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Cecelia Jane Reynolds

Cecelia Jane Reynolds, chercheuse de liberté (née vers mai 1831 en Virginie; décédée le 4 juin 1909 à Louisville, dans le Kentucky). En mai 1846, Cecelia a fui ses esclavagistes du Kentucky en passant par les chutes Niagara et par le chemin de fer clandestin. Les lettres entre Cecelia et Fanny Thruston, la belle de Louisville dont elle a été la servante personnelle, sont devenues des sources primaires uniques pour les historiens étudiant l’esclavage et les relations entre les anciennes personnes asservies et les propriétaires d’esclaves américains.

Jeunesse

Cecelia n’a que cinq mois lorsqu’elle et sa mère Mary sont achetées d’un marchand d’esclaves. En octobre 1831, elles arrivent au domicile de l’avocat Charles W. et Mary Eliza Thruston. Le père de Cecelia, Adam Reynolds, un expert-cordier, travaille déjà à l’usine de cordage et d’ensachage de Charles W. Thruston. L’usine utilise de la main-d’œuvre asservie en face de la maison de la famille Thruston à Louisville dans le Kentucky.

Enfant, Cecelia joue avec les enfants de la famille Thruston. Mais alors qu’elle n’a que six ans, elle voit son père Adam être arraché des bras de sa famille et vendu à une plantation de l’Arkansas dans le Sud. À l’âge de neuf ans, la petite fille est légalement offerte en cadeau à sa camarade de jeu d’enfance, Fanny Thruston, qui est alors âgée de 14 ans. Cecelia suit une formation pour être la femme de chambre de Fanny, un poste hautement qualifié. Comme elle est chargée de prendre soin des vêtements de Fanny, de sa coiffure et de tous les autres détails de sa toilette, les deux filles voyagent ensemble régulièrement.

Évasion et chemin de fer clandestin

Cecelia n’a que 15 ans lorsqu’elle organise sa propre fuite vers la liberté. Après avoir appris qu’elle doit accompagner la famille Thruston à Niagara Falls dans l’État de New York, elle communique secrètement avec les opérateurs du chemin de fer clandestin de Louisville. Ceux-ci mettent le mécanisme de son évasion en branle. Grâce au réseau bien organisé du chemin de fer clandestin, les abolitionnistes de Louisville font savoir à un chef de train du chemin de fer clandestin de Toronto que Cecelia désire être libre. (Voir aussi Esclavage des Noirs au Canada.)

La famille Thruston prévoit séjourner dans l’élégant hôtel Cataract House, signant le registre de l’hôtel le 14 mai 1846. C’est une destination populaire auprès des clients du Sud, qui y amènent parfois leurs propres « serviteurs » esclaves pour s’occuper de leurs besoins personnels. À l’insu des personnes qui y séjournent, le personnel saisonnier de l’hôtel Cataract, qui est entièrement noir, dirige la station de chemin de fer clandestin la plus fréquentée de la frontière du Niagara. Sous la direction du maître d’hôtel John W. Morrison, probablement lui-même autrefois un esclave, ils coopèrent avec des amis et des parents sur la rive canadienne pour sauver un nombre incalculable de chercheurs de liberté dans les années qui précèdent la guerre de Sécession américaine.

Des rapides devant l’hôtel Cataract House par George E. Curtis, date inconnue.

Un mois avant l’arrivée de Cecelia et de la famille Thruston, Benjamin Pollard Holmes, un serveur en salle à manger sur le bateau à vapeur City of Toronto, signe le registre des invités du Cataract House. Benjamin Holmes a fui l’asservissement de Virginie et il vit alors à Toronto. Il visite l’hôtel pour préparer le sauvetage de Cecelia. L’employeur de Benjamin, le capitaine écossais Thomas Dick qui semble-t-il, aurait transporté des réfugiés de servitude sur son bateau à vapeur, visite également l’hôtel.

Le 14 mai 1846, la famille Thruston, accompagnée de la jeune Cecelia, arrive à l’hôtel Cataract House. Cecelia figure sur le registre des invités en tant que « servante ». Toutefois, Fanny écrit ensuite le nom complet de Cecelia à côté du sien dans le livre d’or de Bath Island le jour de leur arrivée aux chutes.

Quelques jours plus tard, la femme de chambre de Fanny disparaît. Charles W. Thruston et son fils Sam tentent de trouver un chasseur d’esclaves qui pourrait traverser la rivière pour aller enlever Cecelia de son refuge canadien. Cependant, Fanny prend le traversier pour traverser la frontière et se rendre à Clifton, nom donné aux chutes Niagara à l’époque, au Canada. Âgée de 19 ans seulement à ce moment-là, elle confie la malle remplie de vêtements de Cecelia à un abolitionniste local, en glissant une somme d’argent entre les plis pour que son ancienne domestique arrive saine et sauve dans sa nouvelle patrie. Ni la malle ni l’argent ne parviennent jamais à Cecelia.

