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Joseph Francis Dion

Joseph Francis Dion, homme métis, leader, organisateur politique, enseignant (né le 2 juillet 1888 près de Onion Lake, en Saskatchewan; décédé le 21 décembre 1960 à Bonnyville, en Alberta). Joseph Dion joue un rôle clé dans le développement du portrait politique autochtone moderne des Prairies. En plus d’être agriculteur (à partir de 1903) et enseignant dans la réserve Kehewin (de 1916 à 1940), il collabore avec Jim Brady et Malcolm Norris pour fonder en 1932 ce qui se nomme aujourd’hui la Métis Nation of Alberta (dont il est président de 1932 à 1958) et, en 1939, la Indian Association of Alberta. Faisant partie d’organisations des Premières Nations, des Métis et de l’Église catholique, il voyage, donne des conférences, recueille des traditions vivantes (publiées en 1979 sous le nom My Tribe the Crees) et gère une troupe de danse métisse. Réformateur relativement conservateur, il fait la promotion de l’autodéveloppement des Autochtones grâce à l’agriculture locale et à la préservation de la culture traditionnelle.


Joe Dion, en 1960, avec la permission du Glenbow Museum.


Jeunesse et éducation


Joseph Francis Dion naît dans une famille d’Indiens inscrits (voir Loi sur les Indiens) de la Nation crie de Kehewin, près de Bonnyville, en Alberta, près de la frontière avec la Saskatchewan. Son père métis, Augustin (Gustave) Dion, est l’un des descendants de Mistahimaskwa (Big Bear), un chef des Cris des Plaines de la réserve Kehewin reconnu pour avoir refusé de signer le Traité n° 6 et avoir participé à la Rébellion du Nord-Ouest de 1885. Sa mère, Mary ou Marie Mountain, d’origine crie et saulteaux (Ojibwé), est quant à elle une sage-femme accomplie travaillant parfois seule et parfois comme assistante du médecin local d’Elk Point.

Aîné d’une famille de six enfants, Joseph Dion est le frère de Toots (Tousaint), Mary, Billy, Madeline et Alphonse.

Il fréquente d’abord une école dans sa réserve, à Onion Lake, mais celle-ci est peu après détruite par les flammes. Il devient donc élève au pensionnat indien catholique St. Anthony (voir Pensionnats indiens au Canada), où il est d’usage d’attribuer un numéro à chaque élève. Joseph Dion écrit à ce propos : « On m’a donné le numéro 7, j’étais donc l’un des tout premiers. »

Pendant son séjour au pensionnat, quatre de ses frères et sœurs succombent à la diphtérie (voirSanté des Autochtones) tandis que l’un de ses bons amis et quelques camarades de classe sont emportés par la tuberculose. Joseph Dion termine sa huitième année à l’âge de 15 ans. Il complète ensuite son éducation à distance, ce qui lui permet plus tard de devenir enseignant.

Mariage et début de carrière

En 1903, à la suite d’une épidémie à Onion Lake, le père de Joseph Dion emmène sa famille dans la région de Kehewin. La même année, Joseph Dion devient agriculteur.

En 1912, il épouse Elizabeth Cunningham, originaire de St. Albert, en Alberta. Environ au même moment, il décide de son plein gré de renoncer à son statut d’Indien inscrit pour obtenir le droit de vote et « les droits des citoyens canadiens ordinaires » (voir Émancipation et Loi sur les Indiens). Son frère Billy devient quant à lui le chef de la réserve Kehewin.

Joseph Dion retourne dans la réserve Kehewin en 1915 pour y ouvrir la première école. Selon ce qu’il écrit dans son livre, My Tribe the Crees (1979), il commence à y enseigner en 1916 mais démissionne trois ans plus tard, contrarié par le manque de ressources offertes par le gouvernement fédéral. Il y retourne ultérieurement et y enseigne pendant 24 années supplémentaires.

LE SAVIEZ-VOUS?
Après avoir étudié les danses traditionnelles, Joseph Dion met sur pied une troupe de danseurs et de violoneux métis qui font des tournées en Alberta et dans l’est du Canada au début des années 1930. L’objectif du projet est non seulement de faire la promotion de la culture métisse, mais également d’éliminer les stéréotypes négatifs sur les peuples autochtones et de former de bonnes relations avec les collectivités non autochtones.

Activisme politique

Dans les années 1920, Joseph Dion commence à s’impliquer auprès d’organisations autochtones protégeant les intérêts des signataires de traités et des Indiens non inscrits. Tout comme pour ses confrères leaders et activistes métisJim Brady et Malcolm Norris, ses efforts politiques sont motivés par la vie de misère des Indiens non inscrits et des Métis, qui n’ont aucune stabilité territoriale en Alberta. Leur besoin de se voir offrir des soins de santé et de l’éducation de qualité (voirSanté des Autochtones) demeure une préoccupation importante chez lui.

