Alexander McKee obtient pour les Britanniques s’étendent à l’intérieur des terres jusqu’à la rivière Thames. Les chefs cèdent les terres visées par le traité en échange de marchandises d’une valeur de 1 200 livres, notamment 840 paires de couvertures, diverses sortes de tissus, des rubans et des fils et une douzaine de mouchoirs noirs, évalués à 722 livres; 240 chapeaux unis, 60 pistolets, 20 fusils, des munitions, 2 000 silex, 360 miroirs, 144 ciseaux, 288 peignes, 1 000 hameçons et 272 kilogrammes de bouilloires en laiton, d’une valeur de 290 livres; 39 gallons de rhum, un bœuf, 181 livres de tabac, 24 chapeaux à lacets, 1 584 pipes et 288 couteaux, pour un montant de 187 livres. Quelques autres articles de moindre valeur étaient également inclus dans l’échange.

La cession de 1790 légitime les transferts de terres de 1784 et de 1786, ainsi que de nombreuses autres ventes privées illégales de terres autochtones aux colons de la partie la plus méridionale du territoire constituant l’Ontario d’aujourd’hui.

Cet accord a des répercussions importantes pour les collectivités autochtones concernées, notamment la perte de territoires de chasse.

Consultations sur la plaque commémorative

En 1931, l’achat McKee est désigné événement d’importance historique nationale. En 1934, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada dévoile une plaque unilingue – ultérieurement remplacée en 1967 par une version bilingue – commémorative de cet achat, montée sur un cairn de pierre, dans le parc commémoratif Blenheim, dans la municipalité de Chatham‑Kent.

Selon les relations avec les médias de Parcs Canada, les historiens de l’organisation ont déterminé, en 2020, que cette plaque pourrait contenir « des hypothèses et une terminologie coloniales désuètes ». À ce titre, la plaque elle‑même et son libellé sont en cours de révision. Des consultations avec les parties prenantes et les collectivités autochtones sont donc organisées, depuis 2021, en vue de leur modernisation et notamment de la fourniture d’un contexte élargi pour cette désignation d’événement d’importance historique nationale.