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Canada-Est

En 1841, la Grande-Bretagne a uni les colonies du Haut et du Bas-Canada en une seule province, la Province du Canada, en réponse aux rébellions violentes de 1837-1838. C’est le rapport Durham (1839) qui a énoncé les lignes directrices pour la création de la nouvelle colonie avec l’Acte d’Union en 1840. La Province du Canada était composée du Canada-Ouest (anciennement le Haut-Canada) et du Canada-Est (anciennement le Bas-Canada). Les deux régions ont été gouvernées conjointement jusqu’à la Confédération en 1867. Le Canada-Ouest est alors devenu l’Ontario et le Canada-Est, le Québec.

Géographie et population

Le Canada-Est s’étend de Montréal et des Cantons-de-l’Est au sud jusqu’à la péninsule gaspésienne au nord-est en suivant les deux rives du fleuve Saint-Laurent et la rivière des Outaouais à l’ouest. La Terre de Rupert, au nord-ouest, est affrétée par la Compagnie de la Baie d’Hudson.

La population du Canada-Est en 1840 est estimée à 670 000 habitants. Environ 510 000 d’entre eux sont des Canadiens français, dont la famille occupe la région depuis plus de 200 ans. Les autres sont des Autochtones, dont les ancêtres vivent là depuis des milliers d’années, et des colons loyalistes qui ont fui la guerre d’Indépendance américaine (1775-1783). Les loyalistes forment le noyau d’une communauté anglophone. Son nombre augmente rapidement grâce aux vagues d’immigrationanglaise et écossaise.

Gouvernance

La Grande-Bretagne espère de l’union du Haut et du Bas-Canada qu’elle assimile la population canadienne française à la majorité anglophone de la Province du Canada. Le Canada-Est et le Canada-Ouest obtiennent tous deux un nombre égal de sièges à l’Assemblée législative coloniale, même si la population de l’Est est au départ beaucoup plus importante (670 000 habitants contre 480 000 dans la colonie ouest). Le Canada-Est est donc sous-représenté sur la scène politique. Le véritable pouvoir politique, cependant, réside dans les mains du gouverneur britannique, qui dirige les deux provinces avec l’aide d’un conseil exécutif nommé.

Régime seigneurial
(oeuvre de Michael Lee)

Société et économie

Une classe marchande anglophone minoritaire contrôle en grande partie l’économie. Ils dirigent en effet les entreprises forestières, maritimes et ferroviaires, les banques, les maisons de commerce et une foule d’autres entreprises basées à Montréal.

La société francophone du Canada-Est est quant à elle dominée par l’Église catholique et le clergé. Ces derniers contrôlent aussi largement les dossiers relevant de l’éducation. La plupart des habitants francophones sont des agriculteurs, des bûcherons et des ouvriers agricoles. Sous l’union, le Code civil français est maintenu, de même que le métayage issu du régime foncier seigneurial. Le métayage est cependant aboli (dans la loi du moins) en 1854.

Dans les années 1840, une dépression économique mondiale entraîne des temps difficiles pour le Canada-Est. La province fait également face au déclin de la traite des fourrures, qui est le fondement économique de la région depuis des siècles. Dans les années 1850, cependant, l’économie reprend du poil de la bête. Elle est stimulée par la révolution industrielle, l’expansion des canaux sur le Saint-Laurent et la construction de chemins de fer entre Québec, Montréal, Toronto et les États-Unis. Le Traité de réciprocité de 1854 (un traité de libre-échange) avec les États-Unis ouvre également l’accès aux marchés américains pour le bois, les céréales, le poisson et les textiles canadiens.

