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Citizens Plus « Livre rouge »

Citizens Plus, aussi connu sous le nom de Livre rouge, est un rapport présenté au gouvernement fédéral le 4 juin 1970. Il a été préparé sous la direction de Harold Cardinal et de l’Indian Association of Alberta. Il est une réponse au Livre blanc de 1969. Les auteurs considéraient que le Livre blanc offrait une perspective d’avenir désastreuse pour les peuples autochtones.

Le premier ministre Harry Strom, Harold Cardinal et Jean Chrétien, ministre des Affaires indiennes, le 18 décembre 1970.

Contexte

Au cours des années 1960, le gouvernement fédéral se penche sur la question de l’avenir des peuples autochtones du Canada. En particulier, il s’intéresse à ceux qui possèdent le statut d’Indiens inscrits. Le rapport Hawthorn (Études sur les Indiens contemporains du Canada) se prononce contre des politiques assimilationnistes. Il déconseille également l’abolition du statut d’Indien. Harry B. Hawthorn croit que l’histoire est importante. Il affirme que les traitements préjudiciables infligés aux Premières Nations depuis les premiers contacts justifient une reconnaissance spéciale permanente.

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (voir Ministères fédéraux des Affaires autochtones et du Nord), Jean Chrétien, mène des consultations pendant deux ans auprès des leaders autochtones. Le 25 juin 1969, il publie La politique indienne du gouvernement du Canada (mieux connu sous le nom de Livre blanc). Selon le document, le statut distinct des Indiens inscrits a eu pour effet de leur faire prendre du retard relativement au reste du pays. La solution proposée consiste à abolir la reconnaissance juridique du statut d’Indien. Ceci serait fait en abrogeant la Loi sur les Indiens. Il serait aussi nécessaire d’amender l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (voir Loi constitutionnelle de 1867). Les changements proposés aboliraient les garanties concernant le traitement distinct des Indiens inscrits.

Le Livre blanc suscite la colère des chefs autochtones. Il montre que le gouvernement fédéral ne comprend pas le point de vue des Autochtones et souhaite poursuivre des politiques assimilatrices sans leur consentement et sans les consulter. Les objectifs assimilationnistes du gouvernement sont immédiatement dénoncés. Ce rejet du Livre blanc unit les chefs autochtones, qui sont déterminés à combattre les propositions du document.

Au cours de l’année suivante, Harold Cardinal et l’Indian Association of Alberta rédigent une réponse.

Le rapport

Le nom du rapport, Citizens Plus, est tiré d’une phrase du rapport Hawthorn : « Les Indiens devraient être considérés comme des “citoyens avantagés” [« citizen plus » dans la version anglaise]; en plus des droits et devoirs qui découlent normalement de la citoyenneté, les Indiens détiennent certains droits supplémentaires en leur qualité de membres privilégiés de la collectivité canadienne. » Les auteurs du rapport croient que le Livre blanc offre « le désespoir au lieu de l’espoir ».

Dès la première page, le rapport soutient que les projets du gouvernement concernant la propriété des terres auraient pour résultat de faire perdre leurs terres aux peuples autochtones. « En conséquence, poursuit le document, les générations futures seraient condamnées à la perspective affreuse et désespérante de la pauvreté urbaine au sein de ghettos. » Pour préserver les cultures autochtones, le rapport soutient qu’il est essentiel de préserver leurs terres, leurs droits, leurs statuts et leurs traditions.

Les auteurs demandent au gouvernement fédéral de reconnaître les erreurs du passé et de respecter les traités historiques (voir Traités avec les peuples autochtones au Canada). Ils demandent aussi plus de souplesse pour les adapter aux réalités modernes. Ils affirment que les terres autochtones sont détenues en fiducie par le gouvernement fédéral afin d’empêcher leur morcellement. Le Livre blanc propose d’abroger la Loi sur les Indiens afin de permettre la propriété individuelle des terres autochtones. Citizens Plus s’oppose à cette approche.