Même s’il visite plusieurs communautés métisses dans la province, leur offrant des encouragements et de l’aide, Joseph Dion ne reçoit jamais de rémunération. Ce sont les résidents eux-mêmes qui amassent des fonds pour financer ses voyages. Pendant sa période d’activisme politique, sa femme et lui subviennent aux besoins de leur famille sur une minuscule ferme ayant vue sur Long Lake, en Alberta. Ses absences fréquentes laissent à Elizabeth l’entière responsabilité d’élever les enfants et de s’occuper du bétail. 

Dans les années 1930, Joseph Dion rencontre régulièrement l’organisateur Peter Tomkins Jr., un négociateur et diplomate métis, pour discuter des conditions des peuples métis de l’Alberta. En 1932, les deux hommes participent à la cofondation et à l’organisation de l’Association des Métis d’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest (aujourd’hui nommée Métis Nation of Alberta). Joseph Dion écrit que ses objectifs sont alors « de réhabiliter la race métisse, d’offrir une éducation adéquate aux enfants métis et de ... »prodiguer des soins aux malades ». Pendant l’été 1932, il organise à St. Albert plusieurs rencontres entre les communautés pour coordonner les peuples métis de la province.

Lors d’une rencontre en juillet 1932, qui rassemble des gens de toute la province, Joseph Dion est élu président de l’association. Il conserve son poste jusqu’en 1940, alors qu’il vit à Gurneyville, dans la réserve Kehewin, et est encore enseignant. À son départ, un conseil exécutif provisoire est mis en place et Malcolm Norris est élu président (quoique certains documents indiquent que Joseph Dion aurait conservé le poste jusqu’en 1958).

Joseph Dion et d’autres leaders métis exercent de fortes pressions sur le gouvernement de l’Alberta pour qu’il mène une étude sur la pauvreté, les problèmes de santé et le manque d’éducation des peuples métis et non inscrits. Ils reçoivent ainsi du soutien de politiciens provinciaux et fédéraux, d’autorités religieuses et de médecins. Leurs efforts mènent notamment à la formation de la Commission Ewing, une commission royale créée en 1934 par le gouvernement de l’Alberta pour écouter des témoignages et formuler des recommandations à propos de ces enjeux.

Rôle dans les établissements métis

Le lobbyisme au cours des audiences de la Commission Ewing amène le gouvernement provincial à adopter en 1938 la Metis Population Betterment Act, qui offre aux Métis de l’Alberta des terres et des programmes de bien-être social. Cette nouvelle loi mène alors à la formation par décret de 12 « colonies » ou établissements métis entre 1938 et 1941. 

Pendant la formation de ces établissements, Joseph Dion travaille pour l’Alberta Bureau of Relief and Public Welfare (Bureau d’aide et de bien-être public de l’Alberta). Nommé commissaire provincial aux serments en février 1939, il est mobilisé, avec Peter Tomkins, pour déterminer l’emplacement des établissements et leurs frontières et aider à rédiger les réglementations liées à leur administration. La même année, il devient superviseur d’établissements dans la région de Fishing Lake et supervise notamment l’établissement Elizabeth, fondé en 1939 et nommé en l’honneur de sa femme.

À la même époque, Joseph Dion prend part au mouvement qui mène à la formation de l’Indian Association of Alberta (IAA), une organisation autochtone fondée en 1939 par John Callihoo et John Laurie. Il y occupe le poste de vice-président et joue un rôle actif, s’étant impliqué dans l’association de laquelle l’IAA est née, la League of Indians of Western Canada. Les deux organisations ont le même objectif : faire du lobbyisme pour modifier la Loi sur les Indiens et pour améliorer les conditions de vie et la situation sociale des peuples autochtones.

Décès et héritage

Ayant un intérêt pour l’histoire et les traditions orales de son peuple, Joseph Dion remarque que les historiens non autochtones, en écrivant sur les Premières Nations, « se sont laissés emporter par leur propre histoire et ont mélangé le mythe et la réalité ». Pour lutter contre ce problème, il écrit, de 1958 à 1960, une chronique hebdomadaire dans la Bonnyville Tribune à propos de l’histoire et des traditions cries. Près de deux décennies plus tard, ces chroniques sont regroupées dans un livre intitulé My Tribe, the Crees et publiées par l’institut Glenbow-Alberta de Calgary sous deux éditions (en 1979 et 1994).

Au cours de sa vie, Joseph Dion demeure actif auprès de l’Église catholique. À plusieurs reprises, il participe au pèlerinage annuel vers le mont St. Joseph, près de sa demeure à Gurneyville. Au cours de son pèlerinage de 1957, l’évêque de St. Paul lui remet une médaille (voir la section Prix et distinctions ci-dessous).

Joseph Dion rend l’âme le 21 décembre 1960 à Bonnyville, en Alberta. Il est enterré au cimetière Our Lady of Mercy, à Gurneyville.

La Société historique des Métis de l’Alberta considère Joseph Dion comme l’un des six héros (« personnages clés ») de l’histoire métisse de la province, aux côtés de Gabriel Dumont, Louis Riel, James Brady, Malcolm Norris et Peter Tomkins.

Prix et distinctions

  • Médaille Benemerenti du pape Pie XII en 1957 pour son engagement envers l’amélioration des conditions de vie des Métis en Alberta