Sir Louis-Hippolyte LaFontaine
Sir Louis-Hippolyte LaFontaine, vice-premier ministre de la Province du Canada, de 1848 à 1851, huile sur toile de June Forbes McCormack.
(avec la permission de la Government of Ontario Art Collection)

Émeutes de Montréal

En 1848, un mouvement de réforme politique remplace les forces conservatrices qui contrôlent depuis longtemps l’assemblée élue. Le mouvement est dirigé par Robert Baldwin au Canada-Ouest et par Louis-Hippolyte LaFontaine au Canada-Est. Avec les réformateurs de la Nouvelle-Écosse, les co-premiers ministres convainquent les dirigeants impériaux de Grande-Bretagne d’accorder un gouvernement responsable aux colonies de l’Amérique du Nord britannique. Par conséquent, LaFontaine et Baldwin dirigent le premier conseil exécutif de la Province du Canada, ou Cabinet, qui relève de l’Assemblée législative élue et non d’un gouverneur colonial.

L’une des premières mesures prises par le nouveau gouvernement est la Loi d’indemnisation pour le Bas-Canada de 1849. Il vise à indemniser les personnes au Canada-Est qui ont perdu des biens ou subi des dommages lors de la rébellion de 1837. Les Canadiens français considèrent le projet de loi comme une justice sociale. Les conservateurs anglophones, de leur côté, y voient une récompense pour les rebelles. Malgré l’opposition, le gouverneur britannique, Lord Elgin, endosse le projet de loi. Après tout, il a été approuvé par l’Assemblée législative qui siège alors à Montréal, en vertu du nouveau système de gouvernement responsable.

Les protestations au sujet de la loi culminent à l’hiver 1849 avec les émeutes de Montréal. Lord Elgin lui-même est attaqué et le Parlement est incendié. Le gouvernement déménage donc le siège du gouvernement à Toronto, condamnant Montréal à n’être plus jamais une capitale politique.

Représentation selon la population

Les émeutes alimentent chez les Canadiens anglais le sentiment que le Canada-Est est surreprésenté à l’Assemblée législative. Il en résulte des appels en faveur d’une véritable représentation selon la population. Dans les années 1840, le Canada-Ouest profite d’un nombre disproportionné de sièges grâce à une population réduite. Dans les années 1850, toutefois, sa population est désormais la plus importante des deux. Des réformistes comme George Brown, chef du Parti réformiste et rédacteur en chef du Globe de Toronto, appuient fortement la campagne pour une représentation selon la population. Une telle mesure signifie plus de sièges pour le Canada-Ouest.

Impasse politique

Cette situation et d’autres enjeux qui divisent, comme le financement gouvernemental des écoles catholiques dans l’ensemble de la colonie, rendent les protestants anglais du Canada-Ouest méfiants à l’égard du pouvoir catholique français qui n’est pas contrôlé. De nombreux Canadiens français, par contre, voient ces questions comme les symptômes d’une lutte pour la survie culturelle.

Le clivage entre anglophones et francophones crée des années d’instabilité gouvernementale et d’impasse politique. La situation est aggravée par un fossé grandissant entre les conservateurs et les réformateurs au Canada-Ouest. Il est donc presque impossible de répondre aux besoins de la colonie et d’y résoudre les problèmes. En 1859, des changements structurels sont nécessaires pour briser la paralysie politique.

Création du Québec

En 1864, l’improbable Grande Coalition cherche à résoudre les problèmes du Canada. La coalition comprend des réformateurs dirigés par George Brown et des conservateurs dirigés par John A. Macdonald au Canada-Ouest, ainsi que George-Étienne Cartier au Canada-Est. Ensemble, ils décident de créer une nouvelle fédération de toutes les colonies de l’Amérique du Nord britannique. Les négociations avec les colonies maritimes débutent à la Conférence de Charlottetown de 1864. En 1867, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick conviennent de se joindre à la Confédération avec les deux Canadas.

Avec la Confédération en 1867, la Province du Canada est dissoute. Le Canada-Ouest devient la province de l’Ontario et le Canada-Est, la province du Québec. Le corps législatif et la capitale de ce dernier sont situés dans la ville de Québec.

Voir aussi : Le Québec et la Confédération.