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Genre au Canada

Cet article est un aperçu des enjeux contemporains liés aux genres au Canada. Le genre fait référence aux caractéristiques associées aux femmes/filles et hommes/garçons. Ces caractéristiques incluent les normes, les comportements et les rôles. Cet article explore les changements et la continuité des normes et des rôles des genres au Canada depuis 1960. Il aborde également les défis et les enjeux actuels en matière de genre au Canada. Les changements démographiques, le mouvement de libération des femmes et la révolution sexuelle ont causé et ont fait refléter des changements sociaux majeurs dans les normes de genre pour les femmes et les hommes. Bien que les rôles de genre soient devenus bien plus flexibles depuis les années 1960, la puissance des normes et des rôles persiste, tout comme la certitude d’un genre binaire (l’idée qu’il n’y a que deux genres : hommes et femmes). Les enjeux contemporains liés au genre incluent l’égalité salariale, la « crise des garçons », les droits de personnes transgenres, de diverses identités de genre, non binaires et bispirituelles, ainsi que l’impact des systèmes coloniaux sur les rôles de genre traditionnels des Autochtones. 

Termes et concepts

Le terme « rôles de genre » fait référence aux responsabilités et rôles sociaux qu’on attend des personnes en se basant sur leur genre (ou sexe). Il est important de se rappeler qu’il existe une différence entre le sexe biologique et le genre. Le sexe biologique fait référence au sexe (masculin, féminin ou intersexué) attribué à l’enfant à sa naissance. Le genre fait référence aux comportements, aux attitudes et aux rôles basés sur l’identité de genre perçue ou factuelle des individus. Certains pensent que le genre est naturel, essentiel, stable et immuable. D’autres croient que le genre est socialement façonné et qu’il change en fonction du lieu et du temps. Et d’autres soutiennent que le genre est formé par une interaction de facteurs biologiques et sociaux. (Voir Identité de genre.)

Bien que la croyance en un genre binaire, l’idée qu’il n’y a que deux genres (femmes et hommes), soit encore courante, il a existé tout au long de l’histoire des différences d’identités de genre, d’expressions et de rôles au sein de différentes cultures et communautés.

Le genre ne peut pas être compris en le séparant des autres aspects de l’identité comme la race, la classe sociale, l’orientation sexuelle et les habiletés. (Cette approche est appelée intersectionnalité.) Tous ces différents aspects s’influencent mutuellement de diverses manières.

Croissance de la flexibilité depuis 1960

Dans les années 1950, les rôles rigides de genre dominent la société canadienne. (Voir Histoires des rôles de genre.) De nombreuses personnes croient que les femmes sont naturellement plus bienveillantes et domestiques et qu’elles sont censées ne s’occuper que de leurs enfants, de leurs familles et de leurs foyers. Les hommes sont censés travailler à l’extérieur du domicile afin de soutenir financièrement leurs familles. Cet archétype est parfois perçu comme un système binaire de « femme au foyer/pourvoyeur ». Mais en réalité, les vies des gens de l’époque sont souvent plus compliquées que cela. Par exemple, dans les années 1950, de nombreux hommes aiment passer du temps avec leurs enfants, ils aiment cuisiner (surtout sur le barbecue) et aider à la maison. Il est important de se rappeler qu’il y a une différence entre les stéréotypes et la réalité.

Les choses commencent à changer au début des années 1960. Plus de femmes, surtout des femmes mariées, font leur entrée sur le marché du travail. Par exemple, de nombreuses femmes mariées travaillaient avant d’avoir des enfants, elles sont restées à la maison lorsque les enfants étaient jeunes, et elles retournent donc sur le marché du travail lorsque les enfants sont en âge d’aller à l’école. Aussi, plus de gens, plus particulièrement les femmes, commencent à aller à l’université.

