Le rêveur américain. C’est ainsi qu’en novembre 2016 Tommy Hilfiger baptisait ses mémoires, près de 30 ans après avoir créé ce qui est aujourd’hui considéré comme l’un des empires les plus bankable du prêt-à-porter américain. Un titre à l’image d’une carrière aux allures de success story parfaitement huilée, avec son lot de rebondissements, ses coups de génies et ses incontournables séquences émotion.

L’ado prodige

Tout commence dans la petite ville sans histoire d’Elmira, dans la banlieue résidentielle de New York. Né dans une famille nombreuse catholique d’origine irlandaise, le jeune Tommy Hilfiger décide de se lancer dans la grande aventure de la mode dès… ses 18 ans. Entrepreneur dans l’âme, il ouvre en effet avec une bande de copains une boutique qu’ils appellent "People’s place", dans laquelle ils vendent, principalement à leurs camarades et autres cool kids de leur âge, des jeans pattes d’éléphant, comme ceux que portent les Rolling Stones et les autres stars du moment. Le succès est immédiat.

On est arrivé rapidement à un point où je vendais les jeans directement depuis mon coffre de voiture tant la demande était forte.

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"On est arrivé rapidement à un point où je vendais les jeans directement depuis mon coffre de voiture tant la demande était forte. J’ai donc décidé de passer outre la fac, en pensant que je pouvais vraiment apprendre à monter un business et une marque dans le "vrai monde" " explique-t-il dans un article de Forbes repris par le Business of Fashion. Concevoir des vêtements de bonne qualité à un prix accessible, telle était d’office le credo de ce visionnaire du prêt-à-porter. À 25 ans, alors que sa petit entreprise fait faillite, il se lance dans des études de commerce, enchaîne quelques jobs pour (enfin) se décider à déménager à New York City et créer sa propre marque : Tommy Hilfiger.

Ivy League et drapeau américain

Bleu, blanc, rouge. D’emblée, la première collection de la marque reprenant les trois couleurs iconiques de l’American Flag signe un vestiaire sportswear à l’ascendance patriotique, symbole d’une jeunesse preppy revendiquant ses propres codes stylistiques tout en revisitant les incontournables du vestiaire américain sur un mode contemporain. "C’est peut-être mon côté provincial, mais j’ai toujours aimé les uniformes scolaires de l’Ivy League, les vêtements des marins ou ceux des sportifs. J’ai cherché à interpréter ces tenues familières et leur insuffler une attitude plus décontractée. Les rendre modernes et cool." expliquait-il en 2010 dans un ouvrage qui lui était consacré (Tommy Hilfiger par Tommy Hilfiger, Editions Assouline).

Naturellement, il fait rapidement du jean sa pièce et matière emblématique qu’il décline sur des pantalons, des chemises, des vestes, des salopettes et autres must-have de la garde-robe moderne. Brut ou délavé, déchiré ou soigné, brodé ou cousu façon patchwork, il faut du denim une source inépuisable d’inspiration qu’il jouxte sans relâche aux teintes tricolores qui façonnent son ADN. Son logo, deux bandes bleu marine encadrant un carré blanc et un carré rouge associés, s’affichent sur des tops aux velléités totémiques, contribuant à bâtir une communauté d’inconditionnels qui revendiquent fièrement leur appartenance au clan Hilfiger.

Un phénomène global, boosté dans les années 90 par des pop-stars aux allures de néo-influenceurs, comme les Destiny’s Child, Gwen Stefani, Aaliyah ou encore Britney Spears, qui portent allègrement le nouvel uniforme américain. "À la fin de cette décennie, nous avions atteint les 1 million de dollars de chiffre d’affaires. Je pense que notre succès était dû à beaucoup de travail, de la chance et une certaine capacité à respecter notre stratégie." explique-t-il au Business of Fashion.

Plus qu’un label de mode, c’est un véritable empire lifestyle qui est ainsi construit, la marque multipliant les lignes avec Tommy Jeans, Hilfiger Collection et Tommy Hilfiger Tailored, mais aussi des collections sportswear et le développement de licences autour des sous-vêtements, des chaussures, des montres, des bijoux ou encore des parfums.

Tout de suite, maintenant

En 2010, la PME devenue multinationale se voit racheté par un fond d’investissement, PVH Corp, initiant une nouvelle phase de son développement. Toujours soucieux de s’inscrire dans l’air du temps, Tommy Hilfiger s’applique à scruter les nouveaux mode de consommation des tant convoités millenials et s’empare rapidement des réseaux sociaux tout en embrassant immédiatement le phénomène See Now Buy Now.

Exit les défilés aux saisonnalités décalés, la marque propose à ses clients d’acheter les pièces dès la fin du show puis, avec Tommy Now, de voter pour les modèles qui seront présentés et vendus sur le marché. Véritable spectacle son et lumière, les défilés Tommy Hilfiger prennent alors place dans des décors bluffants plantés à travers le monde, le tout à grands renforts de concerts, de guest-stars et de mannequins au nombre de followers affolant.

Certaines deviennent même le visage de ses collections lancées en grande fanfare, à l’image de Gigi Hadid en 2016, puis de Zendaya dès l’automne-hiver 2018-2019. À chaque nomination, l’objectif est clairement affiché : cibler des millions de post-ados en mal d’inspiration tout en séduisant une clientèle toujours plus jeune, large et diversifiée. Pari réussi.