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Charlotte Small Thompson

Charlotte Small Thompson, femme crie, épouse et collaboratrice de David Thompson (née vers 1785 dans la région d’Île-à-la-Crosse, en Saskatchewan; décédée le 4 mai 1857 près de Montréal, auQuébec). Le mari de Charlotte, David, est aujourd’hui reconnu comme un des géographes les plus accomplis d’Amérique du Nord. Entre 1799 et le moment où David Thompson abandonne la traite des fourrures, en 1812, Charlotte parcourt avec lui plus de 20 000 km dans le nord-ouest de l’Amérique du Nord. Simultanément, elle élève une famille grandissante (cinq de ses treize enfants naissent durant cette période) tout en offrant à son mari un soutien linguistique, logistique et de subsistance pour son travail de traite de fourrure et d’arpentage pour la Compagnie du Nord-Ouest. Le couple passe le restant de sa longue existence dans l’est du Canada, loin de la terre natale crie de Charlotte.

Île-à-la-Crosse

Jeunesse

La mère de Charlotte Small Thompson est une femme crie dont nous ignorons le nom. Son père est Patrick Small, un négociant en fourrure écossais de la Compagnie du Nord-Ouest. Patrick Small est responsable de la traite à Île-à-la-Crosse, dans ce qui deviendra la province de Saskatchewan, de 1783 ou 1784 jusqu’en 1788, lorsqu’il séjourne un an à Montréal. De retour en 1789, il abandonne la traite des fourrures et repart pour l’Écosse en 1791. À Île-à-la-Crosse, Patrick Small a eu un fils et deux filles, possiblement de mères différentes. Il n’a jamais reconnu la mère (ou les mères) comme ses épouses, et n’a pas maintenu de rapports durables avec elles. Toutefois, son collègue William McGillivray et d’autres négociants, sachant qu’il était le père des enfants, ont préservé leur nom de famille paternel.

Charlotte grandit au sein de sa famille crie, et sa langue première est le cri. Elle rencontre David Thompson vers l’âge de 13 ans. Selon ses notes, leur mariage (ou ce qu’il considère comme tel) se déroule le 10 juin 1799 à Île-à-la-Crosse. Cette union est de toute évidence approuvée par la famille crie de Charlotte bien que David ne mentionne rien à leur sujet dans ses écrits. À l’époque, les négociants s’allient souvent avec des femmes autochtones, mais David prend son engagement plus au sérieux que la plupart d’entre eux. Son précédent travail pour la Compagnie de la Baie d’Hudson (jusqu’en 1797) lui a permis d’apprendre le cri, la langue véhiculaire de la traite des fourrures. Il a maintenant avec lui une compagne qui maîtrise parfaitement la langue et qui possède son propre réseau familial parmi ses plus proches partenaires de commerce et d’exploration.

Les années de traite des fourrures

Les habiletés pratiques de Charlotte Small Thompson pour la trappe, la préparation des peaux, la confection des vêtements de cuir, la cueillette des aliments sauvages et bien d’autres activités sont essentielles pour soutenir le travail de David Thompson et assurer la subsistance de la famille. Dans ses écrits, David mentionne peu ses contributions, mais il note parfois comment elle attrape des lièvres, pour manger et fabriquer des couvertures de peau, cueille et transforme avec d’autres femmes des racines d’épinette, essentielles pour la couture, ou répare les contenants et les canots d’écorce de bouleau. Un jour, les femmes lui ayant demandé des perles et des rubans, David leur répond qu’il a besoin de peaux de martre pour sa traite et que cela pourrait aider. Les femmes partent donc installer des pièges à martre. Ce soir-là, pour que la récolte soit fructueuse, elles dansent « avec crécelle et tambour » pour le « Manitou des martres », une soirée que David n’oubliera jamais.

Les connaissances culturelles et linguistiques de Charlotte Thompson sont inestimables. Grâce à elle et à sa famille, David acquiert une compréhension des cérémonies et coutumes cries beaucoup plus approfondie que celle de la plupart des autres négociants européens. Il apprend que son peuple s’appelait lui-même les « Nahathaway » et non les Cris, le nom que leur ont donné les Français. Il trouve la langue « douce et facile à apprendre et à parler ». Vers 1847, David note que le fait d’avoir vécu plusieurs années avec les Nahathaway, d’être présent à leurs diverses cérémonies, de vivre et travailler avec eux, et que son adorable épouse, « qui est du sang de ces gens », parle leur langue tout en étant bien éduquée à la langue anglaise, lui procure un grand avantage.

La vie après la traite des fourrures

La relation de David Thompson à Charlotte Small Thompson durera 58 ans, chose inhabituelle pour une union contractée dans le cadre de la traite des fourrures. Il est tout aussi remarquable que le couple se marie devant l’Église dès qu’il a la chance de le faire, le 30 octobre 1812, peu après son arrivée dans l’est du Canada. Le mariage est précédé par les baptêmes : Charlotte et quatre de ses enfants sont baptisés le 30 septembre.

Les Thompson vivent ensemble pendant 45 ans après avoir abandonné la traite des fourrures. Sur leurs treize enfants, huit naissent durant cette période, au Bas-Canada ou au Haut-Canada (Québec et Ontario actuels). Trois de leurs enfants meurent jeunes, l’un peu après sa naissance et les deux autres à cinq et sept ans. Durant la récession des années 1830, les Thompson glissent dans la pauvreté. David peine à soutenir sa grande famille avec son travail d’arpenteur et la spéculation foncière. Il meurt le 10 février 1857, âgé de 86 ans, quelques mois avant son 87e anniversaire. Charlotte meurt quelques mois plus tard, le 4 mai, vers l’âge de 72 ans.

On sait peu de choses de la vie ultérieure de Charlotte Small Thompson. En 1917, Joseph Burr Tyrrell, le premier spécialiste à publier une édition des écrits de David Thompson, rencontre un des petits enfants de Charlotte, William Scott. Celui-ci a vécu un certain temps avec ses grands-parents quand il était enfant. Il décrit Charlotte comme « active et svelte », avec des yeux noirs et une peau presque cuivrée. Elle était douce et aimable, dit-il, et une « excellente maîtresse de maison » qui n’entretenait pas de relations sociales hors de la famille. En 1928, Joseph Tyrrell résume ses conclusions au sujet de Charlotte : « Mme Thompson était une maîtresse de maison modèle, extrêmement soignée et dévouée à [son mari] autant qu’il l’était à elle. » Il voyait Charlotte comme une femme ayant réalisé une transition de sa culture d’origine à la culture euro-canadienne, et plus spécifiquement, au rôle d’une femme blanche tenant un ménage et une famille en accord avec les normes de l’époque dans l’est du Canada.

Identité

On ignore quelle conception Charlotte Small Thompson et son mari avaient de leur identité et comment elle a pu évoluer au cours des ans. Ces dernières années, certains auteurs l’ont décrite comme une Métisse car elle avait un père blanc et une mère autochtone. Mais la définir en termes raciaux, ou de « sang mélangé » serait négliger le fait qu’elle a grandi en tant que crie et que c’est cela qui a défini son rôle majeur d’épouse et partenaire de David Thompson dans la traite des fourrures. David et ses contemporains ne l’ont jamais considérée comme une Métisse. À leur époque, ce terme désignait plus étroitement les personnes d’origine autochtone et canadienne-française qui ont commencé dans les années 1820 à émerger comme groupe politiquement et culturellement distinct, particulièrement dans la région de la rivière Rouge. Le parcours de vie de Charlotte est unique et mérite d’être désigné selon ses propres termes, dans la mesure où les sources permettent de les connaître.