Si vous avez déjà vu une création Jannike Sommar, vous êtes certain·e de vous en rappeler. Si ce n’est pas encore fait, préparez-vous à ne plus l’oublier. Avec cette mode non-genrée ultra-colorée, on est de suite plongé·e dans un monde inclusif et déluré qui fait du bien. Derrière le label, Jannike Sommar, designer non-binaire originaire de Suède et Renata Souto, en charge du e-commerce et du marketing, forment un couple à la vie comme en business. Leur ambition avec leurs créations : exulter la fierté chez les personnes qui la porte. Pas étonnant que nos nombreu·ses·x artistes drag soient des habitué·e·s ! Par webcams interposées, Jannike Sommar nous explique la génèse derrière son esthétique et de ce label, véritable vent frais qui s’abat sur nos placards.

Notre interview de Jannike Sommar

C’est quoi ton premier souvenir de mode ?

Quand ma sœur et moi nous mettions les vieux vêtements de ma grand-mère : des chapeaux colorés, des chapeaux de cow-boys même, des perruques… Je ne sais pas d’où venaient les perruques *rires*. Mais ce sont des souvenirs forts ! J’adorais dessiner des mannequins et je leur créais des looks. Ma sœur voulait que je lui fasse pareil mais seulement avec les lignes, pour qu’elle puisse colorier. Ce sont des moments importants pour moi. J’habitais en dehors de Stockholm, dans la nature. Mais deux fois par an, nous allions chez mes grands-parents du côté de ma mère, dans le Nord. Ils tenaient un magasin de vêtements pour homme en ville. J’ai des souvenirs d’eux essayant de vendre des vêtements à mon père pour qu’il s’habille mieux. Ma grand-mère était surement la plus chic, toujours apprêtée, avec des cheveux teints très rouges. C’était la seule avec un dressing !

C’est une passion que tu nourris depuis l’enfance donc ?

Oui. Ce sont mes premiers souvenirs de fascination pour des beaux vêtements.

Comment as-tu fini par lancer ta propre marque ?

Quand j’étais enfant, j’avais seulement une passion pour les vêtements. J’ai grandi en étant toujours attiré·e par la création et j’ai fini par comprendre que la mode était le médium parfait pour regrouper tout ce que j'aimais. Dès lors, mon but a toujours été de lancer une marque, je ne me voyais pas dans grande maison pour longtemps. Je voulais créer mon monde de rêve. J’ai étudié et je suis allé·e en Belgique, à l’Académie d’Anvers. C’était une formation très artistique. J’ai réalisé qu’il me fallait aussi une expérience professionnelle : j’ai donc travaillé chez Acne Studios puis H&M. Quand le Covid est arrivé, j’étais à Stockholm. Renata vivait à Paris - nous étions dans une relation à distance - et devait venir me voir pour quelques jours, sauf que sans le savoir, son vol était le dernier reliait Paris à Stockholm avant les confinements. Quelques jours sont devenus quelques mois. Ensemble dans mon appartement, nous nous sommes retrouvé·e·s collé·e·s. Après cela, il semblait impossible de reprendre notre vie d’avant. J’ai toujours voulu déménager à Paris, alors tout s’est accéléré. J’ai quitté H&M, je suis parti·e, et on a lancé la marque. C’est comme ça que ça a commencé. J’avais ma boutique en ligne et mon first drop, “In Your Face”, avec huit sweats que je faisais à la commande. C’était ça le début.

Comment tu décrirais ton esthétique ?

C’est maximaliste, audacieux, fun, fantasque, coloré. J’ai cette fascination pour le mouvement pop art, c’est une partie importante de la marque. Cette passion est combinée avec mon amour pour les eighties et les nineties, ainsi que la culture queer. Je suis toujours inspiré·e par la culture queer, nos vies, mes ami·e·s pour qui je dessine ces vêtements. Même aller à des drag shows à Paris m’inspire !

Elle vient d’où, cet amour pour les couleurs vives ?

Il y a une nostalgie de mon enfance, de quand j’avais 10 ou 12 ans. Je suis né·e en 1987, j’ai grandi avec les films du début des années 1990, ça m’a marqué. Je suis inspiré·e parce que les gens portaient et aussi la vibe de l’époque. Et la nostalgie d’être un·e enfant : les enfants aiment les couleurs éclatantes et pures. Ça m’est resté. Je viens de Suède : le style scandinave est très beige. Mais en grandissant en tant que personne queer, j’ai senti que je cherchais autre chose, l’opposé.

Ta mode est non-genrée. Quelle est ta vision d’une mode genderfree ?

Je suis une personne non-binaire et j’ai du mal, parfois, à me sentir libre et à l’aise. Après ma chirurgie du torse, je me sens enfin mieux dans mon corps et j’en suis fier·e, je veux le montrer. Ça peut être compliqué, comme à la plage par exemple, car le monde est tellement binaire. Si je ne suis pas entouré·e de personnes queer, ce n'est pas toujours simple. Je veux créer de la liberté et être connecté·e à des couleurs vives et des designs maximalismes qui encouragent à occuper l’espace, à s’exprimer. C’est une question de visibilité. C’est pour ça que je suis nostalgique de mon enfance. J'ai commencé à comprendre qui j’étais aux alentours de mes 12 ans. C’est aussi ce moment-là que le regard des autres commencent à compter qu'on se sent jugé·e. Je n’avais pas de modèles pour m’identifier. Je me suis dit que j’allais créer de la visibilité à travers ma mode. Je veux que ça soit vu !

C’est quoi la pièce qui représente le mieux la marque ?

Peut-être le pantalon wavy. C’est devenu une pièce marquante, une signature, on va en faire de nouveaux pour l’été. Et le motif de la bouche qui crie. Il est là depuis le début de la marque.

Comment tu imagines le futur de la marque ?

Je veux que la marque devienne une marque lifestyle pour les personnes queer. Je veux montrer la communauté queer dans son quotidien, la gentillesse, l’amour. C’est le but.