Ces changements sont liés au mouvement des femmes et à la révolution sexuelle. Le mouvement de libération de la femme (1960 à 1985) est également connu comme la deuxième vague du féminisme. Cette vague commence après la publication du livre The Feminine Mystique (trad. La femme mystifiée) de l’auteure et féministe américaine Betty Friedan, un livre qui soutient que les normes de genres restrictives sont dommageables pour la santé mentale et physique des femmes. De nombreux activistes pour les droits de femmes militent pour un salaire pour un travail égal, pour l’accès à des garderies universelles et pour une reconnaissance des tâches ménagères en tant qu’emploi. (Voir Mouvements de femmes au Canada: 1960 à 1985.)

À peu près à la même époque, la révolution sexuelle remet en question les normes de genre existantes grâce à une vision de plus en plus libérale et plus acceptante de la sexualité et des activités sexuelles. De nombreuses personnes acceptent l’idée que les hommes et les femmes peuvent avoir des relations sexuelles en dehors du mariage et que le plaisir sexuel est important pour les deux. La connaissance et l’utilisation des moyens de contraception sont également plus répandues. Cette révolution est également liée à une acceptation croissante du divorce, de l’avortement, et de l’idée que les jeunes femmes peuvent vivre de manière indépendante avant le mariage.

Ces changements contribuent à la création de conceptions plus ouvertes en ce qui concerne les rôles de genre des hommes et des femmes. Cependant, un bon nombre de problèmes qui ont émergé durant cette période continuent d’exister. Ceci inclut l’influence persistante des vieilles idées sur le travail effectué par les hommes et les femmes.

Équité en milieu de travail et équité salariale

Bien que la situation se soit améliorée depuis les années 1960, il existe encore d’importantes inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. On peut le constater dans l’écart de salaire entre les femmes et les hommes. Selon une étude de 2015, les femmes canadiennes qui travaillent à plein temps gagnent 87 cents pour chaque dollar gagné par les hommes. La situation devient encore plus difficile pour les femmes autochtones, racialisées, immigrantes et handicapées. Par exemple, les femmes racialisées qui travaillent à temps plein gagnent 67 sous pour chaque dollar gagné par les hommes non racialisés.

L’équité salariale, ou le salaire égal pour un travail égal, est considéré comme étant un droit de la personne fondamental au Canada. Plusieurs facteurs contribuent à l’écart du salaire entre les genres, incluant le fait que les femmes sont plus susceptibles de travailler à temps partiel que les hommes. Elles sont également plus susceptibles de subir des interruptions de travail pour des raisons de grossesse et de garde d’enfant, et elles font face à des préjugés sexistes, ainsi qu’à de la discrimination et des différences de salaire lorsqu’elles négocient celui-ci.

De même, des recherches ont démontré que les femmes payent une « pénalité de bébé ou pénalité de maternité » lorsqu’elles ont des enfants. Les femmes qui ont au moins un enfant gagnent 85 cents pour chaque dollar gagné par les hommes qui ont au moins un enfant. Les femmes qui n’ont pas d’enfants gagnent 90 cents pour chaque dollar gagné par les hommes qui n’ont pas d’enfants. Par ailleurs, les écarts de salaire pour les femmes après la naissance d’un enfant persistent pendant au moins cinq ans après le retour de la mère au travail. En revanche, les recherches suggèrent que les hommes qui ont des enfants reçoivent souvent un « bonus de paternité », ou une augmentation de salaire, comparativement aux femmes qui ont des enfants, ou aux hommes qui n’ont pas d’enfants. Les raisons pour ceci ne sont pas claires. Il est possible que certains employeurs croient que les pères sont plus travaillants ou plus engagés que les hommes qui n’ont pas d’enfants.

