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Gerald Bull

Gerald Vincent Bull, ingénieur et expert en balistique (né le 9 mars 1928 à North Bay, en Ontario; mort le 22 mars 1990 à Bruxelles, en Belgique). Gerald Bull a étudié à l’Institut des études aérospatiales de l’Université de Toronto. À l’époque, il a été la plus jeune personne à recevoir un doctorat de l’université. Il a participé à plusieurs projets expérimentaux de défense du Canada. Plus tard au cours de sa vie, il a été condamné pour avoir violé l’embargo sur l’exportation d’armes vers l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Gerald Bull a passé sa vie à perfectionner des systèmes d’artillerie, dont certains pourraient lancer des charges dans l’espace. Il a été assassiné alors qu’il travaillait à un super-canon pour l’Irak.

Bull, Gerald

Jeunesse et éducation

Bien que Gerald Bull soit né dans un milieu privilégié, sa jeunesse est marquée par plusieurs tragédies. Sa famille est ruinée par l’effondrement boursier de 1929 et contrainte de déménager à Toronto pour trouver du travail. (Voir Crise des années 1930 au Canada.) En 1931, il perd sa mère. Son père souffre d’une dépression nerveuse et commence à beaucoup boire. Finalement, il laisse ses enfants entre les mains de sa sœur Laura, la tante de Gerald. En 1932, Laura meurt d’un cancer, les banques saisissent la maison familiale et le père de Gerald abandonne ses enfants. Ceux-ci sont dispersés parmi les membres de la famille. Gerald part vivre avec sa sœur plus âgée à Sharbot Lake, en Ontario.

Gerald Bull reçoit une autorisation spéciale pour commencer son secondaire à l’âge de 10 ans. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il se découvre une fascination pour l’aviation et construit des modèles réduits d’avions. Un professeur l’encourage à concevoir ses propres prototypes et à étudier l’impact des changements apportés au design sur les caractéristiques de vol. Gerald Bull est au début de son adolescence lorsqu’il commence à découvrir l’aérodynamique.

Université et début de carrière

Gerald Bull complète ses études secondaires avec deux ans d’avance et veut s’inscrire à l’école de médecine, mais il est trop jeune. Toutefois, un nouveau programme de génie aéronautique accepte de recevoir les candidats plus jeunes. Pendant une entrevue pour déterminer si Gerald Bull est capable d’assimiler la matière, on lui demande pourquoi il veut devenir ingénieur aéronautique. Il répond en parlant pendant un quart d’heure de ses expérimentations sur les ailes de ses modèles réduits, et des difficultés qu’il a rencontrées. Il explique qu’il connaît bien les problèmes, et qu’il est maintenant intéressé à trouver des solutions. Il est reçu dans le programme.

Gerald Bull est encore à l’université lorsque la Deuxième Guerre mondiale prend fin en 1945. La guerre a fait du Canada un leader mondial en aviation. (Voir Aviation militaire.) Bien que la guerre soit finie, il y a encore beaucoup de travail à faire.

En 1949, le gouvernement fédéral finance la création d’un Institut d’aéronautique à l’Université de Toronto. Gerald Bull est sélectionné pour travailler à l’Institut. Il est chargé d’étudier les caractéristiques aérodynamiques des souffleries supersoniques.

L’expérience acquise par Gerald Bull dans la conception des souffleries éveille l’attention du Conseil de recherches pour la défense, qui travaille à un système de missiles sophistiqué portant le nom de code Velvet Glove (gant de velours). Il commence à travailler pour le Centre d’étude et de recherche sur les armements — un laboratoire secret de développement d’armes dans la base militaire de Valcartier, au Québec.

Velvet Glove et Avro Arrow

Le projet de missile Velvet Glove requiert l’évaluation des caractéristiques aérodynamiques des missiles en vol. Habituellement, les prototypes sont testés dans une soufflerie supersonique, mais Valcartier n’en a pas. Par contre, la base dispose d’une abondance de vieilles pièces d’artillerie et d’un champ de tir conçu pour étudier les projectiles en vol. Gerald Bull a l’idée de propulser des missiles à l’aide de pièces d’artillerie. Cette expérience démontre que lancer des prototypes de missiles à l’aide d’un canon pour étudier les forces aérodynamiques est pratiquement aussi efficace qu’utiliser des souffleries. Cela est aussi beaucoup moins dispendieux que de construire une nouvelle soufflerie.

Cette idée ne s’applique pas seulement aux missiles, mais aussi aux prototypes d’avions. Ainsi, des prototypes de l’Avro Arrow sont lancés au-dessus du lac Ontario pour étudier leur aérodynamisme. Ces expériences sur les prototypes d’Arrow amènent des modifications qui permettront à l’avion d’atteindre des vitesses supersoniques.

HARP

Dans les années 1950, la plupart des analystes de la défense croient que l’artillerie conventionnelle est destinée à être remplacée par les missiles et les fusées. Gerald Bull n’est pas de cet avis. Il croit que ses recherches sur l’aérodynamisme des missiles et des avions supersoniques pourraient être utilisées pour révolutionner l’artillerie.