Le rapport formule plusieurs revendications immédiates. Premièrement, il demande la nomination d’un ministre des Affaires indiennes à temps plein. Il demande que l’on reconnaisse que les traités sont contraignants et que l’on s’engage à sanctionner des traités mis à jour, ce qui serait inclus dans un futur amendement constitutionnel. La Loi sur les Indiens, qu’il considère comme très paternaliste, devrait subir des modifications drastiques. Toutefois, contrairement à ce que suggère le Livre blanc, Citizens Plus ne recommande pas d’abroger la Loi sur les Indiens. Ceci confèrerait aux peuples autochtones une autonomie gouvernementale accrue ainsi que la capacité de contrôler ou d’acquérir les titres de leurs terres.

Le Livre blanc propose de réduire graduellement la part des « affaires indiennes » du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord (voir Ministères fédéraux des Affaires autochtones et du Nord). De son côté, Citizens Plus croit qu’une branche fédérale des affaires autochtones sera toujours nécessaire. Il propose plutôt qu’elle devienne plus petite et qu’elle soit davantage centrée sur les besoins de la communauté. Ce ministère de taille réduite serait dirigé par un ministre dont l’unique responsabilité serait les affaires autochtones.

En outre, le Livre blanc recommande que les provinces assurent le financement des programmes dont elles sont normalement responsables. Citizens Plus soutient plutôt que les fonds pour l’éducation devraient être versés directement aux conseils des Premières Nations. Les conseils pourraient administrer leurs propres écoles ou faire des arrangements pour utiliser des infrastructures publiques voisines. Les programmes d’enseignement devraient être révisés afin de préparer les membres des Premières Nations à occuper des emplois dans le gouvernement et le secteur public, aussi bien que dans les industries émergentes.

En ce qui a trait au développement économique, les auteurs pensent que les Premières Nations ne devraient pas s’appuyer uniquement sur le gouvernement. Ils recommandent de mettre à contribution l’aide du secteur privé. La création de sociétés de développement communautaire serait encouragée. Des incitations fiscales et de formation stimuleraient le développement de nouvelles entreprises.

Quant aux revendications territoriales, le rapport propose la création d’une commission. Celle-ci serait créée en consultation avec les Premières Nations, plutôt que par la nomination d’un commissaire unique comme le prévoit le Livre blanc. La commission aurait pour tâche de moderniser les traités. Elle attribuerait aussi des compensations aux Indiens inscrits non couverts par les traités. Elle réviserait les frontières des réserves. Elle préparerait des législations afin de modifier les restrictions entourant les droits de pêche. Finalement, elle traiterait toute autre question liée à des revendications.

Les recommandations du rapport sont suivies d’une mise en contexte historique, incluant des propositions de réforme de l’éducation soumises au gouvernement fédéral par l’Indian Association of Alberta en mars 1970.

Conséquences

Le rapport est présenté aux membres du cabinet fédéral le 4 juin 1970 par Harold Cardinal et une délégation de 150 chefs de l’Indian Association of Alberta. Suite à la présentation du Livre rouge, le premier ministre Pierre Trudeau déclare que le gouvernement ne compte pas précipiter la finalisation de sa nouvelle politique indienne. Le premier ministre Trudeau remarque que certaines parties du Livre rouge l’ont irrité, dont l’insinuation que le gouvernement a cherché à tromper les Premières Nations. Pierre Trudeau reconnaît que certains éléments du Livre blanc étaient naïfs, et que le concept d’égalité n’est pas tout noir ou blanc. « Le processus nous a appris que nous avons peut-être été un peu trop théoriques, un peu trop abstraits, que nous n’avons pas été, comme le suggère M. Cardinal, suffisamment pragmatiques ou compréhensifs, et c’est très bien. Nous sommes ici pour en discuter. » Plusieurs observateurs croient que le Livre rouge a éliminé les chances que la nouvelle politique indienne soit adoptée. Le Livre blanc est abandonné en 1970.

La promotion de modèles d’autonomie pour l’éducation et le développement économique a ouvert la voie à des pourparlers sur l’autonomie gouvernementale. À partir des années 1980, elle a contribué à amender la Constitution pour y inclure des droits autochtones (voir Droits des Autochtones au Canada).