Répartition des tâches domestiques

Le nombre de femmes en milieu de travail augmente de manière constante depuis les années 1960. Par exemple, les femmes canadiennes représentent 37,6 % de la main-d’œuvre en 1976; en 2019, ce chiffre est passé à 47,4 %. Durant cette même période, le nombre de familles à deux revenus passe de 39,2 % à 58,8 %. Cependant, les femmes sont toujours responsables de la majorité des tâches ménagères. En 2015, une étude démontre que lorsque les femmes et les hommes travaillent un même nombre d’heures par jour, les femmes consacrent une moyenne de 3,9 heures par jour à faire du travail non rémunéré, comparativement aux 2,4 heures de travail non rémunéré des hommes. Le résultat est ce que les experts appellent une « journée double » ou « un deuxième quart de travail », lorsque les femmes terminent leur journée de travail et font un deuxième quart de travail en tâches ménagères lorsqu’elles arrivent à la maison. Cette disparité est attribuée à la persistance des conceptions que les femmes sont principalement responsables des tâches domestiques.

Ce déséquilibre est particulièrement évident durant la pandémie de COVID-19 (2019-). Au sein de nombreux domaines ou industries, les femmes sont forcées de quitter leurs postes, ou de réduire leur nombre d’heures, pour prendre soin des enfants, plus particulièrement durant la fermeture des écoles. Une étude révèle que les femmes consacraient en moyenne 68 heures par semaine à la garde des enfants avant la pandémie, comparativement à 95 heures par semaine durant la pandémie. Au fil du temps, cela pourrait avoir des conséquences négatives sur les carrières des femmes, et pourrait être dommageable pour leur santé mentale.

La crise des garçons

Dans un même temps, le 21e siècle est témoin de préoccupations croissantes concernant la « crise des garçons » ou « l’écart des genres  » au sein de l’éducation. Statistiquement parlant, les filles surpassent généralement les garçons à l’école primaire et au secondaire, plus particulièrement en lecture et en écriture. Les garçons sont également beaucoup plus susceptibles de recevoir un diagnostic du trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention, et de devoir prendre des médicaments en conséquence.

Les femmes sont plus susceptibles d’obtenir un diplôme d’école secondaire et elles représentent plus de 50 % de la population étudiante dans les institutions postsecondaires canadiennes. Elles sont également plus susceptibles d’obtenir un diplôme universitaire. Cependant, les hommes demeurent majoritaires dans les domaines de l’ingénierie, les sciences, et les métiers industriels, bien que les femmes soient maintenant plus nombreuses à s’engager dans ces domaines.

Diverses raisons ont été suggérées pour expliquer ces différences. Certains soutiennent que l’écart de réussite entre les garçons et les filles est dû au conditionnement culturel, en particulier à une culture de masculinité qui minimise la réussite scolaire. D’autres avancent que la situation reflète les différences inhérentes des intérêts et des aptitudes entre les garçons et les filles. Certains suggèrent que le système d’éducation est orienté vers des styles d’apprentissage et de socialisation qui sont plus caractéristiques des filles. Ceci inclut un accent mis sur la collaboration, la discussion et le succès académique plutôt que sur les compétences pratiques, et il existe peu d’occasions pour les garçons de brûler leurs excès d’énergie. D’autres blâment le manque de modèles masculins dans les écoles, où la plupart des enseignants sont des femmes, et/ou, à la maison en raison des taux élevés de divorces et de monoparentalité. Bien qu’il semblerait que les filles surpassent généralement les garçons à l’école, les raisons de cette situation, et la meilleure manière de combler cet écart, font l’objet d’importants débats.

Droits des transgenres et expansivité des genres

La conception binaire des genres, ou l’idée qu’il n’y a que deux genres (femmes et hommes) demeure forte. Par exemple, la plupart des magasins de jouets continuent de commercialiser certains jouets pour les filles et d’autres pour les garçons. Les fêtes de dévoilement de sexe, où le sexe biologique de l’enfant à venir est révélé durant une célébration, sont de plus en plus populaires.

