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Famille Baillairgé

Baillairgé, famille d'architectes, de sculpteurs et de peintres ayant oeuvré au Québec durant cinq générations jusqu'au XXe siècle inclusivement, dont les membres les plus éminents sont Jean, François, Thomas et Charles.
Séminaire de Nicolet
1826-1833, à Nicolet, au Québec. Les architectes sont Jérome Demers et Thomas Baillairge; photo de N. Bazin, 1957 (avec la permission des Archives nationales du Québec: E6, S7, 1384-57).
Hôtel du Parlement, à Québec
1831-1850, incendié en 1854, à Québec. L'architecte était Thomas Baillairgé (avec la permission des Archives nationales du Québec, P600-S5, PLC 69-2).
Bon Pasteur, Le
Sculpture de bois peinte et florinée de François Baillairgé, vers 1775. François Baillairgé est membre de l'une des cinq générations de la famille Baillairgé qui ont été très actives dans le domaine des arts (photo de Patrick Altman/avec la permission du Musée du Québec).

Baillairgé, famille d'architectes, de sculpteurs et de peintres ayant oeuvré au Québec durant cinq générations jusqu'au XXe siècle inclusivement, dont les membres les plus éminents sont Jean, François, Thomas et Charles.

Jean Baillairgé

Maître charpentier, sculpteur, menuisier, architecte (Blanzay, France, 31 oct. 1726 -- Québec, 6 sept. 1805). Jean Baillairgé est amené en Nouvelle-France en 1741 par MgrPontbriand. Il maîtrise déjà les techniques de la menuiserie, en plus de posséder des rudiments du classicisme académique français. Durant 60 ans, il exécute, et conçoit à l'occasion, des ouvrages en bois pour des magasins, des demeures particulières ainsi que des édifices publics et religieux.

Il convient notamment de mentionner ses sculptures pour des églises de Québec et des alentours, en particulier la chaire, le banc des marguilliers et le clocher (1768), de même que le retable (1786-1793, avec l'aide de son fils) de la cathédrale Notre-Dame à Québec. Homme inflexible sur les questions de religion, de devoir et d'autorité, mais de caractère joyeux, il combat dans les rangs de la milice de Nouvelle-France en 1759, puis il fait partie de la garnison britannique qui s'oppose aux envahisseurs américains en 1775-1776. Il suscite chez ses contemporains un engouement pour les arts de la construction et fonde une dynastie d'architectes, de sculpteurs et de peintres.

François Baillairgé

Sculpteur, architecte, peintre, trésorier municipal (Québec, 21 janv. 1759 -- Québec, 15 sept. 1830). Par la qualité de son travail, François Baillairgé surpasse son père Jean, surtout dans les sculptures ornementales. À une époque où le Québec est coupé de sa mère patrie, il renoue avec les principes du classicisme français en vogue sous le règne de Louis XVI. Reconnaissant très tôt les talents de François, son père et les autorités du Séminaire de Québec l'envoient étudier à Paris, à l'Académie royale de peinture et de sculpture, de 1778 à 1781.

À son retour, François sculpte des retables pour de nombreuses églises paroissiales en plus de produire des grands tableaux d'inspiration religieuse, des figures de proue et des oeuvres fantaisistes comme les armoiries pour le carrosse du duc de Kent. Travaillant d'abord avec son père et ensuite avec son fils, François excelle dans la conception et l'exécution d'ouvrages richement ciselés dans une veine classique, destinés à l'intérieur des églises. Parmi ses chefs-d'oeuvre, mentionnons les églises de L'Islet (1782-1786), de Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette (1810-1816), de Saint-Joachim de Montmorency (à partir de 1816) et de Baie-Saint-Paul (1818-1828). François Baillairgé a vraisemblablement introduit le baldaquin et le tabernacle à dôme de style Louis XVI, ornant les autels du Québec.

Il possède une formation de type classique comme en témoignent les leçons qu'il donne en peinture, en sculpture et en mathématiques, de même que son application des théories figurant dans les traités d'architecture achetés en France. Il applique consciencieusement les principes tirés du livre (1568) de Philibert de L'Orme, interprète français des goûts italiens de la Renaissance, dans ses compositions pour le tabernacle de la cathédrale Notre-Dame à Québec et la façade de la prison de Québec (1808-1814). En compagnie de son fils Thomas et de l'abbé Jérôme Demers, François Baillairgé pave la voie à l'épanouissement du néoclassicisme académique au Québec.

