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Corvette de classe Flower

Une corvette est un petit navire de guerre canadien légèrement armé, utilisé pour la lutte anti-sous-marine au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Face à la menace que représentent dès le début de la guerre les sous-marins allemands pour les convois de l’Atlantique Nord, le Canada doit rapidement construire des navires. La corvette, un navire d’à peine 1 000 tonnes et d’une longueur approximative de 63 m, répond à ce besoin. La construction commence au début de l’année 1940 et c’est au cours des derniers mois de cette même année que les 14 premiers bâtiments font leur apparition dans le Saint-Laurent. Au total, les 111 corvettes du Canada représentent le quart de sa flotte de combat; dix d’entre elles sont perdues au combat.

NCSM Halifax

Caractéristiques de la corvette de classe Flower

Initiale (1939‑1940)

Modifiée (1941‑1944)

Déplacement

950 tonnes

1 015 tonnes

Longueur

62,5 mètres

63,4 mètres

Maître-bau

10 mètres

10 mètres

Tirant d’eau

3,5 mètres

3,5 mètres

Vitesse maximale

16 nœuds

16 nœuds

Rayon d’action

3 500 milles marins à 12 nœuds

7 400 milles marins à 10 nœuds

Équipage

75

87

Armement

1 canon de 100 mm (4 pouces) sur le pont avant

2 mitrailleuses Vickers.50

2 mitrailleuses Lewis.303

40 grenades sous-marines :

2 lance-grenades (un de chaque côté)

Rail de lancement à la poupe

1 canon de 100 mm (4 pouces) sur le pont avant

1 canon naval de 2 livres

2 canons de 20 mm Oerlikon

70 grenades sous-marines :

2 lance-grenades (un de chaque côté)

Rail de lancement à la poupe

1 hérisson


Contexte

La corvette est le pilier de l’effort naval du Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale et joue un rôle crucial dans la bataille de l’Atlantique. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, la Marine royale canadienne (MRC) ne compte que 13 navires : une demi-douzaine de destroyers de première ligne de classe River, quatre dragueurs de mines modernes de classe Fundy, deux chalutiers de classe Battle hérités de la Première Guerre mondiale et un voilier-école. À la fin de la guerre, elle est la quatrième flotte alliée en importance (derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union soviétique), avec près de 100 000 hommes et femmes en uniforme et plus de 400 navires de combat en service, dont 111 corvettes de classe Flower.

Conception et construction

À l’automne 1939, l’état-major de la marine canadienne est confronté à un problème : quel type de navire doit-il acquérir et auprès de qui? Les navires de guerre tels que les porte-avions, les cuirassés, les croiseurs et les destroyers dépassent les capacités des chantiers navals canadiens, et les principaux chantiers britanniques sont déjà à plein rendement pour la construction de ces types de navires. De plus, à l’époque, il n’y a pas d’accord de prêt-bail avec les États-Unis (alors neutres).

Mais la Marine royale britannique (RN) développe un type d’escorteur côtier auxiliaire pouvant être construit dans des chantiers navals britanniques de moindre envergure. Ce « baleinier patrouilleur » aurait été rebaptisé « corvette » par Sir Winston Churchill, alors premier lord de l’Amirauté (avant de devenir premier ministre en mai 1940). Fait plus célèbre encore, il les surnomme « les méchants pas chers ». À la fin de la guerre, la corvette fait l’objet de l’un des plus grands programmes de construction navale des Alliés : au total, 368 navires de huit sous-types différents sont construits en Grande-Bretagne (186), au Canada (122) et en Australie (60).

Construction d’une corvette
Construction d’une corvette
Construction d’une corvette

Il s’agit d’une adaptation d’une conception commerciale peu coûteuse et facile à produire. Ce navire à coque en acier et à une seule hélice est petit, d’une longueur de 62,5 m et d’un déplacement de 950 tonnes. Fait important, il peut être construit dans la plupart des chantiers navals canadiens qui, jusqu’alors, n’ont jamais construit de navire de guerre à coque en acier d’une longueur supérieure à 30 mètres. De plus, tout navire construit dans les chantiers navals canadiens des Grands Lacs doit mesurer moins de 82 m pour être en mesure de franchir les écluses du fleuve Saint-Laurent et du canal Welland (cela change avec l’achèvement de la voie maritime au milieu des années 1950). La corvette est équipée de deux chaudières à basse pression alimentant en vapeur un moteur à quatre cylindres de 2 750 chevaux, ce qui lui assure une autonomie de 3 500 milles marins à 12 nœuds (2 500 milles marins à la vitesse maximale de 16 nœuds).

Corvette de classe Flower

Les classes de navires sont généralement désignées par le nom du navire principal, c’est-à-dire le navire qui a été construit en premier. Le premier navire de la RN de la classe est le NCSM Gladiolus, achevé en avril 1940. Comme tous les navires de la RN reçoivent des noms semblables, les corvettes sont connues sous le nom de classe Flower. C’est également le cas dans la MRC, bien que seules les 10 premières corvettes canadiennes portent des noms de « fleurs » (flowers). Les autres sont nommées d’après des villes et des villages, sur les conseils du chef d’état-major de la marine, qui fait remarquer que « les fleurs ne tricotent pas des mitaines! »

Le saviez-vous?
Les noms de fleurs donnés aux corvettes témoignent du sens de l’humour britannique. Churchill croit qu’il serait bon pour les relations publiques des Britanniques, mais embarrassant pour les nazis, d’annoncer que l’un des loups de mer (les U-boot ou sous-marins allemands) d’Hitler a été « détruit par un navire portant le nom d’une fleur, comme le NCSM Buttercup ».


