"La découverte la plus importante depuis la bombe atomique". Si la remarque de Diana Vreeland, rédactrice-en-cheffe phare du Harper's Bazaar US des années 30-40, au sujet du bikini frôle avec impertinence le mauvais goût, il a du moins le mérite de nous donner une petite idée de l’impact sulfureux du fameux bout de tissu dans l’Amérique conservatrice de l'époque.

Porté par une génération d’actrices hollywoodiennes au glamour influent, le mythique maillot de bain deux pièces d’ascendance européenne voit pourtant rapidement ses formes se muer au gré de ses adaptations culturelles et régionales, quitte à dévoiler plus encore une silhouette féminine en quête de libération (et de peau halée).

Le bikini, naissance d’une ficelle

C’est le cas du Brésil qui fort de ses 8400 km de plage et son climat côtier tropical se réapproprie ce maillot de bain au service d’un culte du corps assumé.

Adoubé par les brésiliennes dès les années 50, il commence à opérer sa mue dès le début des années 60 alors que le président conservateur Janio da Silva Quadros tente (vainement) de le prohiber.

Impossible : les 4 triangles de tissus reliés par 4 bouts de ficelles sont sur toutes les plages brésiliennes.

La faute à Brigitte Bardot - porte-étendard incontestée de la vague bikini - qui viendra en 1964 passer 4 mois à Buzios - près de Rio de Janeiro, au point de devenir l’icône du village ?

L’influence des icônes hollywoodiennes qui brillent alors impérialement sur le monde entier, y compris les terres australes comme le Brésil ?

La découverte la plus importante depuis la bombe atomique - Diana Vreeland

L’aura d’icônes locales comme les actrices Norma Tamar et Carmen Victoria qui dès la fin des années 50 contribuent à le populariser ?

Vidéo du jour

Si l’histoire ne précise pas les tenants et aboutissants d’un tel raz-de-marée, on remarque rapidement que la version brésilienne se fait plus dénudée, notamment au niveau des fesses qui se voient ainsi sublimées.

Alors que le sulfureux maillot topless alors popularisé en Europe sous l’impulsion du designer Rudi Gernreich, les brésiliennes contournent sa stricte interdiction, encore en vigueur aujourd’hui, en diminuant drastiquement les dimensions du maillot autorisé.

Taille haute, coupe échancrée, ficelles remontant au sommet des hanches et postérieur sublimée : dans les années 70, le bikini brésilien adoube son string signature qui lui vaudra sa sulfureuse réputation au point de devenir un incontournable culturel de l’accoutrement de plage locale.

Certains diront même qu’il a contribué à booster le tourisme brésilien et à faire de Copacabana et Ipanema les plages mythiques que l’on connaît encore aujourd’hui.

Sea, sex and maillot de bain brésilience

Dans les années 80, le design du bikini brésilien se complexifie et prend des formes diverses et variées tout en préservant l’esprit tanga de sa culotte.

On en distingue trois principales : le bikini "asa delta", soit le maillot brésilien le plus répandu dont le bas prend la forme d’un triangle échancré qui vient souligner la courbure des fesses ; le bikini "fio dental", que l’on peut traduire par "fil dentaire" et dont la culotte, comme son nom l’indique, consiste en un simple string relevé d’un micro-triangle inversé sur le haut du postérieur qui vient séparer les fesses en deux ; le bikini "lacinho nas lateiras", dont la culotte double son échancrure de nœuds sur les côtés pour la touche glamour.

Côté tops, on retrouve les formes classiques de soutien-gorge triangle dont les bouts de tissus glissent et se règlent sur des lanières, des formes corbeilles ou encore des formes bandeaux.

Popularisé dans les années 80 puis 90, notamment aux Etats-Unis (Californie, Floride…), le maillot brésilien surfe sur les mutations socio-culturelles qui agitent alors la société occidentale, entre sexualisation à outrance du corps féminin, essor du tourisme de mass - et du beachwear concomitant - ou encore démocratisation de la chirurgie esthétique.

Élevé à l’internationale en symbole ultime d’un lifestyle implicitement débridé, le bikini devient l’apanage d’une féminité décomplexée, sensuelle et synonyme de désirabilité tout en s’imposant comme l’uniforme de plage le plus communément partagé sur les plages brésiliennes.

 Le bikini que tout le monde porte

Lanières structurées, asymétries des coupes, dualité des formes, teintes vitaminées ou encore motifs animaliers : alors que la curiosité stylistique née sur les plages brésiliennes se mue en industrie textile à part entière avec près de 300 millions de modèles produits par an sur le territoire, les designs du bikini brésilien se complexifient, jouxtent les influences et font l’objet de tendances saisonnières à l’image de celles que l’on peut observer dans le prêt-à-porter.

Et l’explosion des réseaux sociaux au sein du pays n’a pas ralenti cette envolée créative, bien au contraire : qu’elle soit immortalisée sur une plage tropicale ou au bord d’une piscine à débordement, difficile de voir une influenceuse 3.0 habillée d’autre chose que d’un bikini suggestif d’ascendance brésilienne, les coupes européennes classiques ayant définitivement cédé du terrain sur les sommets de la hype.

L’uniforme de la #HotGirlSummer en somme, cet archétype féminin élevé en rôle modèle qui inonde nos flux Instagram à l’aune du mois de juin.

De quoi assurer une très longue (et sexy) vie au tout petit bikini.