Dans un article publié jeudi 27 juillet 2023, Mediapart révèle qu’une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris après une plainte pour "agression sexuelle". Des faits qui se seraient déroulés lors du tournage du film Le Retour, de Catherine Corsini.

La réalisatrice, elle, aurait eu un comportement "susceptibles de relever de la définition du harcèlement". Dans cette enquête édifiante, les journalistes Valentine Oberti et Christelle Murhula "retracent l’histoire de ce tournage" et dévoilent notamment des témoignages venant du CCHSCT Cinéma (Comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la production cinématographique).

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Deux comédiennes dénoncent des faits de violences sexuelles

Deux témoignages racontent des faits de violences sexuelles. E (pseudo d'emprunt), 15 ans, dénonce les actions d’un cascadeur qui lui aurait mis, cite le comité, "les mains sur le bas de son dos" et une "main sur sa fesse". L’enquête interne faite par la production estime que le geste "était peut-être maladroit" mais qu’il était lié à "un exercice de jeu pour montrer un pas de danse".

Marion (nom d'emprunt), jeune comédienne choisie à l’origine pour interpréter l’héroïne principale, dit avoir été victime d’une agression sexuelle de la part d’un coach jeu alors qu’elle était en semaine de préparation avant le tournage. La plaignante raconte au site d'investigation qu’il se serait "frotté contre elle" : "Sans prévenir, il m’a prise par les hanches, a collé son corps au mien, notamment son sexe, à mes hanches et mon sexe. Il a fait des mouvements de va-et-vient (…) tout en me poussant et en m’attrapant les bras. Il a fini par me lâcher en riant."

Une actrice témoin de la scène a déclaré dans des messages vocaux écoutés par Mediapart avoir vu le comportement d’un "frotteur du métro". La productrice Élisabeth Perez assure, elle, auprès des journalistes, que "les sept" témoins interrogés "n’ont pas vu de geste déplacé ou délictueux".

Le 3 octobre 2022, Marion a déposé une plainte pour "agression sexuelle" auprès du parquet de Paris, "lequel a ouvert une enquête préliminaire". À noter qu'elle n'a jamais joué dans le film car Catherine Corsini a mis fin à leur collaboration. Selon la cinéaste, elle aurait eu "un blocage sur les émotions".

Le média indépendant indique que la brigade des mineurs a été saisie même si la comédienne était majeure au moment des faits. Le parquet de Paris informe également avoir ouvert après "un signalement du Centre national du cinéma (CNC), 'une procédure [...] pour faire préciser les éléments portés à la connaissance de la justice, dénonçant un contexte sexualisé lors d’un tournage avec des acteurs adolescents, ainsi que la compétence éventuelle du parquet de Paris pour poursuivre les investigations'".

Une ambiance de tournage "horrible"

Le délégué du CCHSCT décrit aussi dans son rapport des "comportements inappropriés (colères, emportements, cris [...] proférés par la réalisatrice)" et assure que tous les salariés ont confirmé ces agissements. Lors du tournage en Corse qui s’est déroulé de septembre à novembre 2022, une dizaine de personnes interrogées par Mediapart dénoncent une ambiance de travail sous tension "horrible", "chaotique" et "toxique".

Plusieurs personnes auraient d’ailleurs quitté le tournage. Comme la seconde assistante réalisatrice qui aurait subi les cris de la réalisatrice. Selon Claude (nom d'emprunt), témoin de la scène, la cinéaste lui aurait dit "qu’elle était une merde (sic), qu’elle ne servait à rien, et qu’il ne fallait plus rien lui confier".

On a le droit d’être une femme si on se comporte comme un homme.

Selon Sophie Lainé-Diodovic, directrice de casting et membre du Collectif 50/50, alertée par la violence du tournage en octobre, "au Festival de Cannes, les violences, qu’elles soient sexuelles ou morales, sont des sujets très minoritaires, les dominants sont encore très majoritaires. On a le droit d’être une femme si on se comporte comme un homme".

Une scène de sexe non déclarée avec une mineure

Dans le rapport du CCHSCT, la réalisatrice est décrite comme "consciente de l’impact de ses emportements" et s'en excuserait "régulièrement auprès des personnes visées". Plusieurs membre de l'équipe du tournage interrogés estiment d'ailleurs que son comportement "n’a pas d’intention humiliante ou malveillante".

Catherine Corsini, connue pour ses engagements féministe s’est dit "prête à se remettre en question" : "Je suis vive, intense, et parfois je m’emporte. Un tournage, c’est une pression de tous les instants." Tout en déclarant : "La plupart des collaborateurs du film travaillent avec moi depuis plusieurs films. Croyez-vous sincèrement qu’ils m’accompagneraient si j’étais un tyran ?".

En mai 2023, Le Parisien révélait que le comité central d’hygiène et de sécurité des conditions de travail de la production cinéma (CCHSCT) a été saisi à la fin du tournage "entre le 14 septembre et le 8 novembre derniers".

En plus des faits de harcèlement "de la part de la réalisatrice", des violences sexuelles sur Marion et E, une scène de sexe avec une actrice mineure aurait été non déclarée à la commission des enfants du spectacle. Finalement coupée au montage, celle-ci a causé le retrait de la subvention de 580 000 euros du CNC "sur un budget de quelque 4,5 millions d’euros", précise Le Parisien. Par la suite, le conseil d’administration du Festival de Cannes a retiré le film des longs-métrages en compétition avant de le rajouter.