Vie au Canada

Après avoir été cachée pendant un certain temps dans la péninsule du Niagara au Canada, Cecelia est transportée à Toronto, très probablement sur le bateau à vapeur City of Toronto. Quelques mois plus tard, Cecelia et Benjamin Pollard Holmes se marient à la cathédrale Saint-James et elle devient la belle-mère de ses deux jeunes fils.

Dans sa nouvelle vie, Cecelia (maintenant madame Holmes) doit apprendre à gérer une maison tandis que son mari travaille sur les Grands Lacs. Il est possible qu’elle ait également travaillé à l’extérieur de la maison, car ses compétences de femme de chambre sont recherchées. Comme plusieurs de ses voisins, la famille Holmes aurait accueilli chez elle de nouveaux chercheurs de liberté. Les réfugiés de l’esclavagisme du Sud sont souvent accueillis dans les maisons de familles locales de Canadiens noirs lorsqu’ils accèdent à la liberté.

Correspondance

Cecelia s’ennuie de sa mère et de son jeune frère Edward, qu’elle a été forcée d’abandonner lors de sa fuite de l’asservissement. En fait, il est possible qu’elle ait appris à écrire expressément pour pouvoir communiquer avec les Thruston et tenter de garantir la liberté de sa famille qui est toujours asservie. À l’automne 1851, elle envoie sa première lettre demandant le prix de la liberté de sa mère et de son frère.

Fanny Thruston Ballard, qui est désormais mariée et mère de ses propres enfants, répond à la lettre de Cecelia. Elle et son ancienne femme de chambre entament une correspondance qui dure 20 ans.

Le saviez-vous?
Cinq des lettres de Fanny à Cecelia sont conservées dans les archives de la Louisville Filson Historical Society. Les lettres sont accompagnées d’un récit personnel laissé par l’un des fils de Fanny, à qui sa mère a raconté l’histoire de sa servante Cecelia, qui s’est enfuie il y a longtemps.

Les lettres de Fanny et de Cecelia sont des lettres uniques dans les annales de l’esclavage américain (voir Sources historiques).


Au cours de leur correspondance, Cecelia apprend que son frère est décédé. De plus, Fanny et son mari, A.J. Ballard, n’acceptent pas moins de 600 dollars américains pour la liberté de sa mère Mary. C’est une somme impossible. Malgré le ton chaleureux des lettres de Fanny, la froide réalité du système esclavagiste est sous-jacente.

Cecelia et son mari cherchent un moyen de recueillir de l’argent pour libérer sa mère. Ils laissent les deux jeunes fils de Benjamin à Lowell dans le Massachusetts, pour que ceux-ci y apprennent le métier de barbier. Le couple traverse ensuite l’océan Atlantique et Cecelia trouve du travail à Liverpool en Angleterre, tandis que Benjamin s’embarque pour l’Australie pour faire fortune dans la ruée vers l’or.

Le saviez-vous?
Les beaux-fils de Cecelia ont terminé leurs études. James Thomas Holmes a ouvert un salon de barbier à Peterborough dans le Canada-Ouest. Ben Alexander Holmes a épousé Lucia, une fille issue d’une famille abolitionniste blanche de Lowell au Massachusetts. Il est également devenu barbier dans la ville qui est aujourd’hui Lindsay en Ontario. En 1867, Ben Alexander et Lucia se sont joints à certains membres de la famille de Lucia dans une migration vers l’ouest, et se sont installés à Faribault au Minnesota.

Les filles de James ont déménagé dans le nord de l’État de New York, tandis que les deux fils de Ben, nés au Canada, sont devenus le premier médecin noir et le premier dentiste noir à obtenir un diplôme de la faculté de médecine de l’Université du Minnesota. Tous deux ont eu des carrières importantes. L’aîné est devenu médecin-hygiéniste en chef du nord-ouest du Minnesota.


Lorsque la guerre de Crimée éclate, le service postal le long des voies de navigation est interrompu et Benjamin et sa femme perdent contact. Pensant que son mari est mort, Cecelia retourne seule à leur domicile de Toronto. Au printemps 1854, elle donne naissance à une fille, Mamie. Deux ans plus tard, Benjamin retourne à Toronto, mais sa santé est très détériorée. Lui et Cecelia se retrouvent et construisent une deuxième maison sur leur terrain pour fournir des revenus locatifs et un héritage aux deux fils de Benjamin.

Benjamin Pollard Holmes meurt en août 1859. Ses funérailles ont lieu à l’église épiscopale méthodiste britannique du voisinage et il est inhumé au Necropolis Cemetery de Toronto. Cecelia loue sa maison de Toronto et elle traverse le lac avec sa fille, qui a maintenant six ans, jusqu’à Rochester dans l’État de New York.

