Pourquoi diversité et inclusion sont indissociables d'une mode écoresponsable

Par Claire Roussel
Fashion Our Future New York 2023
La quête d'une mode écoresponsable ne se réduit pas au coton bio. Pour y parvenir, l'industrie doit prendre en compte les enjeux sociétaux dont ceux de la diversité et de l'inclusion. On vous explique pourquoi considérer tous les corps et toutes les identités est une nécessité écologique.

Inclusivité, diversité : voici deux notions qui font parler l'industrie de la mode ces dix dernières années. Dans les faits cependant, leur traitement, notamment médiatique et politique, reste encore souvent superficiel.

Pourtant, à l'ère de l'écoresponsabilité, inclure des personnes aux origines sociales diverses, autant dans les campagnes de communication des marques que dans les équipes des entreprises, est un enjeu majeur sur lequel l'industrie de la mode doit progresser, l'une et l'autre étant indissociables.

La preuve par trois.

Penser durable, c’est d'abord penser humain

Les problématiques environnementales sont intrinsèquement liées aux enjeux sociaux. C'est d'autant plus vrai  si l'on estime que l'objectif de l’écologie est la protection de l’ensemble du vivant, raison pour laquelle elle ne peut pas en exclure l’humain.

Cette articulation se retrouve dans les réflexions pour une mode écoresponsable.

Si on prend l'exemple de la pollution textile, là où les vêtements usagés des consommateurs occidentaux sont envoyés sur des marchés au Ghana faisant de certains lieux des décharges textiles à ciel ouvert, on comprend qu'il s'agit à la fois d’un problème écologique, lié à la surproduction, mais aussi d’une dynamique coloniale des pays "du Nord" vers ceux "du Sud".
 
Pour comprendre et résoudre ces défis complexes, les marques ont besoin d’expertises et de points de vue variés au sein de leurs équipes.

Pour Adjoa Tudor, consultante en inclusivité, une entreprise qui se veut réellement écologique a besoin de diversité : "La priorité, c’est d’avoir une équipe inclusive. Ça permet d’élever les débats et d’avoir des visions variées, à la hauteur de ces enjeux". Un évidence encore souvent au sein de nombreuses organisations habituées à réfléchir prioritairement en termes de marketing et campagnes publicitaires.
 
La philosophie des marques pensées à l'origine de façon écologique les oriente d'ailleurs vers les préoccupations liées au bien-être humain, dont les questions d'inclusivité. C’est en tout cas ce qu’a constaté Fanny Enjolras-Galitzine, aka The Greenimalist : "Au niveau moral, la mode durable se veut humaine et plus empathique. Quand on échange avec ceux qui sont sur ce créneau, beaucoup se demandent aussi comment bien représenter les personnes qui incarnent la marque."

Se couper de ces réflexions quand on entend être une marque plus écoresponsable, c’est risquer des incohérences.

Fashion Our Future 2023 à New York : Table ronde "Mode équitable, femmes et communautés".

Une mode écologique s'adresse à tout le monde

La mode durable veut promouvoir l’écologie pour encourager un changement global. Mais comment toucher un grand nombre de personnes si la majorité de la population n’est pas représentée dans les images des marques éthiques ?
 
On peut citer un reproche qui leur est souvent fait : ne pas proposer de "grandes tailles", alors que 58,1% des femmes françaises font une taille 42 et plus, contre 1,4% de taille 34.

La mode écoresponsable court le risque de voir cette clientèle se tourner, faute d’alternative, vers les marques d’ultra fast-fashion, ces dernières ayant elles, bien compris, qu'une opportunité marketing était à porté de main tant la diversité des corps a longtemps été négligée par le reste de l’industrie.
 
Comme l’explique Âme Assitan, spécialiste de la mode intersectionnelle, certaines marques écologiques rechignent à inclure : "Le haut-de-gamme tend à se marketer auprès d’un type de femmes avec un certain physique et statut social. Certaines marques durables perpétuent ce mécanisme, parce qu'elles savent qu’avec cette image, les clientes CSP+ vont désirer leurs vêtements."
 
Les marques engagées font quant à elles face un vrai dilemme économique, car produire des vêtements durables coûte cher ce qui augment également leur prix pour le consommateur.

Un sentiment d’exclusion social et financier peut par conséquent être généré par une clientèle qui aimerait "bien faire" mais n'en n'a pas les moyens.

Pour prouver leur bonne foi, des marques ont développé la technique du "ticket": un reçu qui montre aux client·es la totalité de leurs charges et leur petite marge.

Ainsi, elles indiquent que si elles ne peuvent pas être 100% inclusives socialement, elles font de leur mieux pour trouver un équilibre entre diversité et production éthique.

Autres solutions : le vintage et la seconde main qui sont pour beaucoup devenues des alternatives incontournables.

L’inclusivité nourrit la créativité

Si la question de la mode comme étant autant un art qu'une industrie n'est pas unanimement tranchée, il n'empêche qu'elle se doit d'être à la fois créative et innovante. Ses velléités d'écoresponsabilité se doivent donc de l'être tout autant. 
 
Loin d’être un frein à ces qualités indispensables, la diversité et l'inclusivité les propulse dans une nouvelle dimension. Surtout quand elle existe déjà au sein les équipes, comme a pu le constater Adjoa Tudor : "J’observe que l’inclusivité interne influence la manière de communiquer, de mettre en image, tout ce qui touche à la direction artistique… car on a envie de représenter toutes les personnes de l’entreprise ! Avec cette pluralité de visions, on arrive à faire des campagnes très belles”.
 
Une philosophie qui nourrit aussi le design des vêtements, comme l’illustre brillamment le label Ester Manas dont les collections durables et inclusives - une seule pièce peut habiller un corps du XS au XXXL -  sont une prouesse artistique.
 
Si l’industrie a encore une marge de progression certaine sur ces deux sujets, la nouvelle génération de designers talentueux - que l'on parle de  Louis Rubi, Jeanne Friot, 7 MILLIARDS, ou Make My Lemonade - a beaucoup a lui apporter souligne Adjoa Tudor : "Les jeunes générations sont très au fait de ces questions et combinent ces notions dans leur travail. S'agissant des entrepreneurs de demain, j’ai beaucoup d’espoir."

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