Menu
Libération
Réactions

Jean-Luc Mélenchon, Clément Beaune, Marie Cau… Après sa sortie transphobe, Macron fustigé de tous côtés

Elections législatives 2024dossier
En qualifiant d’«ubuesque» la volonté du Nouveau Front populaire de permettre aux personnes trans de «changer de sexe en mairie», le président s’attire les foudres des insoumis, des associations et même de certains macronistes.
publié le 19 juin 2024 à 14h28

Qu’il semble loin le temps où Emmanuel Macron plaidait après du journal Têtu pour simplifier le changement de genre. «Les personnes qui s’engagent dans un processus de transition doivent être respectées dans leur choix et leur vie ne doit pas être rendue plus complexe par des procédures administratives si elles sont inutiles», déclarait-il en 2022. Deux ans plus tard, changement de ton. En pleine campagne pour les législatives et en marge du 84e anniversaire de l’appel du 18 Juin sur l’île de Sein (Finistère), le chef d’Etat a jugé mardi 18 juin «ubuesque» une mesure portée par le Nouveau Front populaire (NFP) : celle d’autoriser le changement d’état civil «libre et gratuit» devant un officier d’état civil. Ce qui, reformulé par Emmanuel Macron, devient : «aller changer de sexe en mairie». Du côté des oppositions comme du côté des associations LGBT +, la sortie est taxée de «transphobe». Et même au sein de ses propres rangs, elle indigne.

Dans le camp macroniste : «Nous déplorons vivement vos propos»

A commencer par l’ancien ministre des Transports, Clément Beaune. Sans nommer directement le président de la République, le député Renaissance de la 7e circonscription de Paris condamne sur X (ex-Twitter) : «Pour les personnes trans, pour les personnes LGBT, pour toutes et tous… Nous devons rejeter toute stigmatisation dans le discours politique et faire avancer les droits».

Sur le même réseau social, l’association des Progressistes LGBT +, affiliée à Renaissance, réagit plus vivement. En interpellant directement Emmanuel Macron. «Nous déplorons vivement vos propos qui stigmatisent les personnes transgenres qui ne demandent que de pouvoir changer leur état civil sans avoir à passer par un juge», s’agace l’organisation.

Autorisée en France depuis 1992, la modification du genre sur l’acte d’état civil d’une personne trans se fait sur demande auprès d’un tribunal judiciaire. Depuis 2016, il n’est plus nécessaire d’avoir suivi un traitement médical pour entamer la démarche. Mais il faut être en mesure de démontrer que le genre indiqué initialement ne correspond pas à celui dans lequel la personne «se présente» et dans lequel elle est «est connue». Depuis 2017, le changement de prénom a lui en revanche été facilité par une circulaire. Plus besoin de passer par un juge, les officiers d’état civil du lieu de résidence ou de naissance de la personne sont en effet autorisés à effectuer la modification.

Une «offensive transphobe» pour le Nouveau Front populaire

Une petite subtilité législative sur laquelle patinent quelques insoumis dans leurs condamnations des propos du président. A l’image de Jean-Luc Mélenchon qui estime que le changement de genre en mairie «existe déjà dans la loi». «Les propos du Président sur le changement de genre officiel sont indignes. Cette possibilité existe déjà dans la loi», écrit-il sur X. L’ancien candidat à la présidentielle évoque en outre la «dose de souffrance que cela implique pour les personnes concernées». De quoi amener l’insoumis à s’interroger : «Le respect de l’autre et la compassion pour ses difficultés sont des valeurs des Lumières comme des religions. Pourquoi cette moquerie ?».

L’eurodéputée LFI Manon Aubry, elle, déplore une «offensive transphobe» de la part du chef d’Etat. Sur la même plateforme, elle abonde : «Il a décidé de diriger la campagne de Jordan Bardella ou quoi ?». Une question que ne se pose même plus Clémence Guetté, députée LFI sortante du Val-de-Marne : «L’extrême droite n’a plus besoin de faire campagne. Macron fait le travail», assène-t-elle. Avant d’ajouter : «En pleine offensive transphobe, c’est irresponsable et immonde. Le Nouveau Front populaire est la seule alternative aux haines et aux discriminations». Chez les écolos, la sénatrice Mélanie Vogel préfère inviter à prendre du recul : «Ce n’est pas ‘ubuesque’et ce n’est pas ‘l’extrême-gauche’. C’est la condition de la liberté, de l’égalité, et de l’absence de discriminations.»

La déception de Marie Cau, première maire trans en France

Pour Marie Cau, première maire trans de France, les propos d’Emmanuel Macron déçoivent : «Monsieur le Président Emmanuel Macron, pas vous…», écrit l’élue (sans étiquette) de Tilloy-lez-Marchiennes. Avant de le recadrer : «Ne caricaturez pas les choses, on ne veut pas changer de sexe en mairie, mais changer la mention de genre sur nos papiers pour pouvoir vivre en paix, sans être discriminé et agressé.»

L’édile, en place depuis 2020, partage «l’humiliation» et la «dégradation» ressenties lors d’un passage devant un tribunal «pour obtenir la clémence de juges qui projettent sur nous leurs stéréotypes pour déterminer qui nous sommes». Et renouvelle son appel au chef de l’Etat : «Ne tombez pas dans les poncifs d’extrêmes droites et défendez les valeurs de la république Liberté, Egalité et Fraternité. Votre fonction l’impose.»

Choc et inquiétude pour les associations LGBT

Outre l’agacement, pour les associations LGBT +, les paroles du président inquiètent. Le président d’Inter-LGBT James Leperlier redoute auprès de l’AFP «un glissement dangereux» et la «porte ouverte vers des propositions de loi transphobes et LGBTphobes». «Ces propos sont très choquants, nous sommes atterrés […] C’est d’autant plus inquiétant vu le contexte actuel de transphobie : c’est ajouter de l’huile sur un feu qui est déjà ardent», confie le militant. Qui se projette : «C’est le signe qu’ils n’hésiteront pas à revenir sur nos droits, ne serait-ce que dans le débat, pour racoler des voix».

La peur est partagée par SOS Homophobie. «Emmanuel Macron convoque la transphobie pour attaquer les programmes de ses opposant.e.s politiques», réagit l’association sur son compte X. Qui en tire une déduction : «La stratégie est donc claire : instrumentaliser les minorités dans la course au pouvoir.»

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique