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TRIBUNE

Sois belle et ne parle pas avec cet accent-là : Nelly Arcan sur le plateau de Thierry Ardisson

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Pour l’animateur de télévision, l’accent québécois fait «débander». En 2001, le sort qu’il fait subir à l’autrice lors de son passage à l’émission «Tout le monde en parle» a tout à voir avec le bâillonnement, témoigne l’écrivaine Martine Delvaux.
par Martine Delvaux, écrivaine
publié le 12 avril 2024 à 18h08

Mon souvenir est vif : une très jeune Nelly Arcan est invitée sur le plateau de Tout le monde en parle. Elle est reçue par Thierry Ardisson à qui on doit le concept «Pour faire passer Easton Ellis, Tom Wolfe ou Houellebecq, il faut des bimbos, de la lumière, de la musique». Manière, explique l’animateur, de rendre la culture digeste au lieu qu’elle soit punitive. Ça a lieu le 29 septembre 2001, un an après le passage de Christine Angot, deux semaines après les attentats du 11 Septembre.

Nelly Arcan vient de publier son premier roman, Putain, aux éditions du Seuil. C’est l’histoire d’une escort girl, dit l’animateur. Ce n’est pas un témoignage, dit l’écrivaine, c’est de la littérature.

Il est question du sexe des hommes

Après une série de questions sur les hommes et la sexualité, après avoir bien confondu la narratrice et celle qui l’a inventée, c’est l’interview up and down pour clore le segment, on ne bouge pas pendant le gingle. L’animateur demande : «Qu’est-ce que vous avez de moins sexy ?» Entre étonnement et malaise, l’écrivaine ne sait pas quoi répondre. «Moi je sais, dit-il, mais je ne dirai pas.» Puis il quitte son podium pour venir lui chuchoter fort à l’oreille : «Il faut perdre cet accent canadien.» Un accent qu’elle doit perdre, dit-il, à l’aide de cours donnés en France, par exemple, «parce que c’est terrible, cet accent, je vous jure. On ne parle plus comme ça depuis le XVIIIe siècle».

Et voilà comment un animateur se fabrique une «bimbo» pour

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