Gerald Bull (left) at the Space Research Institute, McGill University


Il envisage d’abord la possibilité, avec une quantité suffisante de propulseur et des canons plus longs, d’utiliser l’artillerie pour lancer des objets dans l’espace. Ceci deviendra la base du High Altitude Research Project (HARP). À cette époque, Gerald Bull a quitté CARDE et s’est joint à l’Université McGill, qui s’intéresse à l’exploration spatiale. (Voir aussiTechnologie spatiale.) Selon les théories de Gerald Bull, une pièce d’artillerie dotée d’un canon suffisamment grand pourrait lancer des satellites en orbite pour une fraction du coût des fusées conventionnelles. Ces recherches attirent l’attention de l’armée des États-Unis, qui contribue au financement des expériences. Plusieurs canons HARP sont construits, dont l’un est créé en soudant ensemble deux vieux canons de cuirassés. Ceci permet de construire des pièces d’artillerie d’une longueur dépassant 30 mètres et d’un poids de plus de 181 tonnes. Gerald Bull met aussi au point des projectiles spéciaux, baptisés Martlets, qui sont équipés de capteurs conçus pour étudier la haute atmosphère. En 1966, un Martlet lancé par un canon HARP bat un record pour un projectile d’artillerie en atteignant une altitude de 180 km.

Le saviez-vous ?
Les projectiles Martlets tirent leur nom de l’oiseau mythique, sans pattes, qui figure sur le drapeau de l’Université McGill.

Space Research Corporation et condamnation criminelle

L’opposition publique aux dépenses militaires pendant la guerre du Viêt Nam et la viabilité grandissante des fusées conventionnelles conduisent les États-Unis et le Canada à retirer leur financement au projet HARP. Gerald Bull est autorisé à conserver le champ de tir de Highwater, au Québec et l’ensemble de son équipement. À la fin des années 1960, il fonde la Space Research Corporation. Il utilise son expertise en balistique pour développer de nouveaux systèmes d’artillerie et améliorer le matériel de divers pays à travers le monde.

Au milieu des années 1970, le régime d’apartheid d’Afrique du Sud est en guerre contre l’Angola. Les révolutionnaires d’Angola, avec le soutien de soldats cubains, essaient de mettre fin à l’intervention militaire de l’Afrique du Sud en Angola. Les Nations Unies ont interdit l’exportation d’armes vers l’Afrique du Sud. Le Canada et les États-Unis signent l’embargo sur les armes.

En 1978, une enquête de la CBC révèle que des douilles d’obus manufacturées dans l’usine de Highwater sont en fait exportées en Afrique du Sud. Des poursuites criminelles sont intentées contre Gerald Bull. Il est fortement soupçonné, bien que cela n’ait pas été prouvé, que Gerald Bull remplissait en réalité une commande de la CIA. Celle-ci a joué un rôle important pour maintenir le niveau d’armement de l’Afrique du Sud en dépit de l’embargo. Gerald Bull est reconnu coupable : son entreprise doit payer une amende de 55 000 $ au Canada, et Gerald Bull reçoit une sentence de six mois d’emprisonnement dans une prison à sécurité minimale aux États-Unis.

Projet Babylon

Après sa sortie de prison, Gerald Bull s’installe à Bruxelles, où il continue à développer de nouvelles technologies d’artillerie. Il se concentre sur la vente de kits de mise à jour pour aider les pays à moderniser leurs vieilles pièces d’artillerie. Gerald Bull trouve de nouveaux partenaires d’affaires, notamment la Chine et l’Irak.

À ce moment, l’Irak, dirigé par Saddam Hussein, est en guerre contre l’Iran. Important producteur de pétrole, l’Irak dispose de beaucoup d’argent pour se procurer les armements les plus modernes. Le pays est un bon client pour les produits de Gerald Bull. Celui-ci aide notamment les Irakiens à améliorer leur flotte de missiles Scud. En outre, l’Irak souhaite développer son propre programme spatial, ce qui comprend le financement du projet de canon de l’espace de Gerald Bull, sous le nom de code Babylon.

Gerald Bull utilise les travaux réalisés dans le cadre du projet HARP pour le canon spatial Babylon. Cette fois, le canon sera beaucoup plus large, plus d’un mètre, et si long qu’il devait être construit sur le flanc d’une montagne. Au total, cinq devaient être construits. Les deux plus grands devaient être d’une longueur de 156 m et capable de lancer un satellite de 200 kg en orbite autour de la Terre.

Assassinat de Gerald Bull

Bien qu’il soit peu probable que le canon spatial ait eu une vocation militaire, il aurait pu être utilisé comme arme, quoique son utilité pratique soit limitée. Gerald Bull est assassiné dans son appartement de Bruxelles en mars 1990. À ce jour, ses assassins n’ont pas été trouvés, et on ignore qui a commandité l’attentat. L’Iran et Israël avaient tous deux d’excellents motifs d’assassiner l’ingénieur qui travaillait à perfectionner l’arsenal d’artillerie de l’Irak. (Voir Ingénierie.) On croit généralement, bien que cela n’ait pas été prouvé, que les services secrets israéliens sont responsables.