Thomas Baillairgé

Architecte, sculpteur, peintre (Québec, 20 déc. 1791 -- Québec, 9 févr. 1859). S'inspirant de l'héritage architectural légué par son père François et son grand-père Jean, Thomas Baillairgé pousse l'architecture des églises québécoises au summum de la perfection. Dans son travail, il évolue graduellement de l'exécution à la conception. Il collabore étroitement avec l'abbé Jérôme Demers, qui tente d'établir les règles et les principes de conception et d'exécution architecturale dans son « Précis d'architecture » (1828). Ce traité d'architecture didactique, le premier rédigé au Canada, est complété par des dessins et estampes classiques de Thomas Baillairgé.

Celui-ci opère une synthèse de son héritage Renaissance en mêlant les styles néoclassiques français et anglais, qui se traduit par une série d'églises harmonieuses et monumentales. Tant l'intérieur en relief fascinant de l'église Saint-Joachim de Montmorency (1816-1829) que le double clocher rehaussant la façade de la cathédrale Notre-Dame de Québec (1843) et des églises Sainte-Geneviève de Pierrefonds (1844) et Saint-Roch-de Québec (1845) illustrent son sens du classicisme, caractérisé par une intégration rigoureuse des divers éléments en un ensemble harmonieux.

Conformément à la tradition familiale, dans le cadre de sa profession, il enseigne à ses apprentis l'architecture et la sculpture, leur accordant un certificat de compétence au bout de trois ans de travaux pratiques, de cours théoriques et de lectures dans sa splendide bibliothèque. Ce célibataire affable, amoureux de la musique, anime souvent des soirées au cours desquelles l'élite canadienne-française discute tantôt de politique, tantôt de sciences et d'histoire. Ce concepteur d'églises, le plus éminent au Canada français, influencera l'architecture religieuse durant près d'un siècle.

Charles Baillairgé

Architecte, ingénieur civil, arpenteur, mathématicien, inventeur, auteur (Québec, 29 sept. 1826 -- Québec, 10 mai 1906). Issu de la quatrième génération de cette dynastie, il rompt avec le classicisme de ses prédécesseurs et devient un concepteur éclectique bien au fait des progrès technologiques et de la diversité de styles propres à son époque. Apprenti auprès du cousin de son père, Thomas, il obtient ses galons d'architecte, d'ingénieur civil et d'arpenteur provincial dès l'âge de 22 ans.

La transition d'artisan à concepteur est complétée, puisque Charles, contrairement aux créateurs précédents de la famille Baillairgé, ne réalise pas ses oeuvres lui-même. Homme ambitieux et curieux intellectuellement, il délaisse rapidement le néoclassicisme de son mentor pour créer des édifices innovateurs et hors de l'ordinaire. Deux de ses premières créations bousculent le conservatisme architectural du Québec : une chapelle d'inspiration néogothique comportant un triple balcon, destinée aux Soeurs de la Charité (1850-1854), et l'atelier Bilodeau doté de colonnes doriques de huit mètres de haut et, à l'intérieur, d'une mezzanine en porte-à-faux (1849-1850).

Durant les années 1850, il obtient des commandes importantes, notamment la salle de musique de Québec (1851-1853), l'U. Laval (1854-1857), l'église de Sainte-Marie de Beauce (1854-1860) et la prison de Québec (1860-1863). Sa réputation est telle qu'on le convoque à Ottawa en 1863 pour superviser la construction des édifices du Parlement et des bâtiments ministériels. Son ambition personnelle de passer du poste d'architecte associé à celui d'architecte en chef des travaux publics échoue en raison de la corruption qui règne à Ottawa. Appelé à témoigner contre les entrepreneurs, il est brusquement démis de ses fonctions de sorte que son témoignage ne sera pas entendu. De retour à Québec, il remplace son père à titre d'ingénieur municipal, poste qu'il occupera de 1866 à 1898.

Lecteur passionné, Charles Baillairgé enrichit la bibliothèque architecturale de François et de Thomas en collectionnant une grande variété de livres provenant d'Angleterre, de France, de Belgique, et des États-Unis. Il rédige lui-même de nombreux écrits, tant en français qu'en anglais, sur l'architecture, le génie, les langues et les mathématiques. Son tableau stéréométrique, une formule mathématique servant à mesurer les volumes, lui vaut une notoriété internationale.

Son goût de l'étude et son penchant pour la mécanique l'amènent à inventer une automobile à vapeur alors qu'il a à peine 17 ans, de même qu'une fontaine rotative électro-chromatique et une réplique de la tour Eiffel en fer destinée à la ville de Londres. Travailleur infatigable, Charles Baillairgé dessine les plans de plus de 180 édifices, signe plus de 250 livres et articles et engendre 20 enfants. Son fils William Duval lui succède au poste d'ingénieur municipal, prolongeant ainsi jusqu'à la cinquième génération le rayonnement de sa famille dans le milieu québécois de la construction.

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