Pourtant, l’idée selon laquelle il existe de nombreux genres, d’identités de genre, et d’expressions de genre est de plus en plus soutenue. En 2017, le gouvernement fédéral adopte le projet de loi C-16, qui ajoute les termes « identité de genre » et « expression de genre » comme classes protégées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce même projet de loi criminalise également les propos haineux, l’incitation à la haine et les crimes haineux contre les individus en raison de leur identité et expression de genre. Les personnes transgenres peuvent également changer leur sexe sur leurs documents officiels au niveau fédéral, provincial et territorial (dans plusieurs cas) sans avoir à subir une chirurgie de réassignation de genre. À partir de 2019, les Canadiens ont la possibilité de sélectionner le « X » comme option de genre sur tous les documents d’identité officiels fédéraux, comme les passeports.

Pourtant, les problèmes persistent. Une étude réalisée par le projet Trans Pulse démontre que 73 % des personnes autochtones bispirituelles ou à genres variables ont subi une forme de violence en raison de la transphobie. Les personnes transgenres, de diverses identités de genres, et bispirituelles continuent de faire face à de la discrimination et à des obstacles structurels, qui font en sorte que plusieurs d’entre eux ont de la difficulté à avoir accès à des soins de santés, à des logements, et à de l’aide sociale.

Roles de genre autochtones et colonialisme

Avant l’arrivée des Européens, les cultures autochtones à travers l’Amérique du Nord comportaient différents systèmes et rôles de genre. Alors que chaque culture avait sa propre conceptualisation des rôles de genre, les rôles de genre des femmes et des hommes étaient souvent considérés comme égaux et complémentaires. Certaines communautés autochtones, comme les Haudenosaunee, étaient gouvernées par des chefs et des mères de clans, alors que d’autres étaient matrilinéaires, c’est-à-dire que leur descendance et leur héritage suivaient la lignée des mères. Plusieurs de ces communautés reconnaissaient également la fluidité des genres et l’idée qu’il y a plus que deux genres. (Voir Bispiritualité.)

Cependant, les Européens arrivent avec leurs propres idées de rôles de genre lorsqu’ils débarquent en Amérique du Nord. Les conséquences sont dévastatrices lorsque plusieurs de ces idées sont inscrites dans les lois et imposées aux communautés autochtones. On peut le constater dans les différentes structures coloniales, comme les pensionnats indiens, et dans des lois comme la Loi sur les Indiens de 1876, qui interdit aux femmes autochtones de participer formellement à la politique. Seuls les hommes autochtones sont autorisés à servir en tant que chefs ou sur les conseils des bandes, ce qui veut dire que de nombreuses femmes autochtones perdent leurs rôles traditionnels dans la gouvernance de leurs communautés. Cette loi demeure en vigueur jusqu’en 1951.

Les rôles des femmes autochtones sont également affectés par les politiques de la Loi sur les Indiens sur le statut d’Indien, cette loi statuant que l’identité d’une femme autochtone est basée sur celle de son père ou de son mari. Ainsi, si une femme autochtone épouse un homme qui n’a pas de statut en vertu de la Loi sur les Indiens, elle perd également son propre statut. Alors les femmes et leurs descendants perdent le bénéfice des protections et des avantages offerts par la Loi sur les Indiens, et elles sont également séparées de leurs familles, de leurs communautés et de leurs traditions, parce que la Loi leur interdit ainsi de vivre sur les réserves. Bien que la loi ait été modifiée en 1985, d’importants dommages ont déjà été causés.

Conclusion

Depuis les années 1960, les rôles de genre au Canada ont subi une série de changements importants. Les mouvements sociaux et les changements démographiques ont eu pour résultat une compréhension plus flexible des rôles qui sont attendus des hommes et des femmes. Malgré cela, les rôles de genre traditionnels continuent d’être une force puissante dans la société canadienne. La persistance de ces conceptions peut être vue dans une gamme d’enjeux contemporains, comme le travail domestique non rémunéré, l’égalité travail/salaire, les droits des personnes à genres variables, et l’impact du système colonial sur les systèmes de genre autochtones.