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Jules Léger

Jules Léger, P.C., C.C., gouverneur général du Canada de 1974 à 1979, journaliste, diplomate (né le 4 avril 1913 à Saint-Anicet, au Québec; décédé le 22 novembre 1980 à Ottawa, en Ontario). À titre d’ambassadeur canadien en France, Jules Léger a gagné l’admiration pour sa gestion habile du discours controversé « Vive le Québec libre » du président français Charles de Gaulle en 1967. Malgré un AVC qui le touche peu de temps après sa nomination à titre de gouverneur général, il a encouragé l’unité nationale alors que le pays est divisé par des disputes au sujet de la séparation du Québec.

Enfance, éducation et famille

Jules Léger naît le 4 avril 1913 à Saint-Anicet, au Québec. Il est le fils d’Ernest, un maître de poste, et d’Alda (née Beauvais) Léger, une magasinière. Le frère de Jules, Paul-Émile Léger, devient cardinal de l’Église catholique. Jules décrit Saint-Anicet comme un endroit où tout le monde « vivait et travaillait ensemble comme de bons voisins », peu importe son héritage ou sa langue maternelle.

Il étudie au Collège de Valleyfield puis à l’Université de Montréal où il décroche un diplôme en droit. Sa thèse sur l’histoire de la littérature canadienne-française lui vaut un doctorat de l’Université de la Sorbonne à Paris en 1938. La même année, il épouse Gabrielle Carmel, qu’il a rencontrée à Paris. Le couple a deux filles, Francine et Hélène.

Diplomatie

De retour au Canada au terme de ses études à Paris, Jules Léger travaille pendant un an comme rédacteur adjoint au quotidien Le Droit à Ottawa. De 1939 à 1942, il enseigne l’histoire de la diplomatie à l’Université d’Ottawa avant d’entreprendre une carrière diplomatique. Il constate plus tard que sa carrière de diplomate lui a donné « la notion à la fois de la relativité des faits et de l’universalité de l’homme ».

En 1940, il continue d’enseigner et se joint au ministère des Affaires étrangères. Après une courte période dans les bureaux du premier ministre William Lyon Mackenzie King, Jules Léger est affecté au Chili de 1943 à 1947. En 1949, il devient l’adjoint administratif du premier ministre Louis St-Laurent. Quatre ans plus tard, il est nommé ambassadeur au Mexique. Il est le plus jeune Canadien à occuper cette fonction. En 1954, il est promu au poste de sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères.

En 1958, Jules Léger est fait ambassadeur et représentant permanent du conseil de l’Atlantique Nord et représentant canadien de l’Organisation européenne de coopération économique, qui siège à Paris. Quatre ans plus tard, il est nommé ambassadeur en Italie et en 1964, ambassadeur en France. Dans un documentaire de la CBC présenté en 1965, Jules Léger parle de sa vie à Paris comme étant son affectation préférée, car elle lui a permis de revenir à ses racines étudiantes. Il parle du contraste entre sa vie d’étudiant, époque à laquelle il ne pouvait se payer un taxi, et celle d’ambassadeur « qui ne peut se résoudre à marcher puisqu’il a une voiture et un chauffeur à sa disposition » : « J’essaie de marcher le plus possible pour me rappeler ma vie d’étudiant et le contact humain qui peut être créé en étant tout simplement près des gens. »

Ses dernières années à titre d’ambassadeur en France sont cependant marquées d’une période difficile en ce qui a trait aux relations entre les deux pays. En 1967, alors en visite au Canada, le président français Charles de Gaulle présente son controversé discours « Vive le Québec libre » à l’hôtel de ville de Montréal. Jules Léger gagne l’admiration de tous pour sa gestion habile de la crise diplomatique et de ses conséquences, alors que les relations entre Ottawa et Paris se refroidissent après l’incident.

Jules Léger retourne à Ottawa et sert à nouveau à titre de sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères de 1968 à 1972. Durant cette période, il joue un rôle dans le développement des politiques étrangères du premier ministre Lester Pearson et dans les politiques en matière de bilinguisme et de multiculturalisme du premier ministre Pierre Trudeau. Jules Léger affirme que ce poste lui a permis « de faire évoluer les politiques nationales nécessaires à l’épanouissement de nos deux langues officielles. »

Gouverneur général

Jules Léger sert brièvement comme ambassadeur en Belgique et au Luxembourg en 1973, mais en octobre de cette année, il est nommé gouverneur général, succédant ainsi à Roland Michener. Jules Léger est assermenté le 4 janvier 1974 lors d’une cérémonie où il renonce à l’uniforme militaire traditionnellement porté par le gouverneur général. Durant son mandat, il décrit le Canada comme une « mosaïque incomplète » et fait parfois preuve de pessimisme quant à l’avenir du pays :

« Nous nous trouvons à une nouvelle époque dont les contours restent flous, dit-il. Notre civilisation occidentale se débat, s’épuise, en raison d’un nombre de contradictions paralysantes : […] l’insécurité malgré l’abondance; la pauvreté malgré la richesse; une moralité traditionnelle ébranlée et remplacée par un désir de pureté primitive; des actes de violence commis par ceux-là mêmes qui dénoncent la violence; des communications futuristes à une époque où les principaux regroupements politiques tendent de plus en plus vers le régionalisme. »

Quelques semaines après avoir emménagé à Rideau Hall, Jules Léger ordonne que tous les panneaux sur le domaine soient bilingues et non uniquement en anglais. Il donne également l’ordre que tous les agents de la GRC soient bilingues. En juin, seulement cinq mois après être devenu gouverneur général, Jules Léger subit un AVC à l’Université de Sherbrooke, où il devait recevoir un doctorat honorifique. L’AVC le laisse avec une paralysie dans le bras gauche et un trouble du langage qui le force à réapprendre le français et l’anglais.

En décembre, Jules Léger reprend ses activités en présidant une investiture de l’Ordre du Canada. Bien qu’il retrouve une partie de sa santé, il requiert beaucoup d’aide de sa femme, Gabrielle. Elle le remplace lors de certains événements et l’assiste dans diverses activités, comme la portion lecture du Discours du trône en 1976 et en 1978. Elle s’implique concrètement dans le projet de restauration de la citadelle, la résidence officielle du gouverneur général au Québec, à la suite d’un incendie survenu en 1976 qui détruit plusieurs pièces. Les contributions de Gabrielle sont reconnues : on l’inclut dans le portrait officiel de son époux. Elle est la seule épouse à apparaître dans le portrait d’un gouverneur général. Jules Léger croit qu’il aurait accompli beaucoup plus en tant que gouverneur général, n’eût été son AVC.

Rideau Hall
Résidence du gouverneur général du Canada (avec la permission de la Commission de la capitale nationale).
Citadelle de Québec
Porte Dalhousie de la Citadelle de Québec.

Modernisation des fonctions vice-royales

Jules Léger se rend dans plusieurs coins du pays durant son mandat. À cette époque, le Canada est divisé par des disputes acrimonieuses quant à la possible séparation du Québec et à l’aliénation de certaines régions. En 1977, lors d’un concert de la QuébécoiseMonique Leyrac au Centre national des arts, plusieurs personnes restent assises quand Jules Léger et sa femme entrent dans la loge royale, et huent quand l’orchestre joue des sections de God Save the Queen et du Ô Canada.

Tout au long de son mandat, Jules Léger conserve une confiance sereine en l’unité du Canada et inspire un nouveau respect pour ses fonctions. Il souhaite « canadianiser » le poste et en 1978, il devient le premier gouverneur général à accréditer des diplomates au Canada et à signer des traités au nom de la reine. Jules Léger est reconnu pour avoir modernisé le code vestimentaire du gouverneur général. Il est également le premier à porter la « jaquette » moins formelle lors de fonctions de l’État plutôt que la traditionnelle robe de magistrat prévue dans l’uniforme élaboré de Windsor. Ses mesures pour réduire le faste traditionnel britannique associé au poste lui valent certaines critiques.

Les Léger cultivent des amitiés avec des artistes comme Jean Paul Lemieux, Alfred Pellan et Jean Dallaire. Leurs œuvres, et celles d’autres artistes, sont d’ailleurs exposées à Rideau Hall, et le couple Léger encourage les Canadiens à venir les admirer.

En 1978, le gouverneur général met sur pied le Prix Jules-Léger pour la musique de chambre, qui encourage les compositeurs canadiens à créer de la musique de chambre avant-gardiste et qui favorise son interprétation par des orchestres de chambre canadiens. L’année suivante, le gouvernement canadien met sur pied la bourse Jules et Gabrielle Léger, remise à des étudiants canadiens remarquables dont la recherche et la rédaction portent sur le rôle, la fonction et les contributions historiques de la Couronne et de ses représentants au Canada.

Retraite et décès

Après avoir quitté Rideau Hall en 1979, les Léger continuent de vivre à Ottawa. Jules Léger meurt le 22 novembre 1980.

En 1981, par l’entremise d’une loi spéciale du Parlement, le gouvernement met sur pied la fondation Jules et Paul-Émile Léger afin d’honorer l’ancien gouverneur général et son frère. La fondation soutient les initiatives communautaires innovatrices au Québec et partout dans le monde qui améliorent le bien-être de personnes vulnérables et marginalisées.

En 1982, la bibliothèque du quartier général du ministère des Affaires étrangères (aujourd’hui Affaires étrangères et Commerce international Canada) dans l’édifice Lester B. Pearson d’Ottawa est renommée Bibliothèque Jules-Léger en son honneur. La collection personnelle de livres de Jules Léger, offerte à la bibliothèque par sa veuve, y est hébergée à titre de collection indépendante.