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#MeToo Hôpital : l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn témoigne à son tour

Dans le documentaire «Des blouses pas si blanches», diffusé dimanche 5 mai sur M6, de nombreuses femmes témoignent des violences sexistes et sexuelles qu’elles ont subies. Parmi elles, l’ex-ministre de la Santé revient sur vingt ans de harcèlement.
par Enora Foricher
publié le 6 mai 2024 à 18h34

«Je l’imagine avec un fouet et des bottes.» Voilà les mots auxquels aurait été confrontée Agnès Buzyn, ministre de la Santé entre 2017 et 2020, alors qu’elle se portait candidate à une chaire de professeure en 2003. Prononcée par le président de la communauté médicale alors censé examiner sa candidature, cette phrase continue d’habiter l’hématologue : «C’est incroyable qu’on me renvoie à un fantasme sexuel. C’était atroce.»

Dans son nouveau documentaire, Des blouses pas si blanches, diffusé ce dimanche 5 mai sur M6, la journaliste Marie Portolano a enquêté avec Grégoire Huet sur les violences sexistes et sexuelles qui traversent le milieu hospitalier. En plein #MeToo Hôpital, initié par l’infectiologue Karine Lacombe à la mi-avril avec ses accusations à l’encontre du médecin urgentiste Patrick Pelloux, de nouveaux témoignages viennent s’ajouter à la liste des récits de violences sexistes et sexuelles subies par étudiantes en médecine, aides-soignantes, infirmières, médecins ou même patientes.

«Le fait d’avoir un titre les rend fous furieux»

A visage découvert, Agnès Buzyn raconte l’épisode qu’elle a vécu à sa nomination en tant que professeure des universités, après vingt ans de carrière en hématologie. Lorsqu’elle arrive devant la communauté médicale pour présenter sa candidature, elle se retrouve face à 32 membres. Et pas une seule femme. «J’ai compris, ce jour-là, qu’il y avait une anomalie. […] Un dysfonctionnement grave», se souvient-elle.

Alors âgée de 40 ans, la nouvelle professeure dit avoir été victime d’un réel acharnement. «Du jour au lendemain, alors que je suis la même personne […], le fait d’avoir un titre les rend fous furieux. Tout d’un coup, je ressens une immense agressivité de la part de mes collègues. En fait, les hommes ne supportaient pas d’avoir une femme hiérarchiquement au-dessus d’eux.» Pendant quatre années, au sein de l’hôpital Necker, à Paris, elle affirme avoir subi harcèlement sexuel et moral. «J’ai cru que j’allais mourir, sincèrement.» Face à la violence de la mise à l’écart qu’elle subit, elle se décrit alors comme «pré-suicidaire». A demi-mot, elle évoque ses enfants comme étant la raison pour laquelle elle n’est pas passée à l’acte. Epuisée, elle finit par jeter l’éponge et quitte la profession.

«Culture carabin» ou culture du viol ?

Dans ce documentaire, les deux journalistes tentent de comprendre les origines et les mécanismes de la violence masculine qui s’exerce sur les femmes dans le milieu hospitalier. Fresques pornographiques dans les salles de garde – normalement interdites depuis 2023 –, soirées étudiantes qui se transforment en bizutage à caractère sexuel, réification des femmes entraînant harcèlement, agressions sexuelles voire viols… la culture «carabin» imprègne toute la profession. Ces us et coutumes sont défendus par certains, qui les décrivent comme de nécessaires soupapes de décompression à des professionnels confrontées à un quotidien difficile, où la mort et la maladie sont légion. Pour d’autres, cette culture s’assimile davantage à celle du viol et entretient un climat d’impunité pour les auteurs de violences sexistes et sexuelles.

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