La vérité sur les cils

Par Carole Paufique et Eve Beauvallet
Twiggy
Leur fonction naturelle a très vite été dépassée par la coquetterie des femmes qui ont voulu en faire le vecteur gracieux d'un regard affolant. Récit.

Doutez-en si vous voulez mais les cils n'ont pas été attribués à l'Homme dans l'unique finalité de provoquer l'excitation sexuelle d'un collègue de bureau. Derrière cette frange d'environ 200 poils se cache une vérité moins glamour. Si vos cils mesurent exactement le tiers de la longueur de votre œil (comme chez tous les mammifères), ce n'est pas pour rien : c'est le ratio le plus efficace pour protéger du dessèchement de la cornée. Plus longue, la frange ne travaille plus. Ce constat n'a visiblement pas empêché l'humanité de désobéir à la nature en cherchant, depuis des siècles, la cambrure la plus aguicheuse et la longueur la plus affolante. Le grand mystère se formule donc ainsi : pourquoi un attribut finalement trivial est-il devenu gage de beauté et sésame de la féminité ?

Faye Dunaway

©Abaca Press Faye Dunaway

Le secret revient aux Égyptiennes : "Déjà dans l'Antiquité, avec Cléopâtre, Néfertiti ou la reine Théodora, les femmes cherchaient à tout prix des artifices pour accentuer leur regard et être plus séduisantes, rappelle Dany Sanz, créatrice de Make Up For Ever. Elles mettaient des onguents pour faire pousser les cils et posaient des faux cils à base de poils d'animaux." Une mode qui – c'est le destin de la mode – s'est parfois démodée au cours des siècles : ainsi, aussi perturbante l'information puisse-t-elle paraître, les femmes du Moyen Âge et de la Renaissance s'épilaient-elles entièrement le visage (et même les cheveux pour s'agrandir le front).

Twiggy

©Abaca Press Twiggy

Vidéo du jour

La sagesse a ramené le XIX siècle aux fondamentaux : le cil, qui architecture l'œil, se doit d'être chargé. Telle fut en tout cas la position d'Eugène Rimmel, qui mit au point en 1880 une pâte compacte noire que l'on diluait avec une brosse en l'humectant de salive. Plus tard, le cinéma, en cadrant serré sur le regard, avivera tous les fantasmes. Le plus puissant ayant été suscité par la légendaire Elizabeth Taylor, restée célèbre pour son rôle… d’égyptienne justement (« Cléopâtre », de Joseph Mankiewicz, 1963), qui aurait été gratifiée, anomalie génétique, d'une double rangée de cils à la naissance.

 Brigitte Bardot

©Abaca Press Brigitte Bardot

Dans la rue, les femmes se mettent à rêver à ce regard qui tue. Alors que le mascara n'en est qu'à ses balbutiements, les déesses du cinémascope poussent les fabricants comme Max Factor, Maybelline ou Longcil Boncza à sophistiquer leurs formules. « C'est Helena Rubinstein qui permettra à toutes d'avoir enfin accès à des cils de stars en lançant le premier mascara automatique, en 1957 », rappelle Olivier Echaudemaison, directeur créatif du maquillage Guerlain.

Défilé Stéphane Rolland printemps-été 2015

©Imaxtree Défilé Stéphane Rolland printemps-été 2015

On connaît la suite : une course frénétique à l'innovation, la mise au point de formules de plus en plus complexes, l'apparition sur le marché d'une artillerie parfois poussée (mini-bigoudis pour cils, teinture, etc.). Quoi qu'il en soit, numéro un des ventes de maquillage, écoulé chaque année par milliards, le mascara continue d'exaucer le rêve séculaire de concurrencer un jour le regard du puma qui, avec 0,7 cm de longueur de cil, est l'animal qui ressemble le plus à Liz Taylor.

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