Dans la bibliothèque de Charles Darwin

Aujourd'hui nous partons faire une plongée dans la bibliothèque de Charles Darwin... Jusqu’à maintenant, environ 1500 livres appartenant au plus célèbre des naturalistes étaient inventoriés, la plupart conservés à l’université de Cambridge, ou dans son ancienne maison du Kent, en pleine campagne anglaise, devenue musée, mais, mais, c’était sans compter sur un historien des sciences spécialiste de Darwin, John van Wyhe, qui vient de reconstituer toute sa bibliothèque personnelle avec « bien plus que des livres, il y a aussi des journaux, des brochures, des articles, des dessins... tout ce qu’il considère comme ayant des informations pouvant nourrir ses théories, il les récupère, et les conserve »

7400 objets au total, et pour les retrouver, le chercheur s’est transformé en détective Van Wyhe, un travail de fourmi pendant 20 ans, il a écumé les 426 pages et toutes les entrées d’un inventaire écrit à la main, ainsi que les lettres écrites par Darwin, des correspondances sur 30 volumes, dans lesquelles il mentionne certains des livres ou articles qu’il possède, des carnets où il écrivait combien il avait payé tel ou tel ouvrage, et puis le chercheur a passé en revue toutes les ventes aux enchères depuis la mort de Darwin en 1882 :

« J’ai exploré toutes les ressources connues, et je suis confiant aujourd’hui sur le fait qu’on a presque tout... Je suis sûr qu’un ou deux éléments pourraient se cacher dans des collections privées anciennes, mais... on l’a : c’est sa bibliothèque reconstituée telle qu’elle était »

Avec une variété incroyable. « Tout n’est pas de la recherche scientifique, il y a aussi de la littérature, de l’histoire, des choses sur l’investissement, la gestion du foyer... Ce qui rend sa bibliothèque extrêmement éclectique et variée »

Une bibliothèque virtuelle accessible en ligne

Dans cette bibliothèque virtuelle, où tout est accessible en ligne, on trouve aussi des livres pour enfants, des titres mentionnant les émotions, mais aussi l’Histoire politique des troubles de France au 16ème et 17ème (un tiers des ouvrages sont en français, mais il y a aussi des ouvrages en allemand, danois, italien), parce que John van Wyhe le rappelle :

« C’est un peu un ermite, il habite à la campagne et n’aime pas trop aller aux conférences scientifiques à Londres, mais il achète la littérature scientifique du monde entier »

Qu’il arrive à comprendre en langue étrangère. Beaucoup de sciences naturelles bien sûr, la biologie et la géologie sont majoritaires, mais là encore :

« C’est super varié. Par exemple la plupart des gens sont spécialisés sur les mammifères, ou les oiseaux, mais la bibliothèque de Darwin contient autant de choses sur la botanique en général que sur les champignons, les coraux, ou différentes espèces de plantes carnivores, etc. Et c’est ce qui est tellement incroyable, il y a tout dans un seul endroit. La diversité de son intérêt est inégalée »

On trouve aussi des articles sur les bébés hippocampes ou « la distribution des céphalopodes dans les contrées siluriennes », d’autres sur le changement climatique à l’époque glaciaire, ou encore « Animaux fossiles du Mont Léberon (Vaucluse) », tout l’intéressait, dans sa quête pour expliquer l’apparition de la vie sur Terre et comment tout fonctionne. Et il en prenait soin à sa façon :

« Darwin était connu pour être brutal avec ses livres. Si un livre était très lourd et gros, il le déchirait littéralement en 2, pour qu’il puisse le porter plus facilement ! » (rires)

Oubliez donc la bibliothèque un peu luxueuse, où rien ne dépasse, les quelques photos montrent un foutoir synonyme du travail acharné de Darwin. Autres éléments mis au jour, et qu’il conservait aussi :

« Plein de livres critiquant Darwin, parce qu’il était devenu l’un des hommes les plus controversés et haï en raison de ses théories de l’évolution »

Certains ouvrages aujourd'hui inacceptables

John van Wyhe précise aussi que certains des ouvrages seraient aujourd’hui inacceptables, racistes, ou sexistes « parce qu’il était commun à l’époque de parler des femmes comme intellectuellement inférieures aux homme...et Darwin ne l’a pas remis en question »

Mais il n’était pourtant pas lui forcément le plus intellectuel, la preuve :

« Darwin avait une passion pour les romans d’amour vulgaires ! Il n’aimait pas la grande littérature, il aimait lire pour s’évader, et il lui fallait une belle héroïne, dont il pouvait tomber amoureux, et une fin heureuse. Il disait qu’il faudrait inventer une punition spéciale pour ceux qui écrivent des romans avec une fin triste, il ne les aimait pas »

Et dans la liste il y avait Sylvia’s lovers, d’Elizabeth Gaskell, qui avait quand même déclaré que c’était le roman le plus triste qu’elle ait jamais écrit. J’espère pour elle que Darwin ne lui en a pas tenu rigueur...