Vie ultérieure

Des preuves suggèrent que Cecelia et son défunt mari Benjamin connaissaient peut-être Frederick Douglass, le plus célèbre de tous les abolitionnistes noirs. Frederick et son épouse Anna Douglass s’installent à Rochester, dans l’État de New York, où Frederick publie le journal North Star et plus tard le Frederick Douglass' Paper. Après que Cecelia et sa fille déménagent à Rochester, Cecelia est embauchée pour travailler dans la maison d’une famille de banquiers blancs.

À Rochester, Cecelia rencontre William Henry Larrison, un chercheur de liberté né dans le Delaware. Ils se marient et elle donne naissance à une autre fille, Sara. Lorsque la guerre de Sécession éclate, elle et ses deux filles accompagnent son mari qui s’enrôle comme cuisinier dans la 14 th New York Heavy Artillery. (Voir aussi La guerre de Sécession et le Canada.) La famille demeure ensemble à Fort Richmond, qui doit servir à défendre Staten Island en cas d’attaque. Cecelia est employée comme femme de chambre de l’épouse du commandant de son mari William. Elle et ce dernier se retrouvent séparés lorsque son régiment est redéployé pour le siège de Petersbourg.

Après la guerre, William souffre de blessures causées par le fait qu’il ait eu à transporter de lourdes marmites en fer. Comme il ne pourra plus jamais effectuer de durs travaux physiques, Cecelia emmène sa famille au Kentucky où elle a un autre enfant, un garçon. À Louisville, elle est réunie avec sa mère qui a été libérée en décembre 1865 en vertu des termes du treizième amendement de la Constitution américaine. Malheureusement, tous les jeunes enfants de Cecelia meurent en bas âge, à l’exception de Mamie, qui est née à Toronto.

Des sources suggèrent que Cecelia retrouve également Fanny Thruston Ballard, avec qui elle a grandi et par qui elle a été réduite en esclavage. Il n’existe aucune preuve voulant que Cecelia ait demandé de l’argent à Fanny, mais elle et son mari sont employés par des amis ou des proches des Ballard pendant les 20 années suivantes. Puis, un jour de 1885, William part chercher du travail et il disparaît. On ne retrouve aucun signe de lui, mais sa femme croit qu’il a été victime des Night Riders, un groupe militant anti-noir actif dans le Kentucky durant la période de la Reconstruction.

Cecelia est vieillissante et en mauvaise santé, et elle demande la pension de l’armée de l’Union à laquelle son défunt mari a droit. Sa demande est refusée et elle ne reçoit que le maigre revenu auquel elle a droit au cours de la dernière décennie de sa vie. Sa fille Mamie prend fidèlement soin de sa mère jusqu’à son décès, le 4 juin 1909. Cecelia est enterrée au Eastern Cemetery de Louisville. Mamie déménage plus tard en Oklahoma et elle y épouse un ancien combattant de l’armée de l’Union, mais elle retourne au Kentucky après la mort de son mari, où elle-même meurt en 1928.

Importance et legs

En 2015, Infrastructure Ontario charge l’archéologue Holly Martelle et son équipe de fouiller le site du nouveau palais de justice de l’Ontario derrière le Osgoode Hall de Toronto. Leurs découvertes jettent un nouvel éclairage sur l’histoire de Cecelia puisque les fouilles révèlent les restes de sa maison de Toronto qu’elle a autrefois partagée avec son mari Benjamin Pollard Holmes et ses deux garçons. Deux ans plus tard, l’autrice primée Karolyn Smardz Frost, qui passe près d’une décennie à retracer le parcours de Cecelia et de sa famille de l’asservissement à la liberté, publie l’histoire de la vie de cette femme remarquable dans Steal Away Home (2017).

Les efforts de Cecelia pour apprendre à écrire ainsi que sa correspondance de plusieurs années avec la femme dont la famille prétendait autrefois être propriétaire de son corps sont des sources importantes pour étudier l’histoire de l’esclavagisme africain et du chemin de fer clandestin. La quête de liberté de cette femme seule et courageuse ainsi que ses efforts pour surmonter les obstacles placés sur son chemin en raison des préjugés raciaux et de l’oppression révèlent la résilience et la persévérance des chercheurs de liberté qui élisent domicile au Canada dans les années précédant la guerre de Sécession américaine. (Voir aussi La guerre de Sécession et le Canada.)

Une minisérie en cinq parties basée sur le livre Steal Away Home est prévue par Conquering Lion Pictures, la compagnie de production qui a produit la minisérie télévisée The Book of Negroes (2015; v.f. Aminata).

L’Histoire des Noirs au Canada: Guide pédagogique

Lecture supplémentaire