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Jeux


Jeux

Le jeu se distingue de toute autre forme de divertissement par les caractéristiques suivantes : au départ, tous les participants sont sur le même pied d'égalité; le jeu prend fin lorsqu'un gagnant ou un perdant a été déterminé; il est soumis à des règles et à des procédures strictes, même s'il semble spontané et non organisé. Quoique de nombreux jeux se pratiquent sans accessoires, on associe souvent le mot « jeu » à un objet visible.

Histoire des jeux au Canada
Bon nombre de jeux proviennent d'Europe et des États-Unis. Leur transmission d'un enfant à un autre au fil des siècles explique qu'ils existent encore aujourd'hui et ce, sans avoir subi trop de modifications. La mise sur pied de systèmes d'enseignement public au Canada, avec un réseau d'écoles dotées de terrains de jeu, a favorisé la diffusion des jeux de groupe traditionnels et la création de nouveaux. Certains formes de ces jeux traditionnels sont toujours très appréciées des enfants, comme la marelle et le jeu du chat, ou « tague ».

Au XIXe siècle, les garçons et les filles de partout s'adonnent à des jeux comme la cachette, la « tague », colin-maillard, le saut à la corde, le saute-mouton, la marelle, le red rover, le puss-in-the-corner (ce dernier, appelé aujourd'hui jeu des quatre coins, est un jeu où cinq enfants se disputent les quatre places d'un carré). Même des jeux comme le jeu d'espionnage I spy et celui qui consiste à marcher sur les trottoirs en évitant les fissures (né à l'époque des trottoirs de bois) ont la faveur des enfants canadiens au XIXe siècle.

Comme tous les enfants du monde, les petits Canadiens utilisent une panoplie d'objets pour jouer, comme des bâtons, des pierres et des babioles de toute sorte. Puisque de nombreuses familles n'ont pas beaucoup d'argent à dépenser pour les jouets, la plupart sont faits avec des matériaux récupérés ou bon marché, tels que les osselets (provenant des pattes postérieures d'un mouton) utilisés dans le jeu du même nom ou dans le jeu de dés. Un autre jeu, pratiqué dans les rues et les allées, consiste à faire rouler des cerceaux de tonneaux ou des jantes de roues à l'aide d'un bâton.

Les billes, réservées surtout aux garçons, sont généralement en argile, et on peut les confectionner soi-même. Les billes manufacturées en argile, en verre, en céramique et en agate sont importées d'Allemagne jusqu'au début du XXe siècle, époque où les Américains commencent à fabriquer des billes en verre. On se sert des billes dans des jeux comme le ring taw et le conker. Les garçons jouent aussi avec des toupies. Encore une fois, on peut les faire soi-même ou en acheter dans les magasins. Il existe plusieurs types de toupies, dont le sabot et le toton.

Le bilboquet, tout aussi populaire, est formé d'un manche pointu à une extrémité, évasé en forme de coupe à l'autre, dans lequel on doit enfiler, après l'avoir envoyée dans les airs, une boule qui lui est reliée par une cordelette. Les enfants jouent avec des balles et des cerfs-volants qui peuvent également être fabriqués à la maison.

Planchettes et jeux de table du commerce destinés aux enfants
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la croissance rapide d'une classe moyenne instruite et essentiellement urbaine va établir les conditions propices à l'éclosion d'entreprises spécialisées dans la fabrication de jeux. Les fabricants, en plus d'offrir des copies de jeux traditionnels, créent de nouveaux jeux et des accessoires destinés à un marché en plein essor. Avec le temps, ces jeux finissent par occuper une place dans les loisirs des enfants, mais bien qu'ils soient largement publicisés dans les années 1870 et 1880, on ignore dans quelle mesure ils sont utilisés par rapport aux jeux de fabrication artisanale ou produits localement.

Au cours de la première moitié du XIXe siècle, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France et les États-Unis commencent à produire des planchettes de jeu pour enfants, mais la plupart coûtent cher, car elles sont peintes à la main sur du lin. Vers 1867, des jeux en bois ou en carton plus abordables sont offerts dans la plupart des centres urbains canadiens. Parmi les jeux qu'on peut retrouver, figurent les jeux traditionnels auxquels on s'adonne depuis des centaines d'années en Europe, aux États-Unis et au Canada, dont les ÉCHECS, les dames, le backgammon, le Fox and Geese et le jeu de la mérelle. D'autres jeux nouvellement conçus s'adressent aux enfants. Ils mettent l'accent sur des valeurs morales et éducatives pour mieux séduire les parents.

Dans les années 1880, les entreprises de jeux pour enfants fabriquent et vendent de façon rentable un grand nombre de jeux de table destinés à divertir et portant sur des thèmes populaires (comme The Little Shoppers Game plutôt que sur des valeurs morales. Ce sont surtout des firmes américaines et quelques britanniques qui les produisent. En 1886, la Canada Games Co., une division de la British Copp Clark Co., ouvre ses portes. Cette entreprise ne connaîtra jamais beaucoup de succès, car les jeux qu'elle produit sont de moins bonne qualité et moins attrayants que leurs pendants américains et européens.

Elle crée néanmoins des versions « canadianisées » de jeux standard, comme Toboggans and Stairs, basé sur le jeu de serpents et échelles classique. Généralement, les jeux pour enfants sont fabriqués par des éditeurs de livres, et on peut les commander par catalogue, comme celui d'Eaton (à partir des années 1880), ou se les procurer dans des librairies locales.

Outre les jeux mentionnés, les fabricants de la fin du XIXe siècle offrent des jeux d'adresse, comme des versions de table du tennis, du croquet et du jeu de puce. Les jeux de Fort et de billard anglais sont des jeux de table en bois contenant des billes qui servent à frapper une cible. On a cessé la production du jeu de Fort dans les années 20 et on ne l'a jamais remis sur le marché, tandis que le jeu de billard anglais s'est transformé en billard électrique. Comme ces deux jeux sont faits de bois, des fabricants de meubles et de tonneaux en produisent aussi localement. L'industrie canadienne et le marché des jeux pour enfants vont prospérer après la Première Guerre mondiale, mais les fabricants canadiens doivent affronter la concurrence féroce de leurs homologues américains, qui continuent d'inventer des jeux au succès phénoménal, parmi lesquels le Monopoly, le Scrabble et Clue.

Tout au long de l'histoire du Canada, la culture populaire et la technologie exercent une influence sur les jeux. Les jeux de groupe tels que la « tague » ont souvent changé de nom au gré des modes, par exemple « les cow-boys et les Indiens », un thème popularisé dans les années 40 et 50 par les émissions pour enfants présentées à la radio et à la télévision. Au cours des dernières années, les « envahisseurs de l'espace » semblent être le thème en vogue. Avec l'arrivée du cinéma, de la radio et de la télévision, de nombreux jeux de table pour enfants reprennent des personnages populaires, comme le jeu de 1957 Leave it to Beaver. Aujourd'hui encore, on remarque le même phénomène. À la fin des années 70 et au début des années 80, le livre Le Hobbit de J.R.R. Tolkien ainsi que sa trilogie « Le Seigneur des anneaux » ont inspiré une série de jeux de rôle comme Donjons et Dragons.

Dans ces jeux, qui en général mettent l'accent sur des bravades exagérées et les stéréotypes sexuels des magazines de bandes dessinées, le joueur invente une histoire dont il est le héros et qui allie le hasard et la stratégie. En raison des idées véhiculées, ce sont surtout les adolescents qui s'y adonnent, et la fascination que ce jeu semble exercer sur eux inquiète certains parents. La popularité des jeux de rôle est attestée par le nombre croissant d'organisations de joueurs et de magasins vendant des accessoires qui leur sont destinés.

L'arrivée de la technologie informatique dans la sphère des jeux, à la fin des années 70 et au début des années 80, a donné lieu à une prolifération de jeux électroniques adaptés pour le téléviseur ou de jeux à consoles miniatures. Certains se veulent éducatifs, tandis que d'autres sont basés sur les sports traditionnels. Le remplacement graduel des billards électriques par des jeux vidéo, dont la popularité a entraîné la création de jeux d'arcade, témoigne d'un développement semblable.

Jeux destinés aux adultes
Tout comme les jeux pour enfants, la plupart des jeux pour adultes, au XIXe siècle, sont de type traditionnel et exigent peu d'accessoires. Le manque relatif de temps libre constitue probablement un facteur limitatif en ce qui a trait à la pratique du jeu chez les adultes. Les jeux de table européens classiques, dont les échecs, les dames, le backgammon et le jeu de la mérelle, sont souvent faits à la main (le jeu de la mérelle est un jeu de stratégie basé sur un multiple de trois, mais peu de Canadiens le connaissent de nos jours).

Au Québec, le plateau servant à jouer aux dames comporte 144 cases (au lieu des 64 cases du plateau ou de l'échiquier réglementaire). De nos jours, les plateaux de ce type sont considérés comme des objets de collection d'« art populaire ».

Les fabricants de jeux pour enfants dans la deuxième moitié du XIXe siècle font aussi des jeux qui demandent la participation de toute la famille. Les jeux de société tels que Authors (jeu de cartes où on doit associer un auteur à une citation) et Lost heir (un jeu de cartes de couplage) sont extrêmement populaires. Très prisés à l'époque victorienne, les jeux de « conversation », jeu de cartes contenant des questions et des réponses, sont conçus pour briser la glace lorsque des hommes et des femmes se retrouvent dans un salon. Dans la publicité, on disait du jeu qu'il était une bénédiction pour les personnes timides et que parfois, il « pavait la voie au mariage ». De nos jours, les cartes demeurent probablement le jeu le plus répandu chez les adultes.

Jouer aux cartes était en général une activité de la population urbaine, et les anglophones du Canada avaient une prédilection pour l'euchre et le whist. Le whist est un vieux jeu de cartes européen qui se joue à quatre et dans lequel il faut désigner un atout et faire des levées. Il est l'ancêtre du BRIDGE, popularisé dans les années 20. Les années 30 marquent l'arrivée sur le marché des jeux comme le Monopoly et le Scrabble, conçus pour les adultes. Ce n'est que récemment que le jeu canadien Quelques arpents de pièges les a déclassés au chapitre des ventes réalisées.

 Lancé au début des années 80, Quelques arpents de pièges est un jeu de table où les concurrents doivent répondre à des questions indiquées sur des cartes. Il a suscité un engouement sans pareil et les inventeurs canadiens en ont fourni un prototype qui a été copié par des firmes américaines et européennes, ce qui prouve que les rôles peuvent s'inverser. Par la suite, un nombre considérable d'inventeurs se sont consacrés à la création de jeux dans l'espoir de connaître un succès comparable.

Ce mouvement marque également la reprise des affaires pour certaines entreprises canadiennes, dont Canada Games Co. Leurs jeux à succès du type « association d'idées », comme Balderdash et QWR (Quick Wit and Repartee), Waddington and Sanders Whatzit et Slang Teasers, visent une clientèle essentiellement urbaine et composée d'adultes instruits, identifiée pour la première fois par les concepteurs de Quelques arpents de pièges dans les années 80. Scrupules (High Game Enterprises) est un autre jeu canadien moderne très répandu. La popularité des jeux « meurtre et mystère », qui mettent à contribution l'esprit de déduction des participants, a favorisé la création des jeux An Evening of Murder (Waddington-Sanders).

Si l'industrie canadienne du jeu est surtout reconnue de nos jours pour Quelques arpents de pièges, d'autres succès ont marqué son histoire par les années passées, comme le jeu de hockey sur table, Munro 6-Man (voir JOUETS ET JEUX). La firme Munro, entreprise familiale établie en Ontario, est le fabricant le plus important de jeux de hockey sur table au monde entre les années 30 et les années 50. Ses jeux se reconnaissent facilement à leur patinoire incurvée en bois, leurs joueurs en fil coudé et leurs filets crochetés à la main.

Chaque année, des centaines de nouveaux jeux provenant du monde entier envahissent le marché canadien. Certains d'entre eux, comme le cube Rubik, créé par un architecte hongrois du même nom, suscitent un engouement aussi instantané qu'éphémère, tandis que d'autres, comme le Scrabble, deviennent des classiques. Au Canada, le Museum and Archive of Games, situé à l'U. de Waterloo, constitue le principal centre d'étude des jeux.