La commande canadienne initiale de 54 corvettes en vertu du programme de 1939-1940 produit des dragueurs de mines auxiliaires hauturiers, à la poupe plus large que la forme en queue de canard des corvettes de la RN. Les corvettes construites dans le cadre des programmes de 1940‑1941, de 1942‑1943 et de 1943‑1944 abandonnent la fonction de déminage.

D’autres modifications sont apportées à la conception de base tout au long de la guerre. En octobre 1940, au moment de la mise en service des premières corvettes construites au Canada, les forces hitlériennes établissent des bases de sous-marins allemands à proximité de l’océan Atlantique Nord. Les besoins changent et il faut déployer des escorteurs en pleine mer. À cette époque, les corvettes sont déjà reconnues pour leur tendance au roulis, et leur déploiement en haute mer démontre rapidement la nécessité de cloisonner le pont du coffre découvert juste à l’avant de la passerelle.

Des modifications sont apportées aux corvettes en 1940‑1941 afin de prolonger le gaillard d’avant et ainsi former un pont fermé depuis la nouvelle proue évasée de manière à l’aligner avec la cheminée. Par conséquent, le canon avant de 100 mm (4 po) et la passerelle doivent être surélevés sur toute la longueur. Enfin, le mât de misaine est également déplacé de l’avant de la passerelle à l’arrière. Ces changements modifient radicalement l’apparence des derniers navires. Les navires construits antérieurement sont finalement modifiés selon cette configuration, en fonction des exigences opérationnelles et de la capacité des chantiers navals. Par exemple, le Sackville issu du programme initial est mis en service en décembre 1941, puis réaménagé entre février et mai 1944 (c’est l’un des derniers à avoir été modifié).

NCSM Riviere du Loup

Des modifications sont également apportées aux corvettes dans le but d’accroître leur autonomie, qui est limitée sur les premiers navires. De 1942 à 1944, les corvettes sont équipées d’un type de chaudière plus compacte et plus efficace qui permet l’ajout de réservoirs de carburant, ce qui leur confère une autonomie nettement améliorée de 7400 milles marins à 10 nœuds. À partir du milieu des années 1943, les corvettes sont équipées d’un mortier Hedgehog qui offre une plus grande précision lors des attaques contre les sous-marins.

L’équipement radio et la réfrigération des navires canadiens sont meilleurs que les versions britanniques. Certaines lacunes majeures subsistent cependant, notamment l’absence d’un compas gyroscopique pour une navigation précise (les corvettes sont équipées de compas magnétiques qui ne suivent pas le « vrai » nord et qui présentent de nombreuses variations dans les relèvements indiqués). Les corvettes sont également équipées de radars et de sonars de conception canadienne qui ne sont pas aussi précis que ceux développés ultérieurement par les Britanniques. Ces lacunes nuisent à la capacité de la corvette de mener des attaques précises contre des sous-marins allemands submergés.

Matelot sur le NCSM Lunenberg
Survivants d’une attaque de sous-marin
Matelot sur le NCSM Edmundston

Déploiement

La plupart des corvettes de la MRC escortent des convois qui traversent l’Atlantique Nord, mais, à divers moments, près de la moitié d’entre elles servent à d’autres opérations telles que la réoccupation des Aléoutiennes (août 1942), les convois des Caraïbes (octobre 1942-octobre 1943), la bataille du Saint-Laurent (étés 1942 et 1944), l’opération Torch (l’invasion de l’Afrique du Nord, novembre 1942‑janvier 1943) et l’opération Neptune (le soutien en mer pour la bataille de Normandie, mai-août 1944). Malgré la perte au combat de dix d’entre elles, les corvettes de la MRC participent à la capture ou à la destruction, seules ou en compagnies, de 14 sous-marins allemands.

NCSM Sackville

Démobilisation et héritage

Moins d’un an après la fin de la guerre, la plupart des corvettes sont vendues à la ferraille; quelques-unes sont envoyées à de petites marines latino-américaines et asiatiques. Une seule, le NCSM Sackville, demeure au service du gouvernement canadien, en tant que navire de recherche océanographique civil à Transports Canada, jusqu’à ce qu’il soit retiré de la navigation en 1982. Le Fonds de commémoration de la marine canadienne est rapidement mis sur pied pour acquérir et le remettre à sa configuration du milieu des années 1944. En 1985, le NCSM Sackville est désigné Mémorial naval canadien et dédié aux 2 000 marins canadiens qui ont perdu la vie en mer. Le navire est amarré sur le front de mer d’Halifax à côté du Musée maritime de l’Atlantique et il est ouvert aux visiteurs.

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